Inégalités climatiques : l’empreinte carbone vertigineuse des milliardaires

Le patrimoine financier des 63 milliardaires français émet autant de gaz à effet de serre que celui de 50 % de la population française : c’est ce que révèlent Oxfam France et Greenpeace France dans une étude inédite. L’ampleur de ces inégalités climatiques pose la question du partage de l’effort dans la transition écologique à accomplir, surtout après un quinquennat marqué par le mouvement des Gilets jaunes. Pour les deux associations, si le gouvernement choisissait de faire peser la fiscalité carbone sur les plus pollueurs en créant un Impôt sur la fortune (ISF) climatique, il gagnerait en crédibilité et la transition écologique en acceptabilité sociale.

Le patrimoine financier des milliardaires : une empreinte carbone colossale

Avec au moins 152 millions de tonnes équivalent CO2 en une année, le patrimoine financier (1) de 63 milliardaires français émet autant que le Danemark, la Finlande et la Suède réunis (2).

En regardant dans le détail, seulement trois milliardaires français émettent, au travers de leur patrimoine financier, un peu plus d’un cinquième   des Français. À elle seule, la famille Mulliez (Auchan) émet autant que 11 % des ménages français, soit plus que tous les habitants d’une région comme la Nouvelle-Aquitaine.

Pourquoi s’intéresser au patrimoine financier des milliardaires ?

Jusqu’à présent, plusieurs études ont calculé les émissions associées au style de vie et de consommation des milliardaires. Or, lorsque l’on s’intéresse à l’empreinte carbone de leurs actifs financiers, on s’aperçoit que leur consommation (jets privés, yachts etc.) n’est que l’arbre qui cache la forêt (3). La réalité est qu’au-delà de leur mode de vie, c’est leur patrimoine financier, via leur participation dans des entreprises polluantes, qui est le poste le plus important de leur empreinte carbone totale. Dès lors, les disparités climatiques explosent, pour atteindre des niveaux vertigineux.

Selon Alexandre Poidatz, chargé de plaidoyer Finance et Climat chez Oxfam France : “Pour garantir une transition écologique socialement juste, le changement de logiciel est simple : le poids de la transition écologique doit être transféré des consommateurs les plus précaires, qui polluent le moins, aux producteurs les plus riches, qui polluent le plus et ont les moyens de transformer ces outils de production”. 

La place qu’occupent les milliardaires dans les entreprises qu’ils financent leur offre un pouvoir prépondérant dans la prise de décisions et une capacité à opérer un virage écologique, qui fera émerger des solutions bas-carbones pour toute la population, y compris pour que les plus précaires puissent mieux consommer, sans que ce soit le fruit d’une contrainte.

Pour Clément Sénéchal, chargé de campagne climat à Greenpeace France : “Les ultra-riches posent aujourd’hui une continuité de problèmes à la communauté : ils pilotent des entreprises généralement climaticides, bâtissant ainsi leur fortune sur des investissements qui sont nocifs au climat. Ils en tirent un mode de vie généralement nuisible à la planète et  bloquent indirectement toute transition par l’intermédiaire des lobbies industriels. Les 15 millions de tonnes de CO2 que l’État est sommé d’éliminer d’ici à la fin de l’année, suite au jugement rendu dans l’Affaire du Siècle, se trouvent  d’abord dans les poches des milliardaires.”

Dans le top trois des empreintes carbones des milliardaires (4) se retrouvent des secteurs particulièrement polluants qui doivent accélérer de toute urgence leur transition vers une économie bas-carbone :

L’ISF climatique : du partage de l’effort à la justice sociale

L’ampleur de ces inégalités pose la question du partage de l’effort dans la transition écologique à accomplir, surtout dans un pays où la fiscalité carbone pèse proportionnellement beaucoup plus sur les ménages les plus modestes que sur les ménages les plus aisés (5).

Afin de renverser la pression fiscale en engageant un partage de l’effort plus juste, Greenpeace France et Oxfam France préconisent ainsi l’instauration :


Notes aux rédactions

  1. L’empreinte carbone des milliardaires français est calculée, non pas via les émissions issues de leur mode de vie, mais via les actifs financiers qu’ils possèdent dans leur “principale entreprise”. Autrement dit, nous avons attribué à chaque milliardaire une partie de l’empreinte carbone de l’entreprise dans laquelle il détient le plus de parts, dite “entreprise principale”. 
  2. Émissions territoriales en 2019 (source : OCDE). 
  3. Jusqu’à présent, plusieurs études ont calculé les émissions associées au style de vie et de consommation des milliardaires : un milliardaire émet en moyenne 8 190 tonnes de CO2, notamment en lien avec l’utilisation de son yacht et ses déplacements en voiture, avion ou hélicoptère (source : The Conversation, 2021). En comparaison, l’empreinte carbone moyenne de consommation (hors patrimoine financier) par Français·e se situait aux alentours de 8 tCO2 eq.
    Par ailleurs, l’empreinte carbone du patrimoine financier d’un Français moyen s’élève à 10,7 tCO2 eq (source : Greenpeace, 2020). Dans cette étude, on relève que l’empreinte carbone moyenne du patrimoine financier des 63 milliardaires étudiés s’élève à 2,4 millions tCO2 eq.
  4. La liste complète du classement des 63 milliardaires est disponible ici
  5. En France, l’empreinte carbone moyenne d’un individu appartenant au 1 % les plus riches est 13 fois plus importante que celle des 50 % les plus pauvres, en raison du mode de vie (source : Oxfam 2020). Pourtant, la fiscalité carbone pèse ainsi 4 fois plus lourd en proportion de leurs revenus sur les 20 % de ménages les plus modestes, par comparaison avec les 20 % de ménages les plus aisés (source : gouvernement 2021).
  6. Il s’agit d’une estimation théorique, qui donne un ordre de grandeur, mais qui serait susceptible de varier si, par exemple, on comptabilisait l’ensemble des millionnaires et milliardaires assujettis à l’ISF ainsi que l’intégralité de leur patrimoine financier et des émissions de gaz à effet de serre associées, ou si on lui apportait des réglages différents (assiette, barème, etc).
  7. Dans une étude publiée en 2021, Oxfam France montrait par exemple que 32 entreprises du CAC 40 avaient une trajectoire de réchauffement supérieure à 2 °C. Sur la base d’une évaluation en 2021 : les dividendes versés par ces 32 entreprises s’élevaient à 33,9 milliards d’euros (source : lettre Vernimmen N°194, janvier 2022).

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