Dans une lettre envoyée ce mardi 28 novembre 2023 au président de la République et à la Première ministre, 13 organisations alertent sur les risques liés au projet de règlement européen sur les nouvelles techniques génomiques (NTG) et demandent à être auditionnées d’urgence, alors que les négociations s’accélèrent à Bruxelles.
13 organisations agricoles et environnementales (Agir pour l’Environnement, Les Amis de la Terre, la Confédération Paysanne, la FNAB, Foll’Avoine, France Nature Environnement, Générations Futures, le GIET, Greenpeace, Objectif Zéro OGM, OGM dangers, POLLINIS, Synabio) ont interpellé le président de la République et la Première ministre sur les risques liés au règlement européen sur les nouveaux OGM dans une lettre envoyée ce mardi 28 novembre.
Les négociations autour de ce projet de règlement s’accélèrent sans autre raison que d’imposer les nouveaux OGM sur le marché européen en prenant de vitesse les organisations et les citoyens. Présenté par la Commission européenne le 5 juillet 2023, il sera à l’ordre du jour de la prochaine réunion des ministres européens de l’Agriculture ces 10 et 11 décembre et devrait être voté par le Parlement européen dans moins de deux mois. Or, ce texte contient des éléments structurants pour l’avenir du système agricole et alimentaire européen. Il aura des conséquences importantes pour l’ensemble des citoyens et doit absolument faire l’objet d’un débat public contradictoire.
Ce projet de règlement est rejeté par la majorité des consommateurs [1], par les paysans [2] et par la filière biologique [3].
Les organisations signataires demandent à être reçues par Emmanuel Macron et Élisabeth Borne pour les alerter sur :
- Le non-respect total du principe de précaution, le projet de règlement permettant à plus de 90% des plantes [4,5] obtenues par NTG d’accéder au marché français et européen sans aucune procédure d’évaluation des risques, de traçabilité et d’étiquetage ;
- la suppression de la clause de sauvegarde qui empêcherait un Etat membre d’interdire une plante OGM/NTG qui mènerait à une perte de souveraineté nationale ;
- la mise en péril de l’agriculture sans OGM dont l’agriculture biologique et de l’ensemble des alternatives agricoles reposant sur des principes respectueux de la biodiversité, à cause du phénomène inévitable de contamination ;
- le mépris du droit à l’information des citoyens sur des technologies qui engagent leur avenir et celui de leurs enfants, de la liberté de choix des consommateurs qui ne souhaitent pas d’OGM dans leur alimentation, de la liberté de choix enfin des agriculteurs qui souhaitent produire sans OGM ;
- la privatisation du vivant par un nombre restreint de multinationales, ainsi que les menaces que cette privatisation fait peser sur les PME, notamment les semenciers, sur les paysan.nes en leur interdisant d’utiliser les semences issues de la récolte et sur notre souveraineté alimentaire [6].
Près de 500 000 citoyens ont également signé une pétition [7] contre l’autorisation des nouveaux OGM en Europe, demandant à leurs représentants français et européens de défendre l’intérêt commun et d’adopter une position ferme face à cette tentative de dérégulation.
« La dérégulation des nouveaux OGM en Europe risque de rendre le modèle agricole français moins autonome, en fragilisant notre agriculture, les semenciers et toute la filière biologique, des producteurs aux distributeurs, expliquent les organisations signataires de la lettre. C’est un sujet majeur pour l’avenir de notre système agricole et de notre alimentation. Il est impératif de privilégier la qualité de la discussion et de l’analyse sur la rapidité de la prise de décision. »
Alors que les crises climatique et de la biodiversité s’intensifient, et que rien n’est fait pour agir sur les causes, les fausses solutions technologiques prolifèrent. Ce projet de règlement fait prendre un risque supplémentaire au système agricole et alimentaire, ainsi qu’aux écosystèmes vivants. Les solutions pour répondre à ces enjeux sont pourtant connues, documentées et ont déjà fait leurs preuves : l’agriculture biologique et l’agroécologie, entre autres, en sont des piliers.
Les grandes étapes du projet de règlement européen :
- 5 juillet 2023 : la Commission européenne publie son projet de réglementation concernant les végétaux issus des NTG
- 1er septembre : l’Espagne, assure la présidence du Conseil de l’Union européenne depuis le 1er juillet, réaffirme placer ce sujet parmi ses priorités
- 16 octobre : la rapporteure de la commission environnement du Parlement européen produit son rapport en soutien au projet de la Commission européenne
- 10 et 11 décembre 2023 : le projet de règlement sera à l’ordre du jour de la réunion du Conseil « agriculture et pêche »
- 11 décembre 2023 : vote de la commission agriculture du Parlement européen, pour avis
- 11 janvier 2023 : vote de la commission environnement du Parlement européen, compétente sur le fond
- Semaine du 15 janvier (date provisoire) : vote du Parlement européen en plénière
Notes aux rédactions :
1.Sondage – Les Français et les (nouveaux) OGMs, Greenpeace et Kantar, 2022
2.« Nouveaux OGM, commercialisation des semences : deux réformes menacent les droits des paysans », ECVC, 2023
3. L’Ifoam ne veut pas d’OGM/NTG dans l’agriculture biologique, InfOGM, 2023
4.Des manipulations scientifiques comme future loi sur les OGM/NTG ?, InfOGM, 2023
5.New genetic engineering: EU Commission proposal for new regulation endangers nature, the environment and our future livelihoods, TestBiotech, 2023
6.Un rapport publié en 2023 conclut que la dérégulation de la majorité des nouveaux OGM conduira à renforcer la dépendance auprès de ces grandes entreprises, précisément pour des raisons de propriété intellectuelle. The possible deregulation of certain GMOs in the EU: What would the implications be? Adrian Ely, Patrick Van Zwanenberg, Elise Wach, Dominic Glover (Sussex University), 2023
7.Pétition contre l’autorisation des OGM cachés en Europe, Pollinis, 2023