Plan de soutien au secteur automobile : grosse inquiétude des ONG concernant la transition écologique du secteur
Le ministre de l’Économie a annoncé en début de semaine un plan de soutien massif à venir pour le secteur automobile, sous la forme notamment de mesures fiscales visant à encourager l’achat de nouveaux véhicules, et dont les détails doivent être dévoilés dans les prochains jours. Alors qu’un premier prêt bancaire de cinq milliards d’euros, garanti par l’État, est presque finalisé pour Renault sans aucune conditionnalité sociale ni environnementale [1], Greenpeace France, la Fondation Nicolas Hulot et le Réseau Action Climat s’inquiètent des priorités du secteur automobile [2] et de la volonté réelle de Bruno Le Maire et du gouvernement d’imposer au secteur une trajectoire compatible avec le défi climatique.
« À l’heure actuelle, le secteur automobile n’est pas en cohérence avec la transition écologique, rappelle Agathe Bounfour du Réseau Action Climat. Les aides apportées par l’État doivent permettre de réorienter en profondeur l’industrie et le marché, mais ce n’est pas ce qui se profile. Si les aides publiques permettent d’encourager l’achat individuel de gros véhicules, type SUV, même électriques ou hybrides, c’est un non-sens climatique et social. La priorité doit être mise sur l’accompagnement des ménages, notamment les plus précaires, qui sont dépendants des véhicules polluants ».
Les SUV, une aberration climatique
Le gouvernement doit clairement écarter l’option d’une énième prime à la casse pour les véhicules thermiques, y compris les plus récents. Mais plus encore, il faut mettre un coup d’arrêt à la logique du tout-SUV. Les constructeurs automobiles misent énormément sur ces 4×4 urbains pour leur développement commercial. En Europe, les ventes de SUV ont bondi de 8% en 2008 à 32% en 2018. Et les SUV sont présentés comme une des options de sortie de crise pour le secteur automobile français. Or, les SUV, thermiques ou hybrides, parce qu’ils sont plus lourds et moins aérodynamiques, consomment plus de carburant et émettent davantage que les voitures “traditionnelles”. Ils constituent le 2e facteur d’augmentation des émissions mondiales de CO2 depuis 2010 après le secteur de l’énergie, selon l’Agence international de l’énergie. Le SUV électrique, dont l’impact sur l’environnement pour la production des batteries et d’électricité est décuplé, n’offre de surcroît aucun avenir viable au secteur automobile et à l’emploi.
« Cette sortie de crise doit marquer un virage dans le secteur automobile, déclare Marie Chéron de la Fondation Nicolas Hulot. Le défi, c’est de renforcer la résilience de ce secteur et des emplois tout en mettant cette industrie sur les rails de la transition écologique. Pour cela, le secteur doit s’adapter à la nécessité de repenser la place de la voiture individuelle dans nos déplacements et doit se concentrer dès maintenant sur la production des véhicules les plus performants, et définir une stratégie d’investissement : production de batteries, recyclage et véhicules légers pour le marché, formation. Cela ne se fera pas sans accélérer la fin de la production des voitures diesel puis essence, et l’abandon du tout SUV. Il y a besoin pour cela de signaux clairs à l’attention du marché, le malus au poids pour les véhicules neufs en fait partie ».
Véhicules électriques, pas la solution miracle
Bruno Le Maire souhaite encourager l’achat de « véhicules propres », potentiellement sous forme d’aides fiscales, pour favoriser la relance du secteur automobile, mais il passe à côté de l’essentiel. La voiture électrique n’est pas la solution miracle pour développer une mobilité durable, notamment tant qu’une transition réelle vers les énergies renouvelables n’est pas engagée. Si une voiture électrique impacte deux fois moins le climat que son équivalent essence sur l’ensemble de son cycle de vie, elle émet néanmoins des gaz à effet de serre aux différentes étapes de sa production, en plus d’impacter des écosystèmes lors de l’extraction des minerais permettant de produire les batteries.
« Tous les véhicules, même électriques, ont un coût pour le climat et l’environnement, continue Sarah Fayolle, chargée de campagne Transport chez Greenpeace France. L’enjeu doit être de réduire le nombre de voitures sur les routes, au profit des mobilités partagées, comme le covoiturage ou l’autopartage, et d’autres modes de déplacement, comme le train, les transports en commun ou le vélo. Un plan de soutien à l’industrie automobile sans prise en compte de cet enjeu majeur de réduction de notre dépendance à la voiture solo et sans conditionnalité écologique serait un nouveau chèque en blanc de la part de l’État pour une industrie polluante et pour ses SUV ».