Tard dans la nuit, dans le cadre du vote sur le projet de loi de finances rectificative à l’Assemblée nationale, le gouvernement et les député·es de la majorité ont refusé de conditionner l’aide financière, en cas de recapitalisation d’entreprises polluantes, à un changement en profondeur de leur modèle économique [1].
La société civile et des député·es de plusieurs bords proposaient pourtant d’exiger des entreprises soutenues, un plan de transformation compatible avec les objectifs fixés par l’Accord de Paris, les contraignant à réduire drastiquement leurs émissions de gaz à effet de serre. Se targuant du contraire, le gouvernement et sa majorité parlementaire disent vouloir obliger les entreprises concernées à s’engager pour la transition écologique, alors qu’aucune contrainte ni mécanisme de sanction n’ont été introduits dans le texte [2]. Même la proposition de consulter le Haut Conseil pour le Climat sur l’utilisation de l’enveloppe de 20 milliards d’euros a été rejetée.
Greenpeace, Les Amis de la Terre et Oxfam France critiquent vivement cette décision en trompe l’oeil, qui s’apparente à un chèque en blanc aux grands pollueurs des secteurs aérien, automobile et pétrolier.
Pour Clément Sénéchal, chargé de campagne politiques climatiques à Greenpeace France : « La crise sanitaire agit comme un bain révélateur des structures du pouvoir : le gouvernement ne sait plus comment gouverner sans les lobbies climaticides, alors même que la population demande un jour d’après plus résilient, qui passe nécessairement par la transition écologique demain et dès aujourd’hui. Cet épisode tragique pour le climat, où des milliards sont offerts, en catimini, aux secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre, est d’abord une démonstration de force des dirigeants des grandes entreprises polluantes, qui imposent leurs intérêts particuliers au détriment de ceux des citoyen·nes. C’est une défaite du politique, de la démocratie et de la parole d’Emmanuel Macron, qui prétend ‘transformer le capitalisme’ et que le jour d’après ne ressemblera pas au jour d’avant.»
« On se retrouve dans une situation ubuesque où le gouvernement peut maintenant disposer des 20 milliards d’euros pour renflouer les multinationales polluantes, en toute opacité, sans contrôle démocratique ni réelle contrepartie exigée envers les entreprises. Le pire c’est qu’il fait mine de prendre en compte l’urgence écologique, alors qu’il refuse de contraindre les acteurs économiques précisément responsables de la crise climatique. Quelle crédibilité donner aux paroles d’Emmanuel Macron prétendant bâtir “une stratégie où nous retrouverons le temps long, la possibilité de planifier, la sobriété carbone, la prévention, la résilience” dans ces conditions ? » réagit Cécile Marchand, chargée de campagne climat aux Amis de la Terre.
« L’amendement adopté par la majorité ne prévoit aucune sanction et aucun objectif scientifique. Adopter une politique RSE (Responsabilité Sociale et Environnementale) “exemplaire” n’est pas un objectif basé sur un consensus scientifique. C’est un coup d’épée dans l’eau ! Malgré l’opération de ”greenwashing” orchestrée par la majorité, nous ne sommes pas dupes : elle est insuffisante pour reconstruire le monde d’après. C’est une occasion manquée pour transformer en profondeur des modèles économiques qui nous amènent dans le mur. A défaut de signer un chèque “en vert”, le gouvernement signe un chèque “en blanc aux grands pollueurs”, conclut Alexandre Poidatz, chargé du financement de la transition énergétique chez Oxfam France.
Notes aux rédactions :
[1] Communiqué commun adressé en amont du vote : https://www.greenpeace.fr/espace-presse/lassemblee-nationale-sapprete-a-signer-un-cheque-aux-grands-pollueurs-sans-condition/
[2] Amendement adopté dans la nuit du 17 au 18 avril : http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/amendements/2820/AN/443