Aujourd’hui à Bruxelles, les député·es européens délibèrent sur la mise en place d’une procédure d’urgence en vue d’examiner la proposition de la Commission européenne de supprimer un grand nombre des exigences environnementales de la politique agricole commune (PAC). Greenpeace appelle les député·es à ne pas faire un cadeau empoisonné aux agriculteurs et agricultrices et à refuser cette procédure d’urgence qui n’est en rien justifiée et qui ne ferait qu’aggraver la crise climatique et la perte de biodiversité.
Des militants et militantes de Greenpeace ont installé une pomme géante devant le Parlement européen à Bruxelles, pour illustrer ce cadeau empoisonné.
Crédits photo : Camille Delbos/Greenpeace Plus de photos ici.
Suzanne Dalle, chargée de campagne Agriculture à Greenpeace France, déclare : « Les agriculteurs et agricultrices sont en colère à juste titre. Mais supprimer les dernières protections environnementales serait leur faire un cadeau empoisonné qui les condamnerait à subir encore plus fortement l’impact des sécheresses, des inondations, du gel et de la grêle, sans rien faire pour remédier à leur situation économique fragile ».
En réponse à la mobilisation des agriculteurs et agricultrices en France et dans plusieurs pays européens, la Commission européenne a proposé de supprimer de nombreuses exigences environnementales de la politique agricole commune de l’Union européenne (connues sous le nom de “bonnes conditions agricoles et environnementales” – BCAE). À l’exception de l’Allemagne, les ministres de l’Agriculture des États membres, dont Marc Fesneau, ont déjà indiqué soutenir cette proposition [1]. Pour rappel, la PAC est le premier poste de dépense du budget européen en 2023 (53,7 milliards d’euros) et la France en est le premier pays bénéficiaire (plus de 9 milliards d’euros d’aides agricoles) [2].
Une procédure d’urgence sans fondement
Greenpeace dénonce une tentative illégale et antidémocratique d’adopter une réforme majeure de la politique agricole commune (PAC). Celle-ci est faussement présentée comme un processus de “simplification” limité, qui maintient un niveau élevé d’ambition en matière d’environnement et de climat. En réalité, cette réforme modifierait radicalement deux règlements de l’UE en supprimant la base environnementale de la PAC.
« L’absence d’évaluation d’impact préalable à cette réforme met sérieusement en péril la légitimité du processus décisionnel de l’UE en le privant de ses fondements factuels et scientifiques, explique Suzanne Dalle. Aucune preuve ni aucun argument valable n’est fourni pour justifier le fait que la suppression immédiate des exigences environnementales de base de la PAC permettrait de répondre aux demandes des agriculteurs. La seule urgence pour les eurodéputé·es est celle des élections européennes qui pourrait les amener à renier ce qu’ils ont voté quelques mois auparavant. »
Le processus adopté pour cette proposition évite les débats et les votes au sein des commissions du Parlement, en la soumettant immédiatement au vote lors de la dernière session plénière avant les élections de juin.
Une proposition à contre-courant des enjeux climatiques
Cette proposition de la Commission européenne met sérieusement en péril l’engagement de l’UE à consacrer au moins 30 % de son budget à la lutte contre la crise climatique, ainsi que son ambition de consacrer 10 % du budget à la biodiversité. De plus, elle est en opposition avec l’objectif de neutralité climatique de l’UE pour 2030, faisant fi des preuves scientifiques les plus récentes soulignant que la transition vers une agriculture durable devrait être une priorité pour l’UE en matière de lutte contre le changement climatique [3].
Suzanne Dalle poursuit : « Non seulement la Commission renforce l’idée fausse selon laquelle agriculture et environnement sont incompatibles, alors que les faits montrent clairement qu’ils dépendent l’un de l’autre, mais elle n’apporte aucune réponse économique réelle aux agriculteurs car elle ne s’attaque pas aux problèmes structurels socio-économiques qui affectent leurs revenus et leurs moyens de subsistance. »
Si le Parlement vote en faveur d’une procédure accélérée pour la proposition visant à assouplir les exigences environnementales pour les agriculteurs, l’ensemble du Parlement se prononcera sur le contenu de la proposition de la Commission lors de sa dernière session plénière, du 22 au 25 avril.
Notes aux rédactions :
[1] Voir article de Contexte du 27 mars 2024 : “UE – Réouverture de la PAC : la proposition de la Commission devrait être adoptée sans changement majeur”
[2] Source : site du ministère de l’Agriculture.
[3] AEE (2024), Rapport sur l’évaluation européenne des risques climatiques ; Conseil consultatif scientifique européen sur le changement climatique (2024), Rapport d’évaluation.