Concernant le réacteur EPR de Flamanville, les soudures défectueuses et la cuve suspecte ne sont que la partie émergée de l’iceberg ! Manque de rigueur et de traçabilité, points de vigilance écartés sans justification, matériels déclarés bons pour le service sans tenir compte des réserves : le Réseau “Sortir du nucléaire“ et Greenpeace France portent à nouveau plainte contre EDF.
Un grave problème de traçabilité et de rigueur dans la qualification des matériels destinés à l’EPR
Les pièces fabriquées pour l’EPR de Flamanville sont censées répondre à un processus de qualification clairement défini, afin de démontrer leur aptitude à fonctionner dans toutes les conditions dans lesquelles elles seront utilisées. Ce processus repose sur des études et essais, et doit – en théorie… – faire l’objet d’une documentation et d’une traçabilité rigoureuses…
Or, lors d’une inspection menée en octobre 2017, l’Autorité de sûreté nucléaire a constaté que ce principe était loin d’être respecté. Une deuxième inspection, en décembre 2018, a confirmé que ses recommandations restaient lettre morte. Les réserves émises pour certaines pièces étaient levées par EDF sans justification, et rien ne permettait de s’assurer que tous les problèmes aient été identifiés, analysés et traités.
En conséquence, de nombreux matériels avaient été déclarés bons pour le service (« Bon pour exécution sans réserve ») alors que cela n’aurait pas dû être le cas : des pompes sur lesquelles des essais étaient encore requis, des pièces de robinets non opérables dans certaines conditions accidentelles, des matériels nécessitant encore des adaptations pour résister à un séisme…
Ces aberrations ont conduit l’ASN, le 25 février 2019, à mettre en demeure EDF de respecter les obligations de la traçabilité pour la qualification des matériels de l’EPR.
Une plainte pour alerter sur un manque de rigueur systémique aux conséquences dangereuses
Le Réseau “Sortir du nucléaire“ et Greenpeace France déposent donc plainte aujourd’hui contre EDF. Au-delà de la condamnation pénale, nos associations souhaitent alerter sur le problème systémique révélé par cette affaire.
En effet, ces problèmes viennent s’ajouter aux nombreux autres défauts déjà identifiés concernant ce réacteur, pourtant présenté comme le plus sûr du monde. Ce phénomène de problèmes non repérés, ou minimisés par EDF ou ses sous-traitants afin de pouvoir déclarer les pièces conformes, résonne désormais comme un refrain qui revient sans cesse, qu’il s’agisse des soudures ou de la cuve… Il laisse craindre l’existence d’innombrables autres irrégularités sur des équipements faisant l’objet d’un contrôle moins strict. À tous les niveaux, l’EPR est truffé de défauts qui, cumulés, pourraient réserver de très mauvaises surprises si ce réacteur démarrait un jour.
On peut s’interroger sur le fait qu’EDF n’ait pas mis en application les demandes de l’Autorité de sûreté nucléaire demandant plus de traçabilité et de rigueur. S’agit-il d’une négligence pure et simple, mais apparemment courante ? Ou de décisions délibérées de passer outre les réserves, afin de ne pas ralentir la finalisation d’un réacteur déjà affligé d’un retard catastrophique ?
Il est hors de question que ce réacteur dangereux et criblé de défauts soit un jour mis en service ! Plutôt que de gaspiller encore des milliards pour une installation qui mettrait en danger toute l’Europe, il faut arrêter les frais et abandonner définitivement le chantier. La France doit en finir avec les projets visant à relancer ou maintenir cette énergie du passé, et s’engager pour de bon dans une transition énergétique menant à l’arrêt définitif du nucléaire.