La Mission Pêches Profondes entérine la destruction des écosystèmes profonds en cette année 2010 de la biodiversité, chapeau bas !
Paris le 9 juillet 2010 – Après 9 mois de laborieux travaux, la Mission Pêches Profondes (MPP), mandatée par les deux ministres de la Pêche et de l’Ecologie lors du Grenelle de la Mer est un échec cuisant à tous points de vue. Les ONG participantes récusent aujourd’hui le rapport produit par Alain Biseau de l’IFREMER, rapporteur de la Mission présidée par le député-maire de Pornic, Philippe Boënnec.
Un rapport qui ne répond pas à la lettre de Mission
La Mission Pêches Profondes n’a pas répondu à sa lettre de mission dont l’objectif principal était de « s’assurer que les pêches en eaux profondes sont viables économiquement, socialement et écologiquement, pour que leur poursuite, éventuellement adaptée, puisse être envisagée. ». Cet objectif s’inspirait de la logique des dernières résolutions des Nations unies encadrant les pêches profondes. En effet, depuis 2006, deux résolutions exigent que les pêches profondes apportent la preuve que leurs pratiques n’impactent pas de façon significative les habitats profonds et les espèces qui les peuplent pour pouvoir opérer. Dès le début, la mission a refusé d’adopter une quelconque méthodologie qui aurait permis d’approcher cet objectif et a avancé de façon aléatoire sur un dossier complexe en dépit des alertes régulières lancées par les ONG. Le résultat est accablant, et se caractérise par une absence de transparence et de crédibilité. Dans cet exercice de manipulation de l’information servi par une connivence entre les représentants de la pêche profonde et le rapporteur, ce rapport tente de faire croire que les pêches profondes sont durables, écologiquement acceptables, et comble de l’imposture, qu’elles sont rentables économiquement. A cette fin leur impact a été minimisé à outrance, et les données économiques soigneusement écartées ou déformées.
Des conclusions biaisées et orientées
Les conclusions de la mission en matière de rentabilité économique s’inscrivent en complète contradiction avec le bilan économique des trois principaux armements concernés. Ces sept dernières années (2002 à 2008), ces trois armements totalisant 95% des débarquements de poissons profonds présentent une perte cumulée en résultat d’exploitation de moins 7,32 millions d’euros (M€) pour la Scapêche, de moins 9,9 M€ pour Dhellemmes et de moins 4,01 M€ pour Euronor (sur 2006-2008 dans ce cas), sans arriver à l’équilibre si on y rajoute le montant des diverses subventions. En outre, leurs activités très consommatrices de gazole, environ 7 000 litres/jour pour un chalutier de 40 mètres pour 1000 litres/jour pour un chalutier de moins de 25 mètres, les rend particulièrement vulnérables à l’augmentation des prix du pétrole. Ce facteur suffirait en lui-même à mettre en cause la durabilité de ces pêches comme le souligne, dés 2006, le rapport Poséidon du Secrétariat Général Mer rattaché à Matignon.
Un rapport ubuesque sur le plan environnemental
Sur le plan environnemental, ce rapport réalise le tour de force de s’inscrire en faux avec l’ensemble de la littérature scientifique internationale et de présenter favorablement une pêche qui est en porte-à-faux avec les exigences de l’approche écosystémique aujourd’hui nécessaire dans la gestion des pêcheries. La mission n’a finalement pas abordé la prise en compte des impacts de la pêche sur les écosystèmes ou sur les autres espèces. Elle a mis de côté la question des prises accessoires, constituées entre autres de requins menacés d’extinction. Son égarement la pousse même à préconiser de financer sur les fonds publics une démarche de certification écologique des pêches profondes d’Atlantique nord-est alors que 100% des populations de poissons profonds ciblés sont en dehors des limites de sûreté biologique ! Alors que les dernières recommandations scientifiques de référence comme celles du Conseil International pour l’Exploration de la Mer (CIEM) préconisent de nouvelles réductions des captures pour 2010, la question de la durabilité économique de ces pêches se pose donc avec encore plus d’acuité. La mission quand à elle, a pris soin d’éviter cette question pourtant centrale…
Pour plus d’informations sur la réalité de la pêche profonde et les raisons de la non-durabilité écologique et économique, voir la note des ONG « Recommandations et pistes d’adaptation », à télécharger sur www.greenpeace.org et www.wwf.fr