Paris, le 17 juin 2014 – Dans un dossier publié aujourd’hui (http://act.gp/1uAOuaS), Greenpeace révèle comment le ministère de l’Agriculture, autorité compétente pour veiller au respect de de la réglementation sur le bois illégal, est resté inactif suite au signalement d’une cargaison de bois brésilien suspectée d’illégalité arrivée le 10 juin dans le port du Havre. Greenpeace explique aussi comment le gouvernement français, à travers le projet de loi discuté la semaine prochaine à l’Assemblée nationale, risque de rendre la réglementation européenne inopérante en France.
« Inaction, mauvaise volonté, interprétation complètement erronée de la règlementation européenne, le ministère de l’Agriculture semble vraiment réticent à empêcher les importations de bois illégal en France », explique Jérôme Frignet, chargé de campagne forêts pour Greenpeace France. « Des contrôles et des saisies sont pourtant prévus par la règlementation en vigueur ! Mais pire, le gouvernement essaie d’affaiblir la règlementation par un projet de loi non conforme au droit européen. »
Greenpeace demande aux autorités françaises de procéder à l’inspection des lots de bois signalés, et au gouvernement d’amender le projet de loi pour le rendre conforme au droit européen.
L’inertie du ministère face à du bois brésilien suspect débarqué au Havre
Mardi 10 juin, Greenpeace signale en urgence l’arrivée dans le Port du Havre de deux containers de massaranduba (bois d’Amazonie) suspecté d’illégalité. Ce bois s’accompagne de certificats – que Greenpeace a pu consulter – dont les dates sont incohérentes (autorisation de transport antérieure à l’autorisation de coupe). Ce bois est exporté par une société au lourd passif d’illégalité au Brésil. Réaction des autorités : néant.
« Dans l’esprit de la règlementation européenne sur le bois, un faisceau d’indices comme des papiers incohérents et un exportateur cumulant les délits et les amendes au Brésil devrait suffire à ce que le ministère, en tant qu’ »autorité compétente », immobilise le bois pour une enquête« , explique Jérôme Frignet. « Pour l’heure, rien ne semble empêcher ce bois suspect d’être mis sur le marché européen. »
La France maillon faible de l’Europe pendant que d’autres pays agissent
Un projet de loi en débat au Parlement doit compléter la règlementation en instituant un régime de sanctions. Mais le gouvernement français en profite pour en restreindre le champ d’application, en ajoutant la condition selon laquelle il revient aux pays de récolte du bois, comme le Brésil ou la RD Congo, de signaler aux pays importateurs l’arrivée de bois illégal. Greenpeace a demandé à la Commission européenne d’analyser l’interprétation du gouvernement français. La réponse est sans appel : le texte du projet de loi français n’est pas conforme à la réglementation européenne.
« Laisser à des pays forestiers à la gouvernance faible, à la corruption endémique et où les lois forestières sont violées en toute impunité, le soin d’alerter sur l’illégalité du bois exporté est une aberration, poursuit Jérôme Frignet. Le projet de loi doit être amendé. »
Alors qu’en France, Greenpeace multiplie les alertes sur la présence ou l’importation de bois illégal dans les ports français sans aucune réaction officielle, l’autorité compétente au Royaume-Uni (National Measurement Office) a ouvert une enquête sur un lot de bois brésilien suspect signalé par Greenpeace UK. Et dans le même temps, l’importateur, une filiale du groupe français Saint-Gobain, a immobilisé le bois et suspendu les transactions avec son fournisseur.
« Ce qui se passe au Royaume-Uni montre que la réglementation, si elle est bien appliquée, peut donner des résultats, freiner les importations de bois illégal en Europe et in fine réduire l’exploitation illégale et la déforestation« , explique Jérôme Frignet. « La France, qui est le premier importateur du continent pour le bois du bassin du Congo et d’Amazonie brésilienne, ne peut pas rester le maillon faible de l’Europe. »