Essais nucléaires dans les Îles Marshall : Greenpeace retourne sur place pour demander réparation pour les populations impactées
Quarante ans après ce qui fut la dernière expédition du Rainbow Warrior premier du nom, son successeur, le Rainbow Warrior III, revient sur ces lieux chargés d’histoire pour réclamer justice aux côtés du peuple marshallais.
À l’occasion de la quarantième commémoration de l’évacuation de la population de l’atoll de Rongelap, (Îles Marshall, Pacifique), rendu inhabitable par les essais nucléaires américains, Greenpeace retourne sur les lieux en solidarité avec le peuple marshallais dans sa quête de justice et sa demande de réparation.
À l’initiative du gouvernement de la République des Îles Marshall, l’équipage de Greenpeace, à bord du Rainbow Warrior III, coordonnera une expédition de six semaines (19 mars au 25 avril 2025) entre Mejatto, Enewetak, Bikini, Rongelap et Wotj et qui aura pour objectifs de :
. Documenter l’histoire et les récits des habitant·es pour la mémoire des générations futures,
. Mener des recherches scientifiques indépendantes destinées à évaluer les niveaux de radiation et les effets des explosions nucléaires sur l’ensemble des îles, et appuyer les procédures judiciaires engagées par le gouvernement des Îles Marshall auprès des États-Unis et de l’ONU [1],
. Soutenir le peuple marshallais dans sa quête de justice, de réparation et de vérité,
. Mettre en lumière l’augmentation des impacts de la crise climatique sur les communautés du Pacifique ainsi que les nouvelles menaces qui pèsent sur elles, comme l’exploitation minière en eaux profondes.
Des membres de Greenpeace prendront également part aux commémorations aux côtés des survivant·es qui avaient été évacués par l’équipage du Rainbow Warrior (I) en mai 1985, et de leurs descendant·es impactés par ces essais.
Contexte
Le 1er mars 1954, la bombe « Castle Bravo » détonne sur l’atoll de Bikini, projetant des retombées radioactives sur des milliers de kilomètres carrés dans l’océan Pacifique.
À seulement 150 kilomètres de là, des pluies de poussières radioactives s’abattent sur l’atoll de Rongelap, que les enfants ont d’abord pris pour de la neige. La puissance de cette bombe était 1 000 fois supérieure à celle lancée sur Hiroshima en 1945. Rongelap, atoll paradisiaque du Pacifique, est ainsi devenu un enfer suite aux explosions nucléaires militaires américaines. Entre 1946 et 1958, les États-Unis ont mené 67 essais nucléaires sur les îles Marshall, notamment sur les atolls d’Enewetak et de Bikini, avec des conséquences dévastatrices.
Le peuple Marshallais, cobaye du nucléaire militaire
Trois jours après Castle Bravo, le gouvernement américain évacue les habitants de Rongelap vers l’atoll de Kwajalein avant de les renvoyer chez eux trois ans plus tard, affirmant que Rongelap était de nouveau sûr.
Pourtant, pendant les décennies qui ont suivi, les maladies se sont multipliées (cancers de la thyroïde) ainsi que les malformations et les fausses couches, et près de 70 % [2] des enfants qui avaient moins de dix ans en 1954 ont développé des tumeurs.
Rongelap est ainsi devenu un véritable laboratoire à ciel ouvert où les scientifiques américains ont mené des expériences sur ses habitants. Sans leur consentement, le gouvernement des États-Unis les a en effet utilisés comme sujets d’expérimentation pour analyser les effets des radiations sur une population laissée pour compte.
Solidarité de Greenpeace avec les populations locales : l’opération Exodus
En 1985, après plus de trente ans de tromperies et d’inaction des autorités américaines qui n’ont cessé de minimiser les effets des essais, ce peuple n’a eu d’autre choix que de fuir définitivement ses terres ancestrales contaminées.
L’équipage du Rainbow Warrior (I) a répondu à l’appel à solidarité du peuple marshallais et a participé ainsi à ce déplacement massif historique en évacuant, onze jours durant, toute la population de Rongelap, ainsi que ses effets personnels, vers l’île de Mejatto, située à 180 kilomètres.
En retournant, 40 ans plus tard, sur les Îles Marshall, Greenpeace réaffirme sa solidarité avec le peuple marshallais dans sa lutte pour défendre ses cultures, ses terres, ses océans.
Résilience et demande de réparation
Soixante et onze ans plus tard, les communautés du Pacifique continuent de porter les lourdes conséquences physiques, économiques, émotionnelles et culturelles des essais nucléaires les plus puissants et dévastateurs menés par les États-Unis sur les Îles Marshall.
Pour Shiva Gounden, responsable de la région Pacifique au sein du bureau de Greenpeace Australie-Pacifique :
« Les îles Marshall portent les stigmates d’un héritage tragique (contaminations radioactives, déplacements forcés, expérimentations humaines orchestrées par le gouvernement américain…) et son peuple continue de se battre contre cette injustice aujourd’hui encore, tout en se trouvant en première ligne de la crise climatique, potentiellement exposés à une nouvelle vague de déplacements et de destructions.
Mais les Marshallais ne sont pas seulement des survivants : ce sont des combattants pour la justice, des voix parmi les plus fortes exigeant des actions concrètes et des excuses à l’échelle mondiale. Ceux qui leur ont infligé des souffrances irréversibles doivent rendre des comptes et assumer leur responsabilité. En 2025, il est temps que justice soit faite, et Greenpeace soutient fermement les communautés marshalliennes dans leur quête. »
Les appels à la justice et aux réparations étant restés vains, Greenpeace exhorte le gouvernement américain à rendre des comptes et à répondre aux revendications des Marshallais.
L’attentat du Rainbow Warrior : mort de Fernando Pereira et destruction du navire emblématique
Suite à sa mission de solidarité dans les Îles Marshall, et après avoir pris soin des premiers « réfugiés de l’environnement », le bateau met le cap vers Auckland, en Nouvelle-Zélande, dans l’objectif de se rendre ensuite à Mururoa pour protester contre les essais nucléaires français.
Le 10 juillet 1985, alors qu’il mouillait dans le port d’Auckland, le navire est coulé par deux explosions, et Fernando Pereira [3], photographe et militant de Greenpeace, meurt dans cet attentat.
Dans les semaines qui suivent, les preuves d’un sabotage commandité par le gouvernement français s’accumulent, le forçant à reconnaître sa responsabilité sous la pression internationale [4].
À l’issue de son expédition dans les Îles Marshall, le Rainbow Warrior III reviendra dans le port d’Auckland en juillet 2025, là où, il y a quarante ans, son prédécesseur avait été coulé lors de cet attentat qui marqua durablement l’histoire de Greenpeace.
Notes aux rédactions
[1] Stratégie de la Commission nucléaire nationale des Îles Marshall en matière de justice
[2] Radiation effects in the Marshall Islands
[3] Images d’archives de l’évacuation de Rongelap menée par l’équipage du Rainbow Warrior en 1985 et prises par Fernando Pereira
[4] L’attentat du Rainbow Warrior
Contacts
Eléonore Thélot | +33 (0) 7 72 50 56 36 | eleonore.thelot@greenpeace.org