One Ocean Summit : la montagne qui accouche d’une souris

La grande conférence internationale sur la protection des océans, voulue par Emmanuel Macron en pleine présidence française de l’UE, se clôture aujourd’hui avec des déclarations politiques internationales qui demeurent floues sur de nombreux sujets. A l’heure de l’urgence climatique et de l’effondrement de la biodiversité marine, ce sommet confirme l’objectif global de protéger 30% des océans d’ici à 2030 et l’intérêt pour un traité sur la haute mer [1] mais échoue à expliciter les moyens de sa mise en œuvre.

A quelques semaines de l’élection présidentielle, Emmanuel Macron réussit à mobiliser au sujet de la protection des océans en organisant ce One Ocean Summit. Force est de constater que l’exercice de communication politique a fonctionné puisque le traité sur la haute mer fait largement consensus parmi les Etats présents, ce qui était déjà le cas lors de l’UICN en septembre dernier, tout comme l’objectif de protéger 30% des océans d’ici 2030.

Les déclarations vont dans le bon sens, mais il est maintenant nécessaire d’aller plus loin : nous attendons des mesures concrètes sur les mécanismes de conservation et de gouvernance, explique François Chartier, chargé de campagne Océans à Greenpeace France. Il manque également des clarifications sur les niveaux de protection des aires marines protégées. Emmanuel Macron a annoncé l’extension des réserves marines dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), déclarant ainsi dépasser l’objectif fixé de 30% d’aires marines protégées dans les eaux françaises. Si en termes de surface, on est bon, dans le détail, la “protection forte” n’exclut pas complètement les activités industrielles comme cela est conseillé par les scientifiques, et ne concernera en réalité que 4% des eaux françaises. On est donc finalement très loin du compte.”

Crédit photo : Micha Patault / Greenpeace
Toutes les photos et vidéos sont disponibles ici : https://media.greenpeace.org/collection/27MDHUHM9W3T

Derrière les beaux discours, Emmanuel Macron exploite les océans
Malgré ces annonces de surface, Greenpeace dénonce à nouveau le double jeu d’Emmanuel Macron, qui continue en parallèle de défendre certaines activités néfastes au premier rang desquelles le développement de l’industrie minière en eaux profondes, qui pourrait être une catastrophe pour le climat et la biodiversité marine.

“Derrière la volonté d’exploration des eaux profondes pour l’amélioration de la connaissance se cache bien le souhait de pouvoir exploiter ces grands fonds pour en extraire des métaux et minerais, comme cela est explicité dans la Stratégie nationale d’exploration et d’exploitation des ressources minérales dans les grands fonds marins, explique François Chartier. Cette phase préliminaire d’exploration, présentée par E. Macron avec un objectif scientifique, vise avant tout à étudier la faisabilité d’une exploitation minière qui se voudrait durable. La position du Président sur ce sujet est une énième preuve de l’incohérence entre ses paroles et ses actes face aux problématiques climatiques et environnementales.”

Greenpeace France demande au président Macron de revoir sa position sur l’exploitation minière en eaux profondes, et a lancé dans ce cadre fin janvier une pétition pour que la France signe l’appel au moratoire international contre cette industrie destructrice, qui a déjà recueilli près de 60 000 signatures.

Une opération de “bluewashing” dénoncée massivement
Plus tôt dans la matinée ce vendredi, une centaine de militants et militantes de Greenpeace et d’autres associations se sont mobilisés à Brest pour dénoncer l’hypocrisie d’E. Macron sur la protection des océans. Une marionnette géante à son effigie surplombait une banderole rappelant le double jeu du Président (“Protection des océans : Macron au sommet de l’hypocrisie”). Celle-ci était accompagnée de pancartes contre l’exploration des eaux profondes (“Non au pillage des fonds marins”) et sur la pétition Protect The Oceans en faveur d’un traité sur la haute mer ambitieux, qui a été signée par plus de quatre millions de personnes dans le monde.

Par ailleurs, des affiches à l’effigie d’Emmanuel Macron regardant vers les fonds marins avec l’inscription “Don’t Look Down”, référence au film Don’t Look Up, ont été placardées dans différents endroits de la ville de Brest dans la nuit de jeudi à vendredi. « Ce n’est pas un météore qui se dirige vers notre planète, c’est un désastre qui pourrait se passer sous la surface des océans et nous ne pouvons pas nous permettre de détourner le regard”, conclut François Chartier.

Note aux rédactions :
[1] Afin d’améliorer la gestion des eaux internationales, les Nations unies se sont engagées à négocier un traité international sur la haute mer, qui représente 64% des océans. Ce traité était l’un des principaux enjeux de ce sommet : s’il est suffisamment ambitieux, il permettrait la création de réserves marines en haute mer et deviendrait ainsi un élément clef de la constitution d’un vaste réseau d’aires marines protégées protégeant 30 % des océans d’ici à 2030 – un objectif soutenu par Greenpeace et la communauté scientifique internationale. La conférence visant à finaliser cet accord doit avoir lieu en mars 2022.