Dans un rapport publié aujourd’hui, Greenpeace France alerte sur les coûts et les délais fantaisistes annoncés par EDF pour la construction de ses six réacteurs EPR2, un projet qui risque de peser lourd sur les contribuables.
Le géant français de l’énergie ne prend pas en compte le retour d’expérience de la filière EPR en France et dans le monde. Même avec une hausse potentielle de la facture de +30 % annoncée par Les Échos le 4 mars dernier, les chiffres sont loin d’une projection crédible.
Des coûts de construction et de financement qui dépasseront les 100 milliards d’euros
À l’évidence, les retours d’expérience de la filière EPR montrent une sous-estimation systématique des coûts et des durées de construction. Les chiffres du rapport que Greenpeace publie aujourd’hui, intitulé Coût du “nouveau nucléaire” : l’insoutenable légèreté d’EDF, suggèrent une facture supérieure à 100 milliards d’euros pour les six EPR2 en projet, soit près de 50 % de plus que la dernière estimation d’EDF (67,4 Mds€2020) qui n’intègre ni les frais financiers ni les effets de l’inflation. Cela s’explique, d’une part, par des ordres de grandeur (coûts et délais) plus proches de l’expérience de mise en construction des EPR et, d’autre part, par la prise en compte des frais financiers, qui ne sont pas comptabilisés dans les estimations d’EDF.
« Au regard des dernières informations publiées, notamment sur la hausse des coûts du programme et sur le retard dans la conception des plans de l’EPR2, EDF reproduit ses mauvaises habitudes : avancer des estimations de coûts et des échéances déconnectées de la réalité », déclare Pauline Boyer, chargée de campagne Nucléaire à Greenpeace France.
Un « effet de série noire »
Alors que la durée moyenne de construction des trois réacteurs EPR déjà en fonctionnement dans le monde et de celui de Flamanville (qui ne l’est pas encore) est de 156 mois, EDF prévoit des délais de 105 mois pour la première tranche des EPR2 et de 90 mois pour le dernier réacteur, misant sur des « effets de série ». Pourtant, le retour d’expérience de la filière EPR illustre plutôt un « effet de série noire » sur les retards de chantier.
Une rentabilité illusoire
La question du coût estimé de l’électricité produite par les EPR2 est centrale : elle affectera directement les finances publiques et les consommateurs, qui verront tôt ou tard grimper leur facture d’électricité. Le rapport de Greenpeace estime ainsi un coût courant économique compris entre 135 €/MWh et 176 €/MWh. Avec une référence actuelle de 70 €/MWh, la rentabilité du projet « nouveau nucléaire » est totalement compromise.
Ces projections ridiculement sous-estimées ont pourtant été validées par les cabinets d’audit NucAdvisor et Accuracy. Pour Greenpeace, la sélection de ces cabinets est contestable : ils présentent un certain passif en matière de validation de projections financières erronées concernant des projets nucléaires.
Greenpeace France demande au gouvernement de renoncer à son très coûteux fantasme de « nouveau nucléaire ».
« Face à la gravité de l’urgence climatique qui enjoint à une action rapide et efficace, l’insoutenable légèreté d’EDF et du gouvernement à relancer une énergie trop lente à déployer, dangereuse, hors de prix et productrice de déchets ingérables doit être dénoncée. Cette inconséquence nous conduit droit à l’échec annoncé de la transition énergétique à la française », conclut Pauline Boyer.