Proposition de loi Duplomb : Greenpeace dénonce une attaque contre l’environnement et l’avenir de l’agriculture.

Agriculture

Alors qu’une proposition de loi (PPL) portée par le sénateur Laurent Duplomb va être débattue aujourd’hui au Sénat, Greenpeace France dénonce la menace directe qu’elle représente pour l’environnement, la santé publique et l’avenir de l’agriculture. Sous couvert de vouloir « libérer » les agriculteurs et les agricultrices de contraintes supposément excessives, ce texte propose des mesures régressives qui favorisent une agriculture intensive et destructrice, aux antipodes des exigences d’une transition agroécologique pourtant indispensable.

« Dans un contexte où le secteur agricole est confronté à de multiples crises, ce texte est un cadeau de plus du gouvernement aux industriels de l’agriculture, aux lobbies agricoles et au syndicat majoritaire, s’indigne Romane Rozencwajg, chargée de campagne Agriculture à Greenpeace France. Il entraîne l’agriculture dans une voie sans issue et ne répond en rien aux problèmes structurels que rencontrent les agriculteurs et agricultrices : les faibles revenus, la répartition inéquitable de la valeur ou encore leur vulnérabilité face aux aléas climatiques. »

Parmi les mesures proposées, Greenpeace dénonce une vision obsolète et dangereuse sur quatre points en particulier :

  • Réglementation sur les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) dans le secteur de l’élevage

La PPL Duplomb propose de « simplifier » l’implantation d’élevages intensifs, notamment en alignant les seuils de ces installations sur des normes européennes et en limitant les contrôles et les possibilités de recours de la société civile [1]. Greenpeace rappelle que les ICPE peuvent, par définition, « créer des risques pour les tiers et/ou des pollutions ou nuisances vis-à-vis de l’environnement » [2]. De plus, ces installations à fort impact environnemental contribuent à la pollution des sols et des eaux, menacent la biodiversité et fragilisent les petites et moyennes exploitations [3].

  • Ressources en eau

En facilitant le stockage de l’eau destinée à l’agriculture intensive, cette proposition de loi ignore les besoins écologiques des zones humides et des cours d’eau. Ce type de priorisation des usages de l’eau favorise des pratiques agricoles intensives et met en péril les ressources en eau à long terme, au détriment des écosystèmes et des usages collectifs. Greenpeace rappelle que les mégabassines servent essentiellement à alimenter des productions très gourmandes en eau comme le maïs, majoritairement destiné à l’élevage industriel. Elles servent avant tout les intérêts des acteurs agro-industriels qui persistent dans le maintien d’un système agricole intensif, au détriment de solutions locales et paysannes [4].

Par ailleurs, cette PPL menace la pluralité des instances de gouvernance de l’eau. L’article 5 vise notamment à réduire le collège des représentants des usagers non économiques de l’eau (à savoir les associations environnementales et celles de défense des consommateurs ainsi que les fédérations de pêche et de protection des milieux aquatiques) tout en augmentant celui des usagers économiques (comprenant notamment les représentants de l’agro-industrie). Cette même PPL souhaite également revoir la hiérarchie des usages de l’eau, en rehaussant l’usage agricole devant la protection des milieux aquatiques.

  • Contrôles et démarches judiciaires

Le texte attaque directement les outils de contrôle et de surveillance environnementale en affaiblissant le pouvoir de l’Office français de la biodiversité (OFB) et en limitant les recours juridiques possibles. Les procédures d’enquête publique sont également vidées de leur substance, réduisant encore la possibilité pour la société civile et les collectivités locales de s’opposer à des projets destructeurs. Greenpeace dénonce une atteinte à la démocratie environnementale qui vise à renforcer la rhétorique opposant agriculture et écologie [5].

  • Pesticides

En facilitant l’usage des pesticides, y compris les plus nocifs, et en annulant des mesures essentielles comme la séparation entre la vente et le conseil, cette loi signerait un retour en arrière inacceptable. Réintroduire les pesticides à base de néonicotinoïdes malgré leurs impacts avérés sur les pollinisateurs et la santé humaine, reviendrait à nier les conclusions de la communauté scientifique et à sacrifier des écosystèmes déjà gravement fragilisés. Cette démarche, en contradiction flagrante avec le droit européen, donne la priorité aux profits à court terme de l’industrie chimique au détriment de l’environnement et de la santé publique [6].

« Greenpeace demande aux sénateurs et sénatrices de rejeter en bloc cette proposition de loi qui prétend servir l’agriculture, poursuit Romane Rozencwajg. Elle expose les agriculteurs et les agricultrices à dépendre toujours plus des tenants d’une agriculture productiviste et de modèles économiques non viables. Cette vision productiviste de l’agriculture amplifie les vulnérabilités du système face aux enjeux climatiques et de biodiversité. L’avenir de l’agriculture française ne peut pas passer par une industrialisation dévastatrice mais nécessite au contraire une transition agroécologique capable de réconcilier agriculture et écologie. »

 

Notes aux rédactions :

[1] La directive européenne sur les émissions industrielles est moins exigeante que la réglementation française sur les ICPE. Voir “Élevage : L’Europe donne aux fermes industrielles un droit à polluer”, communiqué de presse de Greenpeace France, 29 novembre 2023
[2] Voir la définition d’une ICPE sur le site du MTE : “Toute exploitation industrielle ou agricole susceptible de créer des risques pour les tiers – riverains et/ou de provoquer des pollutions ou nuisances vis-à-vis de l’environnement, est potentiellement une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE).
[3] Voir “Déclin du nombres de fermes : Greenpeace appelle les États européens à accompagner en priorité les agriculteurs les plus en difficulté”, communiqué de presse de Greenpeace France, 3 octobre 2024
Voir les trois notes de décryptage de Greenpeace :
– “Le méthane réchauffe le climat à plein gaz”, Greenpeace France, avril 2023
– “L’abus d’ammoniac est dangereux pour la santé et l’environnement”, Greenpeace France, avril 2023
– “Pollution de l’eau aux nitrates : un fléau européen”, Greenpeace France, avril 2023
[4] Voir “Mégabassines : pourquoi s’y opposer ?”, site web de Greenpeace France.
[5] Voir tribune collective “L’écologie n’est pas une entrave à l’agriculture”, Ouest-France, 28 novembre 2024
[6] Voir les travaux de Générations Futures.