Aujourd’hui, de 9 h à 19 h, s’est tenu le procès de quinze activistes de Greenpeace, ainsi que la personne morale de Greenpeace France, devant le tribunal judiciaire de Cherbourg. Les activistes s’étaient introduits, le 31 mars 2022, sur le chantier de l’EPR de Flamanville. En pleine campagne présidentielle, ils dénonçaient la volonté de plusieurs candidats, dont le président-candidat E. Macron, de relancer le nucléaire en France sans que n’ait lieu aucun débat sur l’énergie nucléaire.
Les photos du rassemblement militant sont disponibles ici.
Lors de l’audience, EDF a demandé près de 1 000 000 d’euros à Greenpeace du fait de cette action (environ 432 000 pour préjudice matériel, 500 000 euros de préjudice moral et 30 000 euros de frais d’avocats). L’avocat d’EDF a exposé très clairement les motivations de l’entreprise avec ce procès : faire cesser la mission d’intérêt général de Greenpeace France « en touchant au portefeuille » de l’association.
Le procureur a demandé, pour les 7 activistes qui s’étaient introduits sur le chantier de l’EPR, 800 euros d’amende (1000 euros pour une personne) et l’interdiction de pénétrer sur le territoire de Flamanville pendant 2 ans. Pour les 8 activistes qui sont poursuivis pour entrave aux travaux publics, 500 euros d’amende et la même interdiction pour une durée d’un an. Quant à la personne morale de Greenpeace France, une condamnation de 30 000 euros a été requise ainsi que l’affichage de sa condamnation pendant un mois.
Les 11 prévenus présents ont exposé leurs motivations, un par un, à la barre : « fiasco industriel », « absence de débat démocratique », « dangerosité pour nous et les générations futures » ont été entendus devant le tribunal. L’une des prévenues a témoigné du soutien de plusieurs salariés d’EDF qui, en apportant des ravitaillements aux activistes présents, leur ont confié que ce chantier était un fiasco.
Maître Marie Dosé a plaidé la relaxe des activistes et de l’ONG au nom de la liberté d’expression et de réunion :
« Cette audience est déconnectée de la réalité. Elle ne prend pas en considération les enjeux du danger du nucléaire pour les individus et l’ingérence dans la liberté d’expression en requérant des condamnations. La plaidoirie en faveur d’EDF est à l’envers de la réalité judiciaire et de la protection de la liberté d’expression. Le but de cette intrusion et de ce blocage symbolique n’a jamais été d’approcher les réacteurs, mais d’alerter sur le projet de relance du nucléaire décidé unilatéralement par E. Macron. Compte tenu de cela, le mode opératoire est parfaitement proportionné. »
Pour Jean-François Julliard, directeur de Greenpeace France, qui a personnellement participé à l’action :
« L’EPR de Flamanville est le symbole d’une industrie dépassée, incapable de répondre à la temporalité de l’urgence climatique et de respecter les délais et coûts annoncés. Dénoncer ce fiasco et cette perte massive de temps et de financements au détriment de la transition énergétique est une démarche nécessaire, juste et légitime. »
Pour Anaïs, activiste qui a pris la parole en amont de l’audience :
« Je suis maraîchère et mère de deux jeunes enfants. Ma participation à cette action découle d’une conviction profonde : le nucléaire sûr n’existe pas. Les centrales vieillissantes, par exemple, sont de grandes sources de dysfonctionnement qui pourraient mener à des accidents que je n’ose même pas imaginer. Il est inacceptable qu’un gouvernement puisse décider seul de la relance de l’énergie nucléaire sans le consentement de la population qui en subira les conséquences. J’aurais souhaité ne pas avoir besoin de faire cette action, mais c’était le seul moyen, à ma portée, pour alerter sur ce danger qu’est le nucléaire. »
Ce procès des activistes de Greenpeace a lieu alors que le gouvernement s’obstine dans une relance irresponsable de l’énergie nucléaire. Pour Nicolas Nace, chargé de campagne transition énergétique à Greenpeace France :
« La faisabilité de la construction de plusieurs paires de nouveaux réacteurs nucléaires dans le calendrier annoncé n’est ni démontrée ni même crédible ; les coûts du projet sont déjà exorbitants et vont continuer à augmenter. Les annonces de construction de nouveaux EPR2 sont une aberration qui vise à soutenir, quoi qu’il en coûte, une industrie nucléaire défaillante au lieu de développer massivement et rapidement les solutions qui fonctionnent aujourd’hui : réduire notre gaspillage énergétique par des mesures de sobriété et d’efficacité énergétique, et développer toutes les énergies renouvelables, notamment l’éolien et le solaire. »
L’EPR de Flamanville est l’un des plus gros fiascos industriels français. Son chantier, lancé en 2007, était censé durer cinq ans pour une mise en service en 2012 et pour un coût de 3,3 milliards d’euros. Il sera au mieux mis en service cette année, soit avec 12 ans de retard pour un coût multiplié par plus de six avec une facture dépassant les 20 milliards d’euros en incluant les frais financiers.
Le jugement a été mis en délibéré et sera rendu le 14 mai à 9 h.