Nouveaux OGM : le Conseil des ministres de l’UE n’a pas trouvé d’accord concernant leur déréglementation

Agriculture

Les ministres de l’agriculture de l’Union européenne (UE), réunis aujourd’hui en Conseil, n’ont pas trouvé d’accord politique au sujet de la déréglementation des nouveaux OGM, telle que proposée par la Commission européenne et fortement soutenue par la présidence espagnole du Conseil de l’UE. La proposition supprimerait la plupart des contrôles de sécurité régissant une nouvelle catégorie de plantes génétiquement modifiées produites à l’aide de nouvelles techniques génomiques (NGT), en dépit des avis négatifs de nombreux scientifiques compte tenu des risques pour l’environnement et la santé des consommateurs [1].

Le projet de la Commission entend créer deux catégories de nouvelles plantes OGM : les OGM de la catégorie 1 seraient considérés comme équivalents aux plantes conventionnelles et entièrement déréglementés, tandis que les OGM de la catégorie 2 ne devraient se conformer qu’à des contrôles de sécurité édulcorés [2]. 94 % des demandes d’autorisation de nouveaux OGM relèveraient de la catégorie 1 [3].

C’est encourageant et rassurant de constater que les pays ne sont pas parvenus à un accord sur une proposition aussi inacceptable, souligne Ariane Malleret, chargée de campagne Agriculture à Greenpeace France. Les pays européens doivent maintenant poursuivre les négociations pour que tous les nouveaux OGM fassent l’objet d’un contrôle de sécurité, d’une traçabilité et d’un étiquetage. Cela garantira un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement, ainsi que la transparence pour les consommateurs et les opérateurs économiques.

Une proposition controversée
La proposition de la Commission supprime les exigences en matière de traçabilité et d’étiquetage (pour la plupart des nouveaux OGM, relevant de la catégorie 1), qui permettent aux consommateurs et consommatrices de choisir les produits qu’ils achètent. L’étiquetage et la traçabilité permettent également d’identifier les OGM tout le long de la chaîne d’approvisionnement, pour les sélectionneurs, les agriculteurs, les transformateurs et les détaillants. Ces deux éléments sont essentiels pour les secteurs de l’agriculture biologique et de l’agriculture conventionnelle sans OGM et permettent également d’intervenir en cas de problèmes sanitaires ou environnementaux [4].

Un des arguments utilisé pour justifier la nécessité d’une déréglementation est que les nouveaux OGM pourraient contribuer à l’adaptation au changement climatique. Cependant, jusqu’à présent, les quelques nouveaux OGM sur le marché n’ont pas tenu cette promesse [5], et de nombreuses nouvelles plantes génétiquement modifiées en cours de développement sont conçues avant tout pour accroître leur valeur marchande pour l’industrie agroalimentaire, par exemple en améliorant leur apparence [6].

Par ailleurs, la proposition soulève aussi la question des brevets, avec le risque de voir une poignée de grandes entreprises contrôler les semences et le matériel de reproduction utilisés dans l’agriculture de l’UE, qui sont à la base de nos systèmes alimentaires [7]. Cette privatisation du vivant par l’industrie de l’agro-chimie fait peser des menaces sur les paysan·nes et sur notre souveraineté alimentaire [8].

Enfin, la souveraineté nationale de chaque pays est clairement affaiblie puisque la clause de sauvegarde, permettant à un État membre d’interdire une plante OGM/NTG sur son territoire, a été supprimée de la nouvelle législation. Actuellement, 18 pays et régions de l’UE ont choisi de ne pas cultiver d’OGM sur leur territoire afin de protéger leur agriculture et leur environnement des risques potentiels des nouveaux OGM [9].

La déréglementation des OGM sous le feu des critiques
Ce projet de dérégulation est largement rejeté par les paysans, la filière biologique, certains élu·es, les distributeurs et les associations de protection de l’environnement [10]. Treize ONG ont alerté fin novembre le président de la République et la Première ministre sur les risques liés au projet de règlement européen sur les nouvelles techniques génomiques (NTG) [11].

Une lettre ouverte publiée en novembre et signée par plus de 70 scientifiques a également appelé au rejet du plan et s’est inquiétée de l’accélération du processus législatif [12]. Selon eux, la proposition de déréglementation n’a pas le soutien des citoyen·nes de l’UE et pourrait ébranler davantage leur confiance dans la politique européenne. Un sondage réalisé en 2022 révèle que 77% de la population française souhaitent que les nouveaux OGM fassent l’objet d’une réglementation stricte au niveau européen [13], et près de 500 000 citoyens ont également signé une pétition [14] contre l’autorisation des nouveaux OGM en Europe, demandant à leurs représentant·es français et européens de défendre l’intérêt commun et d’adopter une position ferme face à cette tentative de dérégulation.

Prochaines étapes
Les discussions doivent se poursuivre sans agenda précis à ce jour. La commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire du Parlement européen votera probablement le 11 janvier, le vote en plénière étant prévu pour la semaine du 15 janvier.

 

Notes aux rédactions :

[1] Les NGT (New Genomic Techniques) désignent les techniques utilisées, alors que le terme OGM – Organismes Génétiquement Modifiés – désigne les produits issus de ces techniques.

[2] Voir https://www.greenpeace.org/eu-unit/issues/nature-food/46798/new-brand-of-gmos-would-escape-safety-testing-under-eu-commission-plan-briefing/

[3] Source : Agence fédérale allemande de protection de la nature https://www.gmo-free-regions.org/fileadmin/pics/gmo-free-regions/conference_2023/23-09-07_GMOfree-Regions_BfN_Engelhard.pdf

[4] Voir https://www.testbiotech.org/sites/default/files/Expert_statement_risks_of_NGT_plants.pdf 

[5] Voir https://www.greenpeace.org/eu-unit/issues/nature-food/46798/new-brand-of-gmos-would-escape-safety-testing-under-eu-commission-plan-briefing/

[6] Voir https://www.gmo-free-regions.org/fileadmin/pics/gmo-free-regions/conference_2023/23-09-07_GMOfree-Regions_BfN_Engelhard.pdf

[7] Voir https://www.greenpeace.org/static/planet4-eu-unit-stateless/2023/11/40d27a7c-2023-11-16-ngt-patents-on-ngt-statement-en.pdf

[8] Un rapport publié en 2023 conclut que la dérégulation de la majorité des nouveaux OGM conduira à renforcer la dépendance auprès de ces grandes entreprises, précisément pour des raisons de propriété intellectuelle. The possible deregulation of certain GMOs in the EU: What would the implications be? Adrian Ely, Patrick Van Zwanenberg, Elise Wach, Dominic Glover (Sussex University), 2023

[9] Voir https://food.ec.europa.eu/plants/genetically-modified-organisms/gmo-authorisation/gmo-authorisations-cultivation/restrictions-geographical-scope-gmo-applicationsauthorisations-eu-countries-demands-and-outcomes_en 

[10] Voir :

[11] Voir Nouveaux OGM : 13 organisations alertent le président de la République et la Première ministre sur le projet européen de dérégulation, communiqué de presse Greenpeace France, 30 novembre 2023 

[12] Voir https://newgmo.org/2023/11/19/open-letter-serious-concerns-about-the-eu-commission-proposal-on-new-genomic-techniques/

[13] Voir [Sondage] Nouveaux OGM : 91% des Français favorables à plus de transparence dans leur caddie, communiqué de presse Greenpeace France, juillet 2022

[14] Voir pétition sur le site web de Pollinis.