Des activistes réclament l’ouverture d’une enquête judiciaire sur le bois du conflit
Global Witness et Sherpa, ainsi que Greenpeace France, les Amis de la Terre et un éminent activiste libérien, ont déposé devant le Procureur de la République de Nantes une plainte visant DLH (« Dalhoff, Larsen and Horneman »), l’un des plus importants marchands de bois et produits ligneux du monde. Les plaignants font valoir que durant la guerre civile qui a sévi au Libéria de 2000 à 2003, DLH aurait acheté du bois à des entreprises libériennes qui fournissaient un soutien au régime brutal de Charles Taylor.
Selon les plaignants, en important du bois issu de concessions forestières exploitées par des entreprises libériennes corrompues et sans scrupules, la branche française de DLH s’est rendue coupable de recel – délit sanctionné par le code pénal français consistant à être en possession de biens obtenus illégalement. Les plaignants affirment que DLH aurait acheté du bois provenant de concessions forestières acquises via des procédés corruptifs et exploitées en violation de la loi et d’une manière destructrice pour l’environnement.
« Les fournisseurs de DLH ont opéré pendant toute la guerre civile libérienne en toute impunité, dépouillant le pays de sa richesse en ressources naturelles et se servant de leurs relations avec Taylor pour en tirer un profit personnel. L’entreprise DLH savait d’où venait le bois et l’identité des personnes qui profitaient de sa vente, mais cela ne l’a pas freiné, a déclaré Patrick Alley, directeur de Global Witness. Ces dernières années, DLH s’est présenté comme une entreprise citoyenne responsable, mais elle n’a jamais fourni le moindre effort pour rapatrier les bénéfices issus de son approvisionnement illégal en bois provenant du Libéria, l’un des pays les plus pauvres de la planète, ni même pour présenter ses excuses pour les actes qu’elle y a perpétrés. »
Les plaignants font valoir que DLH France se serait fourni en bois auprès d’entreprises forestières libériennes qui ne se conformaient pas au droit libérien et n’étaient pas autorisées à mener leurs activités. La plainte s’appuie sur des preuves solides de l’implication des fournisseurs de DLH dans des activités illicites telles que la corruption, l’évasion fiscale, la dégradation de l’environnement, le commerce des armes en violation de l’embargo de l’ONU et les atteintes aux droits de l’homme.
Les recettes issues de l’activité forestière ont représenté une source majeure de financement des activités extrabudgétaires illicites du Président Charles Taylor durant le conflit. Les ventes de bois ont ainsi permis à Taylor de se procurer des armes, au mépris des sanctions de l’ONU, afin de se livrer à une campagne de violence qui a fait 250 000 morts et a entraîné le déplacement de près d’un million de personnes. Les parties belligérantes ont perpétré des abus atroces, notamment le recours généralisé à des enfants-soldats, et le conflit a eu de lourdes répercussions sur l’économie et l’environnement. Aujourd’hui, le Libéria demeure l’un des pays les plus pauvres au monde ; son économie est en ruine et la situation sécuritaire y demeure instable. Taylor est actuellement jugé pour crimes de guerre devant le Tribunal spécial pour la Sierra Leone.
Dès 2001, les responsables de campagne de plusieurs ONG ont averti DLH des liens entre ses activités et le financement du conflit. Cependant, au lieu de mettre un terme à ses échanges commerciaux, l’entreprise a accepté du bois dépourvu de toute marque d’identification provenant de fournisseurs libériens. Cette démarche, contraire à la pratique en vigueur dans le secteur, a permis de dissimuler l’origine du bois et de ne pas attirer l’attention du public sur ses pratiques d’achat et d’importation au Libéria. Ce n’est qu’après l’entrée en vigueur en juillet 2003 de l’embargo sur le bois décidé par le Conseil de sécurité des Nations Unies que DLH a cessé ses importations en provenance du Libéria. Un embargo sur le bois avait déjà été recommandé par le Groupe d’experts des Nations Unies dès 2001.
« En dépit des nombreux avertissements lancés par les groupes de campagne des différentes ONG, DLH n’a pas mis un terme à son commerce de bois de conflit, et n’a pris de mesures que lorsque les sanctions sur le bois imposées par l’ONU lui ont forcé la main. Étant donné les multiples preuves du lien existant entre l’exploitation forestière et le conflit au Libéria, les autorités judiciaires françaises devraient ouvrir une enquête sur le rôle joué par DLH au Libéria », a déclaré William Bourdon, de Sherpa.
Et Grégoire Lejonc, de Greenpeace d’ajouter que « le commerce de bois illégal participe au pillage et à la destruction des dernières forêts naturelles de la planète. Pourtant, du bois illégal continue d’être importé massivement en Europe en toute impunité. Il est grand temps que la justice prenne en main ces dossiers et que les pays européens se dotent d’une législation ambitieuse pour enfin mettre un terme à ce scandale. »