Les déchets nucléaires polluent les débats publics
Paris, le 6 juin 2013 – Le laboratoire d’analyse indépendant Acro (association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest) révèle ce matin dans un rapport (synthèse à lire ici ) que le centre de stockage de déchets nucléaires de la Manche présente des fuites qui polluent la nappe phréatique dans des proportions largement supérieures aux chiffres publiés par l’Andra (agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs). Les déchets stockés dans ce centre laissent du tritium (élément radioactif) se déverser dans le sol. Alors que le débat sur l’opportunité de mener à bien le projet du centre de stockage à Bure a commencé de manière catastrophique, les résultats de cette étude démontrent que les déchets nucléaires ne peuvent pas être gérés correctement.
« Les déchets stockés dans la Manche font partie de la catégorie des faiblement radioactifs et ayant une durée de vie courte. Malgré cela, on voit que l’Andra n’arrive pas à les gérer sur quelques dizaines d’années« , analyse Yannick Rousselet, chargé de campagne nucléaire pour Greenpeace. « Dans ces conditions comment discuter sereinement d’un projet de stockage des déchets les plus fortement radioactifs qui nous engagerait sur des milliers d’années ? Avant même de parler de Bure, essayons de régler les problèmes que nous avons déjà même si nous savons tous que la seule solution possible pour les déchets nucléaires est d’arrêter d’en produire. »
Greenpeace suspend sa participation au débat public sur le projet CIGEO tant que les autorités n’auront pas présenté un plan d’action satisfaisant pour résoudre les problèmes dénoncés par l’Acro au centre de stockage de la Manche : reprise, tri et reconditionnement des déchets ainsi que décontamination de la nappe phréatique et du site.
Un débat peut en cacher un autre
Le débat qui a cristallisé l’attention ces dernières semaines n’est pas le débat national sur la transition énergétique mais bien le débat public sur le projet CIGEO. L’opposition locale est forte et la confrontation avec l’Andra est très dure. La raison est simple, ce débat crucial est mal organisé et fait dans une précipitation inappropriée. Le document cadre de l’Andra sur le projet comporte des inexactitudes flagrantes.
« Contrairement à ce que dit madame Batho, il n’y a aucune urgence légale à faire ce débat cette année. La véritable raison à cette précipitation est ailleurs« , commente Yannick Rousselet. « Le but initial des institutions était de faire au plus vite ce débat public cette année afin de convaincre les participants au débat sur la transition énergétique qu’une solution fiable pour la gestion des déchets nucléaires existe. Cela aurait aussi été un bon argument pour rassurer le public. En ce sens, ce qui se passe aujourd’hui est un véritable échec pour le gouvernement. »
CIGEO – Bure une question d’image avant tout
L’industrie nucléaire jouissait d’une image « fascinante » pour le public. Pour beaucoup, l’énergie atomique était une prouesse scientifique nationale incroyable. Malheureusement les catastrophes de Tchernobyl et de Fukushima sont venues rappeler à tous qu’on ne peut pas maîtriser cette technologie. Et l’image du nucléaire a été très sérieusement ternie. L’industrie a besoin de redorer son image et d’essayer de fasciner à nouveau. Le projet de centre de stockage en grande profondeur à Bure donne l’impression de rendre possible le « voyage au centre de la terre » de Jules Verne. Mais c’est oublier que l’on parle là des matières les plus dangereuses jamais produites par l’homme et dont la gestion nous engage sur des milliers d’années.
« Nous savons déjà que même si le centre de Bure fonctionnait un jour, le problème des déchets nucléaires ne serait pas résolu. La France investit une nouvelle fois plusieurs milliards pour tenter de promouvoir le nucléaire au niveau national et international. » conclut Yannick Rousselet.