Mardi 23 février, le Haut Conseil pour le climat doit publier son rapport sur l’évaluation du projet de loi Climat et résilience récemment présenté en conseil des ministres.
Les mesures proposées par le gouvernement sont jugées largement insuffisantes au regard du retard de la France dans la lutte contre le réchauffement climatique, notamment suite à la décision des États européens de relever le niveau d’ambition commune, en décembre dernier (-55% en 2030 contre -40% actuellement), et qui engage la France à revoir sa propre trajectoire dans des délais rapprochés. Ainsi, d’après le HCC, ces mesures “n’engagent pas ni ne garantissent l’engagement des changements structurels nécessaires” (p.7).
Pour Greenpeace France, le constat du HCC est sans appel : rien ne va dans ce projet loi.
Objectif général obsolète, portée des mesures trop faible, étude d’impact opaque et parfois mensongère [1], processus législatif inadéquat, absence des enjeux de justice sociale… Le gouvernement utilise toutes les combines possibles pour filtrer le travail des 150 et priver le texte de toute efficacité.
“Cet avis s’ajoute au concert de critiques unanimes qui pleuvent sur ce projet de loi, notamment sur le caractère purement symbolique de la majorité des mesures inscrites. Après le Conseil d’État, le HCC condamne par exemple le périmètre d’application trop restreint retenu par le gouvernement sur l’interdiction des publicités pour les produits les plus polluants, lequel ne concerne en l’état actuel du texte que la réclame pour les énergies fossiles, pourtant extrêmement rare aujourd’hui, au lieu de viser l’ensemble des biens et services associés. Nous ne pouvons donc qu’appuyer l’appel adressé aux parlementaires par le HCC quant à la nécessité de revoir drastiquement ce projet de loi, quitte à aller contre l’avis du gouvernement pour la majorité. Car Emmanuel Macron a trahi sa promesse démocratique initiale : il est passé du sans filtre au s’en fiche”, regrette Clément Sénéchal, chargé de campagne politiques climatiques à Greenpeace France.
Rénovation thermique
Le HCC souligne le manque de vision à long terme et l’absence d’une trajectoire ambitieuse et cohérente pour la rénovation énergétique des bâtiments dans le projet de loi Climat et résilience.
“Les mesures incitatives seules sont inefficaces. Inclure une obligation de rénovation performante des logements, en commençant par les passoires thermiques, est un levier indispensable pour espérer atteindre nos objectifs de décarbonation du secteur des bâtiments », souligne Nicolas Nace, chargé de campagne Énergie à Greenpeace France.
Transports
Le HCC confirme notamment l’insuffisance de la mesure du gouvernement sur la fermeture des lignes aériennes intérieures et rappelle que la compensation ne doit pas être utilisée comme un moyen permettant aux compagnies aériennes d’amoindrir leurs efforts de décarbonation.
“Avec une interdiction uniquement pour les vols pour lesquels une alternative en train est disponible en moins de deux heures trente, cette mesure ne concernera que quelques lignes, présentera un bénéfice climat limité et passera à côté des lignes les plus émettrices, comme Paris-Marseille qui se fait pourtant en trois heures en train, rappelle Sarah Fayolle, chargée de campagne Transports à Greenpeace France. Le projet de loi actuel du gouvernement fait la part belle à la compensation au détriment de mesures contraignantes ambitieuses. Cet immobilisme climatique n’est plus tenable, et les député·es ne peuvent ignorer les différents appels à réhausser l’ambition de la loi”.
Alimentation
L’avis du HCC au sujet de l’introduction de menus végétariens dans la restauration collective est clair : le projet de loi Climat et résilience se contente d’autoriser une pratique qui existe déjà sur le terrain au travers d’un dispositif expérimental et optionnel.
“Si la France veut parvenir à ses objectifs climatiques, il est temps maintenant de rendre obligatoire une option végétarienne quotidienne. Cette mesure, bénéfique pour l’environnement, pour la santé et pour une meilleure justice sociale, a déjà fait ses preuves dans plus de 200 villes et communes ainsi que des dizaines de structures et doit maintenant être généralisée”, souligne Laure Ducos, chargée de campagne Agriculture et alimentation à Greenpeace France.
[1] Par exemple, le HCC note p. 21 que : “L’article 41, qui porte sur l’interdiction de location des passoires énergétiques à partir de 2028, vient renforcer l’obligation de rénovation énergétique des passoires énergétiques d’ici 2028 de la loi sur l’énergie et le climat de 2019. L’étude d’impact reconnaît d’abord dans les impacts économiques et financiers que « la présente mesure n’entraîne donc pas d’impact additionnel en elle-même », puis présente par la suite des impacts climats de -2 Mt éqCO2. Ces réductions étant déjà attendues par les dispositions de la loi énergie climat (LEC), cela peut induire en erreur le lecteur”. Ou encore que : “L’article 46, qui fixe l’objectif national de réduire par deux le rythme d’artificialisation des sols en France, présente un ordre de grandeur des émissions évitées si l’objectif est atteint. Or ce sont bien les mesures adoptées qui contribueront concrètement à réaliser ces réductions, c’est-à-dire les articles 47 à 51 et l’article 53 du projet de loi. Les évaluations quantifiées des articles 46 et 50 font ainsi double compte.”