Depuis lundi et pour trois semaines, l’avenir de l’exploitation minière des océans se discute au sein du conseil de l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM) à Kingston, en Jamaïque.
La France s’y est exprimée cette nuit, par la voix de son ambassadeur Olivier Guyonvarch. Suite aux déclarations d’Emmanuel Macron en marge de la récente conférence des Nations unies sur les océans à Lisbonne, dans lesquelles il se prononçait en faveur d’un cadre légal international qui pourrait empêcher l’exploitation minière des océans, Greenpeace France attendait une prise de position forte et sans ambiguïté pour défendre un moratoire sur l’exploitation des abysses. Ce dernier est déjà soutenu par l’Etat de Palau, les Fidji, la communauté scientifique, les ONG et un nombre croissant de parlementaires à travers le monde.
Malheureusement, et sans surprise, l’ambassadeur français n’a fait aucune mention de ce moratoire. La France a surtout annoncé vouloir gagner du temps dans les négociations qui pourraient conduire à l’adoption d’un code minier, et son attachement à ce que ce cadre inclue des garanties fortes de protection des écosystèmes marins.
En soutenant l’adoption de ce code minier, aussi exigeant soit-il, la France se livre à un jeu d’équilibriste très dangereux : ce dernier ouvrirait de fait la voie à l’exploitation minière des océans. Refuser de soutenir le moratoire, c’est se priver de garde-fou dans le cas où le code ne serait pas adopté d’ici juillet 2023 (1), date butoir qui permettrait à l’AIFM de délivrer des licences d’exploitations quand bien même le cadre légal serait inexistant.
“ Le seul outil permettant de protéger les abysses est bien le moratoire sur l’exploitation minière des océans. La France fait un pari très risqué en refusant de s’y rallier, s’inquiète Hélène Bourges, responsable de la campagne Océans chez Greenpeace France. La date butoir de juillet 2023 pour parvenir à un accord ne nous laisse que très peu de temps et rien ne garantit que le dialogue multilatéral puisse aboutir à l’adoption d’un cadre légal strict intégrant des dispositions environnementales qui empêche de facto l’exploitation minière des océans. Le système de gouvernance de l’AIFM, dont les financements dépendent de l’allocation de licences d’exploration et des futurs profits qui seront réalisés par les entreprises exploitantes, laisse penser exactement le contraire.”
(1) L’Etat micronésien de Nauru a actionné en 2021 la “règle des deux ans” obligeant l’AIFM à se prononcer sur un code minier des abysses, faute de quoi l’exploitation sera rendue possible par défaut et sans réglementation.