Justice : 3 ONG requièrent la prise en compte de la centrale nucléaire dans le Plan de prévention des risques littoraux
Greenpeace France, le Réseau “sortir du nucléaire” et France nature environnement Hauts de France demandent aux Préfets du Nord et du Pas-de-Calais d’abroger le plan de prévention des risques littoraux (PPRL) de Gravelines, Grand-Fort-Philippe et Oye-Plage (59). Les associations dénoncent l’obsolescence des données scientifiques sur lesquelles s’appuie le PPRL et l’absence de prise en compte de la centrale nucléaire de Gravelines dans celui-ci, alors qu’elle se situe dans son périmètre.
Alors que Greenpeace France mène depuis plusieurs mois des actions de terrain et mobilise son expertise pour alerter la population sur les risques de submersion marine et d’inondation terrestre de la centrale nucléaire de Gravelines, Greenpeace France, le RSDN et FNE, initient un recours pour demander l’abrogation du plan de prévention des risques littoraux (PPRL) faute de prise en compte de la centrale nucléaire de Gravelines (CNPE) dans ce plan.
Une responsabilité incombant à l’État
Le PPRL de Gravelines fait partie des plans de prévention des risques naturels (PPRN)[1]. Il a pour but de cartographier les aléas d’une zone et de prescrire des mesures de prévention, de protection et de sauvegarde pour éviter d’aggraver ou de créer de nouveaux risques ou vulnérabilités pour le territoire, sa population et l’environnement.
Les préfets du Nord (Gravelines et Grand-Fort-Philippe) et du Pas-de-Calais (Oye-Plage), responsables de la prescription et de l’approbation du PPRL, ont validé un plan qui n’a pas pris en compte la centrale nucléaire, pourtant implantée au cœur du périmètre du PPRL Gravelines – Oye-Plage. Ce plan, qui a été soumis à la population (dans une enquête publique en 2016), ne permettait donc pas aux habitant·es de prendre connaissance du risque auquel est exposée la centrale ni de celui qu’elle génère. Il mentionne spécifiquement que « La centrale de Gravelines n’est pas concernée par l’aléa de submersion marine » (page 54), alors que ce périmètre est identifié comme un secteur particulièrement vulnérable au risque de submersion marine[2].
Des ouvrages de protection faillibles
Au regard de l’importance des risques littoraux, aggravés par le dérèglement climatique, et du risque nucléaire intrinsèque à la centrale, les organisations s’étonnent de cette exclusion alors qu’il est avéré que la centrale de Gravelines est bien concernée par l’aléa de submersion marine. La documentation d’EDF relève que le risque de submersion marine est « identifié depuis la construction ». La mise en place par EDF de barrières de protection autour de la centrale en témoigne directement.
Pour Maître Clément Capdebos, avocat des organisations requérantes:
« Aucune disposition législative ou réglementaire n’exclut, par principe, les centrales nucléaires et leurs terrains d’implantation du périmètre des plans de prévention des risques littoraux (PPRL). Il est donc attendu de l’État, chargé de l’élaboration du PPRL, qu’il réalise une analyse exhaustive et concrète du risque auquel est soumis le territoire, sans exclure la centrale. Cet examen doit prendre en considération le fait qu’aucun ouvrage de protection ne peut être considéré comme infaillible. Celui entourant la centrale actuelle ne peut donc justifier son absence de prise en compte dans le PPRL. Par ailleurs, l’obsolescence des données climatiques mobilisées interroge quant à la capacité du PPRL à garantir la sécurité des habitants de la zone couverte et de la centrale. Il doit donc être abrogé et remplacé par un PPRL respectant le cadre juridique applicable. »
Rétablir la voix des scientifiques
Les trois organisations dénoncent également l’obsolescence des données scientifiques prises en compte pour déterminer l’aléa de submersion marine à échéance 100 ans. Avec le projet d’EDF actuellement en discussion pour la construction de deux réacteurs nucléaires supplémentaires sur la centrale de Gravelines, la question de l’impact de la centrale dans le PPRL se poserait encore jusqu’à au moins 2120.
Pour Pauline Boyer, chargée de campagne Transition énergétique à Greenpeace France :
« Depuis que nous travaillons sur le dossier des risques climatiques concernant la centrale nucléaire de Gravelines, nous constatons que les plans des autorités ou les dossiers d’EDF courent derrière l’évolution constante du dérèglement climatique. Ils échouent perpétuellement à être à jour. Ce PPRL[3] a même été approuvé par l’État avec des données scientifiques déjà dépassées au moment de son adoption, ce plan ne s’appuyant même pas sur le dernier rapport du GIEC publié à l’époque. Ce PPRL illustre à quel point l’État sous-estime le risque climatique et l’impact qu’il peut avoir sur la population habitant ce littoral, et sur l’environnement. »
Pour Nicolas Fournier, membre de France Nature Environnement Hauts de France :
« Quand, à l’époque de la concertation sur le PPRL Gravelines – Grand-Fort-Philippe, nous nous étions penchés sur ces plans de prévention, nous nous étions déjà étonnés que le périmètre du CNPE soit complètement évincé de l’étude, comme s’il s’agissait d’une zone exorbitante du droit commun ! »
Pour Marion Rivet, porte-parole du Réseau “sortir du nucléaire” :
« L’exclusion du site nucléaire de Gravelines du périmètre du PPRL montre une nouvelle fois que l’État entend avancer dans son projet mortifère de nouveaux réacteurs nucléaires en dépit des lois de la nature et au détriment de la protection de la société civile. Le réchauffement climatique et la montée des eaux qu’il induit devraient nous enjoindre à changer drastiquement de modèle de production et de consommation. Mais plutôt que de s’adapter, l’État français préfère entériner un régime d’exception pour le nucléaire. Stop à cette course en avant démesurée ! »
Alors que le débat public pour le projet de construction de deux nouveaux réacteurs nucléaires à Gravelines est en cours, Greenpeace France, le RSDN et FNE s’inquiètent de l’invisibilisation de la centrale dans un plan d’utilité publique alors même qu’elle est soumise au risque de submersion marine. Cette absence de prise en compte de la centrale nucléaire et des données climatiques récentes justifie que ces organisations demandent explicitement l’abrogation ou, a minima, la révision du PPRL.
[1] défini par l’article L. 562-1 du code de l’environnement, il permet de délimiter les zones exposées au risque et d’y interdire la construction ou de prescrire des conditions de réalisation de celle-ci. Il délimite également les zones exposées aux risques où les constructions pourraient aggraver les risques déjà existants ou en provoquer de nouveaux pour y prévoir les mesures d’interdiction ou de prescriptions. Enfin, il définit les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde devant être prises dans ces zones.
[2] la centrale se situe dans un « territoire à risque important d’inondation » (TRI), au sens de la directive 2007/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 relative à l’évaluation et à la gestion des risques d’inondation.
[3] par arrêté inter-préfectoral le 11 octobre 2017