Paris, le 27 novembre 2010 – La réunion de l’Iccat à Paris vient de se terminer et le quota de pêche au thon rouge pour l’année prochaine est de 12 900 tonnes. Un résultat déplorable dans la mesure où ce chiffre ne laisse qu’environ 30 % de chance au stock de se reconstituer d’ici à 2020, alors que la communauté internationale s’est engagée à ce que tous les stocks de poissons soient exploités de façon durable à cette date, lors de la Convention internationale sur la biodiversité de Nagoya.
« C’est un signal extrêmement négatif que l’Iccat vient d’envoyer : pour les beaux discours, tout le monde est là. Mais concrètement, personne ne veut rien faire. Une nouvelle fois, les délégations ne se sont pas préoccupées d’assurer la sauvegarde d’une espèce emblématique et menacée, explique François Chartier, chargé de campagne Océans pour Greenpeace. En adoptant un quota de pêche pour 2011 pratiquement égal à celui de cette année, l’Iccat démontre que seul prime l’intérêt économique à court terme de la pêche industrielle. Ce cas très concret du thon rouge montre que les engagements internationaux, tels celui de Nagoya ou la directive européenne sur la stratégie marine, ne sont pas appliqués. »
Camouflet pour Bruno Le Maire et les pêcheurs français
Depuis le début des négociations, la France, par la voix de son ministre de l’Agriculture et de la Pêche, Bruno Le Maire, a défendu une position maximaliste sur le quota global de pêche au thon rouge. Elle a entraîné avec elle toute l’Union européenne. La France espérait ainsi se voir accorder un délai pour le paiement de sa dette : 1 500 tonnes de poisson à retirer de son quota en 2011 et 2012. Ce remboursement fait suite au dépassement de quota de plus de 100 % dont se sont rendus coupables les thoniers français en 2007.
Cette demande française a été rejetée. Cela signifie que sur les 2 500 tonnes de quota français pour 2011, les thoniers ne seront autorisés à pêcher « qu’environ » 1 000 tonnes de poisson. Greenpeace estime que ces 1 000 tonnes devraient être allouées en priorité aux pêcheurs artisanaux, et non aux thoniers senneurs, la pêche industrielle étant seule responsable des dépassements de quotas en 2007.
« À cause de cette stratégie perdante dans laquelle s’est enfermé Bruno Le Maire, non seulement la France trahit l’engagement pris à Nagoya, et ne laisse ainsi qu’une très faible probabilité au stock de se reconstituer d’ici à 2020. Mais en plus les pêcheurs ne sont pas satisfaits !, explique François Chartier. Si la France avait dès le départ défendue une baisse du quota et une fermeture de la pêche à la senne, tous les pays pêcheurs aurait été dans la même situation, la ressource aurait été préservée et un conflit avec la Commission européenne évité. Aujourd’hui les pêcheurs français sont les seuls à rester à quai et l’espèce est toujours en mauvaise posture. »
Des négociations où l’espèce n’a jamais été prise en compte
Les négociations sur la pêche au thon rouge se sont réduites à des discussions de marchands de tapis autour de chiffres et de calculs de probabilité. Il n’a jamais été question de protection d’une espèce. Pire encore : cette réunion a montré que cette pêcherie est toujours hors contrôle, des milliers de tonnes de poissons restants invendues… Le Japon qui s’était engagé à prendre en main la situation, n’a pas tenu ses engagements à la suite de la Cites.
« La France et l’Union européenne, qui détient la majorité du quota de pêche mondial, toutes deux en faveur du statu quo, sont les principaux responsables de cette décision sur un quota élevé, ajoute François Chartier. Durant les neuf jours de négociations, jamais il n’a été question de la sauvegarde d’une espèce emblématique et menacée. L’Iccat continue de jouer à la roulette russe avec le thon rouge. »