Alors que l’Assemblée de l’Autorité Internationale des Fonds marins (AIFM) doit se réunir du lundi 24 au vendredi 28 juillet à Kingston en Jamaïque, les négociations du Conseil de l’AIFM se sont achevées dans la nuit du 21 au 22 juillet. Si la pression des pays pro-exploitation a échoué à faire adopter un code minier, le Conseil de l’AIFM a malheureusement conclu un accord laissant la porte ouverte à l’exploitation minière en eaux profondes en l’absence de toute régulation, malgré une opposition croissante à cette activité.
Cette décision, adoptée à huis clos, a validé une feuille de route visant l’adoption, avant 2025, d’un code minier encadrant l’extraction minière sous-marine, ce qui pourrait accélérer le démarrage de cette industrie.
“Tout au long des négociations, le Secrétariat de l’AIFM a dicté l’ordre du jour pour servir les intérêts de l’industrie minière en dépit des voix, de plus en plus nombreuses, qui s’élèvent pour demander un moratoire contre l’exploitation des grands fonds marins.
Malgré les efforts du Brésil, du Costa Rica, de la France, du Vanuatu et d’autres pays, le vide juridique demeure, laissant la porte ouverte à la possibilité d’exploiter les eaux profondes. Sous l’impulsion d’une poignée de délégations, à savoir la Norvège, le Mexique, le Royaume-Uni et Nauru et des efforts désespérés de The Metals Company, les discussions se sont focalisées sur la manière de lancer l’exploitation minière en eaux profondes, à contre-courant du besoin impérieux de protéger l’environnement dans un contexte d’urgence climatique et d’effondrement de la biodiversité.
D’ici 2025, l’objectif n’est pas de tout faire pour finaliser un code minier bâclé, mais de consacrer les deux ans à venir à construire le consensus autour d’un moratoire » commente François Chartier, chargé de campagne Océan à Greenpeace France.
Les deux dernières semaines ont été l’occasion de voir de nombreux acteurs prendre position contre l’exploitation minière en eaux profondes. Le commissaire des Nations unies aux droits de l’Homme, des acteurs majeurs de l’industrie des produits de la mer et 37 institutions financières mondiales se sont notamment joints aux appels des militantes et militants autochtones et des scientifiques pour mettre un terme à l’exploitation minière en eaux profondes. Cela s’est traduit par une dynamique politique : 21 gouvernements réclament désormais une “pause de précaution”, un moratoire ou une interdiction dans les eaux internationales.
“L’élan inédit que nous observons actuellement doit être moteur pour pousser les Etats à adopter une position ferme contre l’exploitation des grands fonds marins. Les Etats présents cette semaine à Kinsgton doivent se prononcer en faveur d’un moratoire. Le secrétaire d’Etat à la Mer, Hervé Berville, en déplacement cette semaine à Kingston, doit porter le message selon lequel nous devons être à l’écoute de la science et nous mobiliser contre l’exploitation des grands fonds marins afin de protéger les océans. Ce que nous attendons en 2025 à Nice pour la conférence des Nations unies pour les océans, c’est une majorité de pays en faveur d’un moratoire, pas l’annonce de l’adoption d’un code minier ouvrant la voie à la destruction des grands fonds qui signerait un échec de plus du président Macron sur la scène internationale” ajoute François Chartier.
Notes aux rédactions :
- Un moratoire sur l’exploitation minière en eaux profondes permettrait de supprimer le vide juridique actuel qui ouvre la porte à des demandes de permis en l’absence de code minier.
- Les négociations du Conseil de l’AIFM, les deux dernières semaines, ont vu de nouvelles restrictions imposées aux journalistes et aux militant.es, en limitant l’accès des médias à seulement une semaine sur les trois semaines que dure l’ensemble des négociations, et en limitant de plus en plus les manifestations pacifiques.
- Tout au long du week-end, le réseau international de Greenpeace a organisé des projections de vidéos donnant la parole à des dirigeants de la société civile du Pacifique mobilisés contre l’exploitation minière en eaux profondes, à Mexico (Mexique), à Toronto (Canada), à Douvres (Royaume-Uni) et à Kingston (Jamaïque). Ils et elles y décrivent les impacts que l’industrie aurait sur le patrimoine culturel, la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance de leur région.