Aujourd’hui, le 11 septembre 2023, le tribunal judiciaire de Rennes vient de condamner l’entreprise rennaise ISB FRANCE, leader français des importations de bois, pour délit de mise sur le marché illégale de bois importé à 100 000 euros d’amende et à la publication du jugement sur le site de l’organisme professionnel Le Commerce du Bois et dans le journal Ouest France. La société a également été condamnée à verser 10 000 euros à Greenpeace France au titre de son préjudice moral ainsi que 5 000 euros aux associations France Nature Environnement et Canopée.
Cette condamnation emboîte le pas à une première condamnation le 6 septembre dernier d’une entreprise de l’Indre, Pierre ROBERT, pour violation du règlement visant à lutter contre le bois illégal concernant également des importations de bois précieux Ipé depuis l’Etat du Pará au Brésil.
Elle fait suite à un travail de recherches de Greenpeace Brésil aux côtés de l’Ibama et de l’université de Sao Paulo qui a mis en évidence des falsifications dans les documents officiels des concessions forestières. Ces fausses déclarations sont ensuite utilisées pour blanchir du bois illégal, une pratique très documentée dans cette région du Brésil. Après un dépôt de plainte en novembre 2019 par Greenpeace France, rejointe par les associations France Nature Environnement et Canopée, contre ISB FRANCE, les enquêteurs de la police judiciaire de Rennes et de l’Office français de la biodiversité (OFB) ont constaté au cours de leur enquête préliminaire la négligence d’ISB FRANCE lors de plusieurs importations depuis cette région au Brésil.
A l’audience du 19 juin dernier, le Procureur de la République avait relevé les déclarations déconcertantes de cette entreprise qui occupe pourtant une place historique dans le marché du bois importé. Il a rappelé que le système de diligence raisonnée du règlement n’est pas un “empilement d’obligations théoriques avec une coloration corporate” et où l’entreprise se contenterait de “vérifications télégraphiques” des risques.
Le tribunal correctionnel ne s’est pas laissé duper par les certifications (FSC), audits privés (FCBA, Le Commerce du Bois) et autres expertises (WALE) brandies par ISB FRANCE et a fait application de la loi pénale. Les contrôles des services de la Préfecture (DREAL) et l’avis du Ministère de l’agriculture, incohérents et complaisants qui concluent à la conformité de l’entreprise à la réglementation, n’ont pas non plus trompé la juridiction.
Les associations Greenpeace France, France Nature Environnement et Canopée estiment que “dans ces deux affaires sur le bois illégal, les juridictions ont été témoins de la “déconnexion” des importateurs avec les risques environnementaux de leurs propres produits. À plusieurs reprises, aussi bien ISB FRANCE que Pierre ROBERT, ces sociétés ont affirmé ne pas être exploitants forestiers. Cette absence de conscience environnementale témoigne d’un degré de négligence particulièrement grave”.
Selon Laura Monnier, responsable juridique chez Greenpeace France, “cette condamnation de la société ISB France leader de l’importation du bois, n’est que la partie émergée de l’iceberg, compte tenu du peu de crédit accordé à la réglementation européenne par la société ISB FRANCE qui importe pourtant plus de 450 000 m3 de bois principalement de Russie et de Chine. Elle n’a été rendue possible que grâce au travail de recherches au Brésil et au travail d’enquête de la police judiciaire de Rennes et de l’Office français de la biodiversité (OFB). La qualité de la justice environnementale dépend des moyens et de la sensibilisation de ces services qui doivent être constamment renforcés pour être à la hauteur de ces enjeux environnementaux grandissants.”
Cette condamnation s’inscrit aussi dans un contexte historique, après l’entrée en vigueur du règlement déforestation en juin 2023 qui absorbera le règlement sur le bois et couvrira également d’autres produits importés à risques environnementaux tels que le caoutchouc, le café, le cacao, le soja et l’huile de palme. Compte tenu de l’échec de l’application du règlement bois par la France du fait du manque d’indépendance et de moyens des autorités en charge des contrôles sur les importateurs, la future organisation de l’application du règlement déforestation sera dans les radars de la société civile et des instances européennes.