Ces petits logos Total présents sur les panneaux d’exposition des musées du Louvre ou du Quai Branly ne sont pas là par hasard. A travers l’épisode 3 d’une série documentaire consacrée à l’influence et au soft power de Total, Greenpeace France analyse la présence et le soutien de la multinationale au sein des institutions culturelles.
Avec sa fondation, Total mise énormément sur la culture et le patrimoine comme levier de soft power. En 2020, le groupe a investi plus de 16 millions d’euros dans ce domaine. Parmi les institutions qu’elle soutient, on retrouve des noms prestigieux comme le musée du Louvre, le Centre Pompidou, le Palais de Tokyo, l’Institut du Monde Arabe ou encore le musée du Quai Branly – Jacques Chirac.
«Total ne soutient pas le “dialogue des cultures et du patrimoine” uniquement dans un but philanthropique, contrairement à ce que vante sa fondation, commente Edina Ifticène, chargée de campagne pétrole chez Greenpeace France. Pour la major, il s’agit d’obtenir une image de généreux mécène mais surtout d’utiliser l’art pour asseoir son pouvoir et ses positions stratégiques. »
Voir l’épisode : ‘Total, de l’art de s’infiltrer’
Une philanthropie au service de ses intérêts
Dans les coulisses du pouvoir, les expositions servent aussi de levier diplomatique à la multinationale. En 2010, au musée du Louvre, l’exposition « Routes d’Arabie » met en valeur le patrimoine historique et artistique de l’Arabie saoudite. Au même moment, Total et Aramco, financeurs de cette exposition, finalisent leur projet de construction d’une raffinerie géante en Arabie saoudite.
En 2016, l’exposition Sepik célèbre les arts de la Papouasie-Nouvelle-Guinée au musée du Quai Branly – Jacques Chirac. Pour Total, c’est un élément de négociation important pour son gigantesque projet de gaz fossile Papua LNG. En 2019, le gouvernement de Papouasie-Nouvelle-Guinée finit par autoriser la supermajor française à mettre en œuvre ce projet.
En 2018, une autre exposition est au cœur des négociations diplomatiques de Total : le « Louvre à Téhéran ». En effet, la même année, le géant pétrolier signe un accord d’exploitation de gaz fossile avec l’Iran. « Ce parallèle entre contenus des expositions et enjeux stratégiques questionne l’ingérence de la multinationale dans la préparation des expositions », continue Edina Ifticène.
Cette intrusion du secteur des fossiles dans le milieu culturel fait l’objet de nombreuses dénonciations chez nos voisins européens, comme en Grande-Bretagne ou aux Pays Bas où de grandes institutions culturelles, comme le Tate Museum à Londres ou le musée Van Gogh aux Pays-Bas, ont fini par mettre un terme à leurs partenariats avec BP ou Shell.
« En France, les mobilisations se multiplient également, mais aucun grand musée n’a encore pris ses responsabilités et mis fin à ce type de partenariats. Les institutions culturelles aussi doivent déclarer l’urgence climatique et cesser de cautionner les activités des entreprises climaticides », conclut Edina Ifticène.