[Rapport] Bilan carbone de TotalEnergies : le compte n’y est pas. La major serait responsable de près de quatre fois plus d’émissions de gaz à effet de serre que ce qu’elle déclare
Dans un rapport publié ce jour, intitulé ‘Bilan carbone de TotalEnergies : le compte n’y est pas’, Greenpeace France publie un recalcul des émissions de gaz à effet de serre de la major pétrolière et gazière.
- Cette investigation inédite démontre un écart abyssal entre les déclarations officielles de la multinationale et le résultat qui ressort d’un décompte estimatif plus exhaustif et transparent de l’intégralité des émissions de CO2e de l’entreprise.
- Alors que la major a annoncé la semaine dernière un nouveau bénéfice record de 6,6 milliards de dollars au 3e trimestre, ces nouveaux chiffres reposent également la question de sa potentielle responsabilité dans la crise climatique.
- Ces informations font l’objet d’un signalement à l’Autorité des marchés financiers (AMF) par Greenpeace France.
“Ce rapport jette un énorme pavé dans la mare, commente François Chartier, chargé de campagne Énergies fossiles pour Greenpeace France. Alors que les bénéfices continuent de pleuvoir pour TotalEnergies, sa responsabilité dans la crise climatique est bien plus importante que ce qu’elle veut bien reconnaître. Cela remet en question l’intégralité de sa stratégie climat et de ses ambitions de neutralité carbone à 2050. Ces dernières n’étaient déjà pas crédibles, mais au vu de ce nouveau calcul, elles sont carrément fantaisistes. Le seul moyen pour TotalEnergies de tendre vers la neutralité carbone est de réduire ses volumes de production de gaz et de pétrole.”
Pour effectuer ce travail de recalcul des émissions, Greenpeace France s’est basée sur l’année de référence 2019 afin d’éviter tout biais lié à la crise sanitaire. L’estimation finale donne un résultat près de quatre fois supérieur à celui que communique la major, soit un total d’émissions de 1 milliard 637 millions 648 mille tonnes de CO2e, alors que le groupe indique avoir émis 455 millions de tonnes de CO2e cette année-là.
Ce chiffrage n’est toutefois pas exhaustif car certains secteurs restent potentiellement sous-évalués mais il souligne le manque de transparence évident de TotalEnergies.
“Cette stratégie de minimisation est grave, continue François Chartier. Mais elle n’est pas surprenante de la part de cette multinationale dont les actions de greenwashing ont été déjà maintes fois dénoncées, notamment sa communication qui fait déjà l’objet d’un recours de Greenpeace pour publicité trompeuse (1)”.
À quelques jours de l’ouverture de la COP27, haut lieu de lobbying pour les majors pétro-gazières, il est crucial de pointer du doigt le flou savamment entretenu par TotalEnergies, qui tente depuis des décennies d’influencer le débat concernant le changement climatique en défendant des scénarios de transition qui servent ses intérêts. Pour mettre en cohérence sa stratégie climat, ses objectifs de neutralité carbone et la réalité des chiffres, le groupe devrait cesser immédiatement d’investir dans de nouveaux projets de pétrole et de gaz, à commencer par les bombes climatiques comme EACOP ou le projet Mozambique LNG. TotalEnergies doit inverser le rapport en matière d’investissements entre énergies renouvelables et énergies fossiles et se fixer des objectifs chiffrés de réduction des émissions, avec une feuille de route précise visant la baisse des volumes de production et de commercialisation du pétrole et du gaz. “Au regard de l’acharnement du groupe à continuer coûte que coûte le développement de ces nouvelles bombes climatiques, la question se pose : quand les responsables politiques reconnaîtront-ils enfin que TotalEnergies n’a aucunement l’intention de sortir des énergies fossiles et qu’il est plus que temps de l’empêcher de nuire par la contrainte réglementaire ?” conclut François Chartier.
Greenpeace France a adressé un signalement à l’Autorité des marchés financiers (AMF) : ces nouvelles estimations sur l’impact climatique réel de TotalEnergies et sa communication trompeuse sur ses engagements net zéro 2050 (qui fait déjà l’objet d’un recours) sont susceptibles de révéler des contradictions, inexactitudes et omissions sanctionnables.
Méthodologie
Greenpeace France a décidé de procéder à un nouveau calcul du bilan carbone de TotalEnergies car cette dernière donne peu de détails sur la méthode de calcul de ses émissions, dont le reporting annuel est vague et peu transparent. De plus, TotalEnergies communique des chiffres bien inférieurs à ceux d’autres majors comme la compagnie anglo-néerlandaise Shell. À titre de comparaison, alors que les volumes de production d’énergies fossiles et de vente de produits pétroliers de Shell étaient respectivement 1,2 et 1,6 fois plus élevées que ceux de TotalEnergies en 2019, Shell annonçait alors des émissions de 1 milliard 667 millions de tonnes de CO2e, donc près de quatre fois celles de TotalEnergies en part patrimoniale.
Pour refaire ce calcul, Greenpeace France a travaillé avec le bureau de conseil Factor-X, spécialisé notamment dans le calcul des émissions carbone des entreprises. L’organisation a considéré que l’impact climatique de TotalEnergies est celui lié à l’ensemble de ses activités générant des flux physiques de marchandises et produisant du chiffre d’affaires.
Pour convertir les volumes en émissions de GES, notre organisation a utilisé la base de données publiques de facteurs d’émissions de l’ADEME, la Base Carbone.
Nous avons reconstitué les chaînes de valeurs du pétrole, du gaz, de la chimie et de la production d’électricité, en chiffrant chaque étape avec les informations provenant des publications de TotalEnergies ou, à défaut, d’hypothèses référencées. Nous utilisons les données fournies par TotalEnergies dans ses différents documents publics (essentiellement DEU — documents d’enregistrement universel — et Factbook). Quelques données ont été affinées via des échanges avec le service Investisseurs du groupe, notamment pour des questions de clarification de leur reporting.