Le vote de la réforme de la PAC, qui se déroule actuellement, est crucial : il doit déterminer quel type d’agriculture va être soutenu pour les sept prochaines années. Or, les premiers échos sont inquiétants : l’accord conclu entre les groupes S&D, Renew Europe et PPE passe complètement à côté des enjeux environnementaux et climatiques.
Pire encore, Greenpeace dénonce la manipulation de procédures pour privilégier cet accord au rabais et faciliter le passage d’amendements de la commission agriculture au détriment des amendements faits par la commission environnement.
À moins de changements significatifs, la proposition actuelle de réforme de la PAC continuera de favoriser un système alimentaire et agricole qui nuit aux exploitations familiales et écologiques. En finançant aveuglément l’agriculture et l’élevage industriels, la PAC actuelle ne fait qu’aggraver le réchauffement climatique, la perte de biodiversité, la propagation de maladies infectieuses émergentes et la perte de revenus pour les paysan·nes. Les eurodéputé·es ont le pouvoir de mettre fin à cette aberration et de permettre la transition vers une agriculture écologique et familiale et son maintien.
“Nous ne pourrons pas prévenir une extinction des espèces et répondre à l’urgence climatique sans un processus législatif démocratique et cohérent. Pour cette raison, nous appelons aujourd’hui les eurodéputé·es à repartir d’une page blanche en votant en faveur de l’amendement 1147 pour rejeter le texte proposé par la Commission européenne” appelle Suzanne Dalle, chargée de campagne agriculture pour Greenpeace France.
Les Français·es « votent » pour un changement radical
A rebours de ces tractations, un sondage réalisé par l’institut BVA pour Greenpeace France montre que 92 % des Français·es considèrent que la PAC doit soutenir financièrement la transition vers une agriculture écologique à taille humaine plutôt que l’élevage industriel [1].
Selon ce sondage, 82 % des personnes interrogées souhaitent que la future PAC alloue une part importante de son budget à des enjeux environnementaux et climatiques, et, dans les mêmes proportion, ne veulent pas soutenir une agriculture qui contribue à la déforestation [2]. Par ailleurs, une majorité de Français·es (57 %) sont favorables à une PAC qui encourage la réduction de la production européenne de viande et de produits laitiers [3].
« Ce sondage démontre tout l’intérêt que les Français·es portent à l’agriculture et à l’alimentation, explique Suzanne Dalle, chargée de campagne Agriculture à Greenpeace France. Et les résultats sont sans appel : les citoyen·nes souhaitent un changement radical de cette politique périmée, dont l’objectif est toujours resté le même depuis 60 ans, à savoir augmenter toujours plus la productivité du secteur, favoriser les exportations et les importations à tout-va, sans se soucier de notre souveraineté alimentaire [4], de notre santé ou des agriculteurs et agricultrices. L’Union européenne et en particulier les eurodéputée·es français·es doivent prendre acte de ces attentes fortes et voter en faveur d’une transition instaurant un système qui protège les paysans et paysannes, produit des aliments sains accessibles à tous et toutes et préserve l’environnement. »
Financée par les contribuables européens, la PAC est dotée d’un budget de 58 milliards d’euros par an (soit environ 40 % du budget européen). La France en est le premier bénéficiaire avec neuf milliards d’euros par an. Malgré ces aides colossales, notre agriculture a perdu en 60 ans 80 % de ses exploitations et plus de cinq millions de paysans et paysannes.
Pour Greenpeace, il est nécessaire de construire un système alimentaire juste et durable, et cela commence par fixer des conditions claires pour mettre fin au financement public de l’élevage industriel. L’argent public doit être redistribué en fonction des bénéfices sociaux et environnementaux des exploitations, et les aides à l’hectare doivent être stoppées. La production de fruits et légumes doit être favorisée pour garantir une alimentation saine et durable, et la production de viande et de produits laitiers doit être limitée dans certains territoires afin de garantir un développement équilibré des territoires. Enfin, la production agricole doit permettre de nourrir les Européen·nes, au lieu d’investir dans les carburants ou les flux mondialisés [5].
Note aux rédactions
[1] Le sondage a été effectué par Internet du 6 au 9 octobre 2020 auprès d’un échantillon représentatif de la population française composé de 1000 répondant·es âgé·es de 18 ans et plus. La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas appliquée aux variables suivantes : sexe, âge, profession, région, catégorie d’agglomération et nombre de personnes dans le foyer. L’ensemble des réponses est disponible ici.
[2] Pour plus d’informations, voir : Mordue de viande (2019)
[3] Pour plus d’informations, voir : Moins mais mieux : projet de Greenpeace pour la production de viande et de produits laitiers d’ici à 2050 (2018).
[4] Pour plus d’informations, voir : Produire autrement : le système alimentaire européen dans l’impasse (2020)
[5] Pour plus d’informations, voir : PAC : l’Union européenne doit repartir d’une page blanche (mai 2020)