Alors que les échanges à la Commission nationale du débat public (CNDP) sur le projet de construction de deux réacteurs nucléaires à Gravelines (59) arrivent à leur terme ce 17 janvier, Greenpeace France revient sur quatre mois de débats pendant lesquels EDF a régulièrement éludé les questions qui dérangent, notamment concernant la sûreté nucléaire et les risques climatiques. Ces dernières ont été soulevées dans le rapport « La centrale nucléaire de Gravelines : un château de sable en bord de mer » publié en octobre 2024 et versé au débat public.
Greenpeace France a été présente tout au long des débats aux côtés de nombreux acteurs de la société civile pour alerter les habitant·es de Gravelines et les travailleur·euses de la centrale, les premiers concernés en cas d’inondations de cette dernière, pour démontrer la sous-estimation du risque climatique par EDF. À la suite des réponses partielles apportées par EDF consacré à ces questions, Greenpeace France publie aujourd’hui son cahier d’acteur et ses conclusions (disponibles dans la journée sur ce site web) sur la sous-estimation inquiétante par EDF des risques de submersion et d’inondations du site de Gravelines.
La sous-estimation alarmante des risques de submersion et d’inondations
Alors que 2024 est la première année où le réchauffement de la Terre dépasse le seuil fatidique des 1,5 °C, certains territoires deviendront inhabitables et les régions côtières seront de plus en plus menacées par la montée des eaux. Des scientifiques spécialistes de la cryosphère ont publié en novembre 2024 un rapport expliquant que les modèles actuels utilisés pour générer des projections globales de l’élévation du niveau de la mer, et notamment ceux qui ont servi de base au dernier rapport du GIEC, pourraient sous-estimer considérablement le phénomène d’élévation future du niveau de la mer due à la fonte des calottes glaciaires de l’Antarctique. Les modèles du GIEC utilisés par EDF seraient donc déjà obsolètes en ce qui concerne le risque de submersion.
Les conclusions livrées par Greenpeace France en fin de débat public montrent qu’EDF ne prend pas en compte les dernières avancées scientifiques concernant les projections d’augmentation du niveau de la mer, ce qui amène à la sous-estimation des risques. Greenpeace France interroge la temporalité choisie par EDF qui ne garantit le dimensionnement de sûreté initial des réacteurs vis-à-vis du dérèglement climatique que pour la moitié de leur durée de vie. Greenpeace France regrette qu’aucune analyse de risque généralisée incluant les conséquences du dérèglement climatique n’ait été versée au débat public.
Greenpeace France alerte par ailleurs sur l’absence de scénario de rupture du dispositif de protection de la centrale actuelle. Étant donné qu’aucun ouvrage ne peut être considéré comme infaillible, Greenpeace France questionne la robustesse de l’analyse des risques effectuée par EDF pour la centrale nucléaire actuelle.
L’aggravation du dérèglement climatique augmente le risque nucléaire
Pour Pauline Boyer, chargée de campagne Transition énergétique chez Greenpeace France : « L’étude du projet d’EDF démontre que l’électricien n’est pas en mesure d’anticiper les risques liés à l’aggravation du dérèglement climatique sur toute la durée de vie des nouveaux réacteurs. Les accidents nucléaires passés nous rappellent que le risque zéro n’existe pas dans le nucléaire. Les événements météorologiques extrêmes de plus en plus meurtriers comme les feux en Californie ou les crues et pluies diluviennes en France et dans le monde illustrent le fait que les dirigeants économiques et politiques ne mettent pas en place d’actions à la hauteur de la gravité du dérèglement climatique. Ça semble être également le cas d’EDF aujourd’hui. »
La seule décision raisonnable à prendre après ce débat est de renoncer à ce projet
Pour Roger Spautz, chargé de campagne nucléaire chez Greenpeace France : « Avec le tapis rouge qui semble être déroulé pour la relance du nucléaire en France, la position de domination dans laquelle EDF s’est retrouvée dans ce débat lui a permis de balayer d’un revers de la main toute critique pourtant documentée. Si EDF a bien été obligée de donner plus de détails sur son approche climatique, aucun véritable échange n’a pu avoir lieu. Il reste une large inquiétude sur les hypothèses choisies par EDF ainsi que des questions sans réponses. La seule décision censée que devrait prendre EDF suite à cette consultation est d’appliquer un principe de précaution et de renoncer à ce projet trop risqué pour la population et l’environnement. »
La participation de Greenpeace à ce débat
Depuis le lancement du débat le 17 septembre 2024, Greenpeace France a participé à de nombreuses sessions du débat public, publié un rapport intitulé « La centrale nucléaire de Gravelines : un château de sable en bord de mer » documentant les risques de submersion et d’inondations, matérialisé ces risques grâce à des activistes qui ont pénétré dans le périmètre de la centrale nucléaire avec des embarcations pour porter le message : « montée des eaux, nucléaire à l’eau » ou encore mené une campagne d’affichage de publicité détournée d’EDF laissant apparaître une centrale nucléaire flottant sur l’eau et appelant à participer au débat de la CNDP. Greenpeace France salue la pétition lancée par le collectif Stop EPR Hauts-de-France pour mettre un terme à ce projet et donne rendez-vous le 3 mars prochain au tribunal de Dunkerque pour soutenir les activistes en procès suite à l’action menée à la centrale de Gravelines en novembre dernier.
Comme le débat du projet d’EPR2 à Penly (76), celui-ci se termine avec de nombreuses questions auxquelles EDF, le porteur du projet, n’a pas apporté de réponses. Une certitude cependant : la construction de ces réacteurs intrinsèquement liés au risque nucléaire introduirait une vulnérabilité supplémentaire sur un territoire où la population doit déjà faire face à des inondations de plus en plus intenses.