[Rapport] Les influenceurs voyage et les publicités du secteur aérien à contre-courant de l’urgence climatique !
“Des influenceurs sous influence du secteur aérien”, c’est ce que révèle ce nouveau rapport de Greenpeace France intitulé “En mode avion” : L’emprise de la publicité et des influenceurs sur nos imaginaires du voyage”.
Commandé à deux chercheuses en sociologie du laboratoire Sophiapol de l’Université de Nanterre, Saskia Cousin et Garance Bazin, ce rapport analyse la façon dont l’avion a envahi nos imaginaires de voyage.
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En croisant d’un côté des affichages publicitaires et de l’autre des publications Instagram, créant ainsi un double corpus inédit [1], ce rapport donne à voir que les publications des influenceurs voyage ressemblent à s’y méprendre aux publicités du secteur aérien, cherchant ainsi à nous convaincre qu’un “vrai” voyage doit nécessairement se faire en avion.
Tout comme les publicités, les influenceurs nous incitent ainsi à partir :
– Loin : et idéalement dans un paysage perçu comme paradisiaque, convoquant une plage de sable fin bordée de cocotiers et une mer turquoise. La montagne, la campagne et plus largement les destinations locales sont invisibilisées, alors même que l’immense majorité de la population française qui part en vacances se rend souvent dans l’Hexagone, chez des proches, au camping ou en itinérance.
– Souvent : en présentant l’avion comme étant l’unique moyen de collectionner les destinations et d’échapper à un quotidien déprimant. “Ne passez jamais vos week-ends au même endroit”, intimait ainsi une publicité d’une grande compagnie low-cost. Les influenceurs voyage semblent appliquer ce conseil à la lettre, en privilégiant la quantité à la qualité des voyages.
– De manière décomplexée : comme dans les publicités aériennes, la majorité des influenceurs voyage ne perçoivent pas de contradictions entre un usage immodéré de l’avion et leurs préoccupations environnementales, qui semblent pourtant sincères.
Pour Alexis Chailloux, chargé de campagne voyage durable chez Greenpeace France :
“Les publicités aériennes et les influenceurs voyage contribuent directement à un imaginaire qui valorise l’hypermobilité aérienne ; c’est l’une des conclusions de ce rapport. Pourtant, les influenceurs ont un pouvoir formidable pour faire évoluer les modes de vie, grâce à la relation de confiance qu’ils et elles tissent avec leurs abonné·es. Certains d’entre eux agissent déjà en ce sens et c’est une très bonne nouvelle ! Puisse ce rapport contribuer à une prise de conscience généralisée dans le milieu, et inciter de plus en plus de personnes à moins voyager en avion.”
Engager une action politique efficace pour réinventer les imaginaires du voyage et réduire les vols de loisirs
Cette incitation à l’hypermobilité aérienne déborde la seule question des influenceurs voyage et exige une réponse politique à la hauteur de l’enjeu.
Selon l’ADEME, l’aérien représente 41% de l’empreinte carbone du secteur touristique [2], et la diminution du trafic est le levier le plus efficace pour le décarboner dans les années à venir [3].
“La question du prix des billets d’avion est primordiale. Comment inciter la population française à adopter des modes de vie bas-carbone quand elle est matraquée de publicités l’incitant à prendre très régulièrement l’avion à des prix ultra concurrentiels ? Il est urgent que le gouvernement revoie sa copie, notamment en faisant en sorte que les billets de train soient enfin moins chers que ceux d’avion”, reprend Alexis Chailloux.
Greenpeace demande ainsi au gouvernement français de mettre en place des mesures concrètes permettant de diminuer drastiquement le trafic aérien et de favoriser l’émergence de nouveaux imaginaires de voyage compatibles avec l’urgence climatique :
– Une «loi Evin climat» interdisant toute publicité et partenariat sponsorisé pour les activités les plus émettrices de gaz à effet de serre, notamment le transport aérien [4].
– La fin des avantages fiscaux dont bénéficie le secteur aérien [5] (exemption de taxe sur le kérosène et de TVA sur les billets d’avion internationaux…) et le report de ces ressources dans le ferroviaire.
– Un billet Interrail offert à tous les jeunes d’une tranche d’âge afin de démocratiser le voyage en train et d’encourager les échanges interculturels.
En fin de rapport, des recommandations sont également formulées à l’attention des influenceuses et influenceurs qui aimeraient contribuer à construire de nouveaux imaginaires de voyage.
La France doit obtenir des résultats rapides et ambitieux sur la réduction du trafic aérien et le développement des alternatives bas-carbone, compatibles avec une trajectoire de réchauffement climatique limitée à +1,5°C maximum.
Notes aux rédactions
[1] Le corpus est composé d’affichages publicitaires des principales compagnies aériennes (françaises et internationales) et d’aéroports français parus entre janvier 2020 et mai 2023, ainsi que des publications Instagram de 36 influenceurs et influenceuses voyage parmi les plus populaires sur Instagram (100 000 abonné·es en moyenne). Tous les comptes ont été anonymisés, excepté ceux montrés en exemple et pour lesquels Greenpeace a reçu l’accord des propriétaires.
[2] Bilan des émissions de gaz à effet de serre du secteur du tourisme, ADEME (2021).
[3] Transport aérien : 3 scénarios pour une transition écologique, ADEME (2022).
[4] Publicité : pour une loi Evin climat, Greenpeace France (2020).
[5] Rapport du Réseau Action Climat sur les aides injustes au secteur aérien.
Eléonore Thélot | +33 (0) 7 72 50 56 36 | eleonore.thelot@greenpeace.org