Lors du sommet UE-Ukraine qui se tiendra le 3 février à Kiev, un accord entre l’Union européenne et l’Ukraine portant sur un partenariat stratégique sur les énergies renouvelables doit être annoncé. Selon une copie du projet du partenariat qui a fait l’objet d’une fuite, la France et la Hongrie déploient tous leurs efforts en sous-main pour en modifier le contenu. Leur objectif : inclure l’énergie nucléaire dans cet accord censé porter sur le développement des énergies renouvelables en Ukraine.
« Le travail crucial de l’Union européenne et du gouvernement ukrainien pour développer les futures énergies renouvelables en Ukraine pendant le processus de reconstruction est directement menacé par le lobbying des entreprises nucléaires françaises et hongroises, qui cyniquement continuent leur commerce avec la Russie. En parallèle, la France et la Hongrie bloquent l’imposition des sanctions de l’UE à l’encontre de Rosatom – y compris le prochain paquet de sanctions attendu en février », indique Denys Tsutsaiev, chargé de campagne « Verdir l’Ukraine » pour la reconstruction de l’Ukraine à Greenpeace CEE (Europe centrale et de l’est).
Le business avant la paix
En 2022, la France et la Hongrie ont réussi à bloquer tous les efforts visant à imposer des sanctions de l’Union européenne à l’encontre de l’entreprise nucléaire russe Rosatom, malgré le rôle central de cette entreprise dans la saisie et l’occupation violentes de la centrale nucléaire de Zaporijia en Ukraine et dans le contournement d’autres sanctions afin d’aider l’effort de guerre russe.
Le commerce nucléaire est toujours florissant entre la France et la Russie et a même augmenté depuis le début de la guerre en Ukraine en ce qui concerne l’importation d’uranium enrichi. Cette coopération entre la France et Rosatom comprend la livraison de technologie française pour les nouveaux réacteurs fournis par la Russie à Paks en Hongrie.
Les gouvernements et les industries nucléaires française et hongroise entretiennent des relations étroites avec la société Rosatom depuis des dizaines d’années. Ils sont impliqués dans des projets qui vont accroître le commerce nucléaire et l’interdépendance entre la France, la Hongrie et la Russie pour les prochaines décennies.
Des centaines de millions d’euros en jeu
Un exemple marquant est le contrat de 2019 et 2021 entre EDF-Framatome et Rosatom pour les deux nouveaux réacteurs nucléaires prévus à Paks en Hongrie. Dans le cadre d’un contrat entre Framatome et une filiale de Rosatom State Corporation (RASU JSC), la Russie versera à la France quelques centaines de millions d’euros a minima pour la fourniture de technologies d’instrumentation et de contrôle pour les réacteurs de Paks qui doivent être fournis et construits par Rosatom. Les détails financiers du contrat ne sont pas publics. Cependant, la technologie fournie par Framatome aurait coûté 250 millions de dollars US par réacteur en 2011.
« Il est scandaleux que Framatome, une entreprise publique française, puisse recevoir des centaines de millions d’euros de la Russie pour son activité nucléaire avec Rosatom, alors que cette même entreprise menace la sûreté et la sécurité des réacteurs de Zaporijia. Le nucléaire ne doit pas bénéficier de passe-droit et Rosatom doit être incluse sans tarder dans la liste des sanctions de l’Union européenne. », selon Pauline Boyer, chargée de campagne nucléaire à Greenpeace France.
Greenpeace France demande l’arrêt définitif de tout commerce nucléaire avec la Russie et exige de la France qu’elle soutienne l’inclusion de Rosatom et de ses filiales à la liste des sanctions européennes.