Rorquals et cachalots

Océans

Vendredi 8 août.
Hier, pour la première fois, nous avons pu prendre des images d’une baleine, un rorqual commun. Sitôt le cétacé vu de la passerelle de l’Arctic Sunrise par nos équipes d’observateurs, nous avons lancé à l’eau un zodiac. L’enthousiasme était à la hauteur de cette rencontre…
Depuis le début de notre mission, il y a maintenant une semaine, plusieurs baleines ont été vues quotidiennement depuis la passerelle du navire, mais jamais d’aussi près. Nous avons également croisé presque tous les jours, des dauphins, souvent en groupes. Hier, pour la première fois, à deux reprises, nous avons également aperçu un cachalot ainsi que des tortues de mer d’environ 1 m de diamètre. Les cachalots sont facilement reconnaissables, puisqu’en sondant ils sortent leur nageoire caudale.

Le travail de surveillance du trafic maritime montre quant à lui que l’activité en cette pleine saison touristique de transport de navires de passagers est réellement intense. Ce type de navire représente pour ainsi dire la moitié des navires identifiés, les autres étant essentiellement des cargos. En outre, nous avons identifié des NGV – navires à grande vitesse, naviguant à plus de 38 nœuds. C’est une vitesse extrêmement rapide, un peu moins de 70 Km /h ! A titre de comparaison, les cargos les plus rapides vont autour de 25 nœuds et l’Arctic Sunrise à 8 nœuds… Il est indispensable de limiter la vitesse des navires dans le sanctuaire, l’impact sur les cétacés est d’autant plus important que la vitesse est grande. Celle-ci augmente fortement les risques de collisions mortelles pour les baleines.

Les baleines doivent beaucoup plus souvent sonder pour éviter les
collisions, ce qui les gène dans leur activité de recherche de nourriture ou, d’allaitement. Sur la durée, c’est une menace réelle pour ces cétacés. La limitation de la vitesse est parfaitement admise sur les routes à terre… pourquoi de telles mesures de bon sens ne peuvent-elles pas être mises en place dans une zone qui a été reconnue comme un sanctuaire et qui est sillonnée par des milliers de navires par an ?
Alors que le gouvernement parle de développer des « autoroutes de la mer » et que l’augmentation du trafic maritime lié à l’augmentation du tourisme en Méditerranée, est déjà une réalité, il est urgent d’encadrer de la manière la plus stricte possible la circulation des navires.

D’autres part, l’intensité du trafic maritime à pour conséquence non seulement un risque de pollution, mais également de nombreuses pratiques illégales de dégazages. Démonstration par l’exemple : en début de semaine une nappe d’hydrocarbures, a été repérée par les autorités françaises au large de la côte ouest de la Corse, à proximité de la réserve de Scandola. Hier, le même type de pollution a été repéré cette fois au sud-est de l’île, pas très loin des Bouches de Bonifacio, où nous avions il y a tout juste une semaine mené une action pour justement dénoncer le risque de pollution et demander l’interdiction de passer par le détroit de Bonifacio pour tous les navires transportant des cargaisons dangereuses.

Il faut savoir que 20% du trafic des hydrocarbures et que 17% des pollutions par ces mêmes substances ont lieu en Méditerranée.
Il est indispensable, non seulement aux alentours des zones protégées, ce qui peut sembler une évidence, mais aussi dans l’ensemble du sanctuaire Pelagos, que des mesures extrêmement strictes sont prises et adoptées pour qu’elles soient dissuasives et que les dégazages soient combattus avec la plus grande vigueur. Tant qu’il sera plus « rentable « de vider les eaux de lavage des cuves de pétroliers en mer plutôt que dans les installations prévues à cet effet dans les ports, la situation ne changera pas !

Le problème du trafic maritime doit être intégré dans le plan de management du sanctuaire Pelagos, afin que soit mis en place une gouvernance où la protection des écosystèmes marins et en particulier des cétacés soit prise en compte.

Aujourd’hui, le temps s’est quelque peu dégradé. Une dépression était déjà annoncée pour la nuit de jeudi à vendredi, mais ce matin, le temps était encore comme toute la semaine passée au beau fixe. En revanche cet après-midi le vent s’est levé et la mer se creuse. Nous avons donc du interrompre notre travail de comptage des cétacés. Il faut que la mer soit vraiment calme pour que les données collectées soient fiables et représentatives. En attendant que le temps ne se dégrade vraiment, l’ensemble de l’équipe, à part les observateurs, s’affaire à ses taches quotidiennes.

François Chartier, à bord de l’Arctic Sunrise, en mer de Ligurie.