Hier soir, lors des débats sur la mission Plan de relance à l’Assemblée nationale, le sujet de la mise en place d’éco-conditionnalités pour les aides publiques des entreprises a refait surface. Malgré l’importance de mettre en place des obligations ambitieuses et contraignantes de reporting et de baisse des émissions de gaz à effet de serre pour les grandes entreprises, seulement un amendement – très insuffisant – présenté par la majorité a été adopté.
Les débats et le nombre important d’amendements (1) montre que le gouvernement ne peut plus contourner le sujet. Mais encore une fois, le choix a été fait de soutenir un amendement qui n’est qu’une coquille vide. L’amendement ne prévoit :
La comparaison entre les propositions des ONG et les dispositifs de l’amendement de la majorité montre point par point la faiblesse de la proposition (tableau ci-dessous). Le débat d’hier soir montre qu’il n’est plus possible de se contenter d’éco-conditionnalités marginales.
Prochain rendez-vous sur le sujet : les 4 et 5 novembre, quand l’Assemblée nationale abordera de nouveau le sujet des éco-conditionnalités pour les entreprises en commission de finances.
Pour Quentin Parrinello, porte parole d’Oxfam France, « Après avoir joué la montre pendant des semaines, la majorité a voté un amendement vide d’engagement de réduction d’empreinte carbone qui demande uniquement des contreparties aux petites et moyennes entreprises sans aucun effort supplémentaire pour les grandes entreprises, les principales responsables du changement climatique. C’est un contresens complet par rapport aux engagements concrets qui sont nécessaires pour entamer une transition vers un modèle économique plus juste et plus durable. »
Selon Clément Sénéchal, chargé de campagne politiques climatiques chez Greenpeace France, « le gouvernement ne cesse de déployer des trésors d’inventivité pour contourner la controverse autour des chèques en blanc consentis aux grandes entreprises. La majorité parlementaire vote ainsi un amendement de façade, déposé pour le geste : il ne concerne pas les grandes entreprises, ne prévoit aucune baisse des émissions de gaz à effet de serre ni aucune sanction. En dehors de cette affligeante tentative de diversion, les amendements prévoyant des contraintes réelles et sérieuses ont quant à eux tous été rejetés. Même celui issu de leurs propres rangs et inspiré d’un amendement déposé jadis par Barbara Pompili. C’est en cela la préconisation la plus structurante de la Convention citoyenne pour le climat, au cœur de sa mission, qui est enterrée : ni plus ni moins que le repositionnement de notre économie dans les clous de l’Accord de Paris. Une manche décisive perdue pour la transition. »
Pour Pierre Cannet, directeur du plaidoyer du WWF France « le gouvernement et la majorité ont pour l’instant échoué à fixer des contreparties environnementales aux aides publiques que les grandes entreprises vont recevoir dans le cadre de la relance. Nous les appelons à passer de l’obligation de reporting qui existe déjà à une obligation d’action et de résultats. Le projet actuel est à côté de la plaque. Nous demandons aux député.e.s de “ressusciter” la proposition d’amendement portée par Barbara Pompili alors qu’elle était députée en juin dernier, proposition qui était de loin plus ambitieuse. »
Pour Samuel Leré de la Fondation Nicolas Hulot « en votant un amendement “contrepartie” qui n’a de contrepartie que le nom, le gouvernement et la majorité ont démontré leur refus catégorique de contraindre les entreprises qui touchent de l’argent public à s’engager dans la transition écologique. Une fois de plus le gouvernement et la majorité se sont désavoués eux-mêmes en votant un simulacre de contreparties alors même que les ministres et le rapporteur les avaient promises. Résultat : des milliards d’euros seront données aux entreprises sans leur donner de cap pour contribuer à un avenir meilleur pour la société. Par ce vote, la majorité a par ailleurs choisi de s’opposer à une large majorité de la société civile regroupée au sein du Pacte du pouvoir de vivre : syndicats, ONG, mutuelles, organismes HLM… »
Pour Meike Fink du Réseau Action Climat, « réussir la transition écologique signifie engager tous les acteurs, dont les entreprises, à respecter des trajectoires de réduction des gaz à effet de serre compatibles avec l’Accord de Paris. Le débat actuel sur des contreparties environnementales aux aides publiques devait accélérer et rendre contraignant ce type d’engagement, notamment pour les grandes entreprises. Nous ne pouvons pas nous contenter d’un amendement qui fait complètement fi de cet objectif. Il faut revoir la copie. »