Scandale des pesticides : les agriculteurs qui veulent renoncer à leur usage doivent être soutenus

Hier soir, France 2 a diffusé une enquête édifiante du magazine Cash Investigation montrant à nouveau les effets désastreux des pesticides sur la santé publique, particulièrement celle des enfants : augmentation des cancers infantiles, anomalies de naissance, troubles hormonaux, autisme…

La France est le 1er pays utilisateur de pesticides en Europe.

Or, dans un contexte de crise agricole, un nombre croissant d’exploitants souhaite abandonner l’usage des pesticides et des engrais chimiques pour passer notamment à l’agriculture biologique, qui leur offre des perspectives économiques.

Mais les aides aux changements de pratiques, et en particulier à la conversion à l’agriculture biologique, sont aujourd’hui insuffisantes pour accompagner tous ceux qui veulent franchir le pas. Les sommes allouées sur la période 2015-2020 pour la conversion par l’Etat et les Régions seront dès cette année insuffisantes. Ainsi certaines enveloppes vont être consommées en 2 ans alors qu’elles étaient prévues pour 5 ans. Par ailleurs, les aides dites de « maintien », qui rémunèrent le service environnemental rendu par les agriculteurs bio pour la dépollution des sols, de l’air et de l’eau, sont dans certains cas menacées de suppression !

La Fédération Nationale de l’Agriculture Biologique (FNAB) et Greenpeace appellent les pouvoirs publics à soutenir prioritairement les solutions alternatives aux pesticides de synthèse et les productrices et les producteurs toujours plus nombreux qui veulent passer à l’agriculture bio. Ils doivent accompagner et amplifier cette dynamique positive pour l’agriculture, la santé publique, l’environnement, qui répond à une très forte attente des citoyens et des consommateurs, sur un marché du bio en croissance de 10% par an.

ARGUMENTAIRE

Une dépendance mortifère aux pesticides

1ère consommatrice de pesticides en Europe, l’agriculture française entretient un rapport de dépendance mortifère aux intrants chimiques de synthèse. Comme le montre le reportage de Cash Investigation, les conséquences sont désastreuses sur la santé publique, particulièrement celle des enfants : multiplication des cancers infantiles, des anomalies de naissance, des troubles hormonaux ou encore l’explosion de l’autisme. Les coûts de traitement de ces pollutions ont d’ores et déjà un coût exorbitant pour la collectivité : 300 à 600 millions d’euros par an pour la seule dépollution des eaux par les engrais azotés[1]!

L’achat de pesticides et d’engrais chimiques pèse également lourd sur la situation économique des exploitations agricoles, placées dans une spirale de dépendance face aux grands groupes qui les produisent. Comme le montre l’organisme des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), qui tire la sonnette d’alarme, l’utilisation massive d’intrants chimiques appauvrit les sols ce qui incite à recourir à des doses toujours plus importantes[2].

Un très mauvais signal donné par le Sénat en ce début d’année sous la pression de l’agro-industrie

L’agro-industrie, à l’instar du regroupement des céréaliers (ORAMA), fait pression pour une libéralisation accrue de l’usage des pesticides et la remise en cause du plan Ecophyto 2, sous prétexte de mettre fin aux « distorsions de concurrence » induites par l’interdiction de produits sur le sol français.

Succombant à ces sirènes, le 22 janvier dernier, le Sénat a retiré du projet de loi sur la biodiversité l’interdiction des néonicotinoïdes, une classe de pesticides dont la dangerosité a été dénoncée à de multiples reprises et notamment par l’Agence Européenne de Sécurité des Aliments.

La bio : une agriculture en pleine croissance et sans pesticides

Les 29 000 exploitations bio françaises font chaque jour la preuve qu’une agriculture sans pesticides et sans engrais chimiques est non seulement possible, mais qu’elle est porteuse de dynamisme économique et de création d’emplois. Le marché des produits bio augmente en France de 10% par an (quels autres secteurs peuvent afficher une telle progression ?) et face à la crise structurelle de l’agriculture dite classique un nombre croissant d’exploitants change de modèle et passe au bio pour préserver leur activité en retrouvant de l’autonomie. Les surfaces agricoles certifiées bio ont augmenté de 100% entre 2007 et 2014, année qui a connu une envolée des entrées en 1ère année de conversion bio (+36%). Sur fond de crise à répétition des prix agricoles, cette dynamique se poursuit et se renforce.

Un soutien insuffisant pour accompagner la transition vers une autre agriculture

Pour sortir de la dépendance aux engrais et aux pesticides chimiques, tous les acteurs doivent se mobiliser. La grande distribution, par exemple, constitue un acteur à part entière pour inciter au changement. Les pouvoirs publics ont également les moyens d’agir.

Il est notamment indispensable de disposer de solutions alternatives aux pesticides de synthèse qui soient accessibles pour tous les agriculteurs, à la fois en termes d’homologation et de coûts. De plus il faut être aidé et accompagné. Un dispositif d’aide d’une durée de cinq ans existe ainsi pour les agriculteurs qui veulent passer au bio.

Malgré les alertes répétées de la FNAB, les sommes allouées sur la période 2015-2020 par l’Etat et les Régions (qui gèrent les aides) sont insuffisantes pour permettre à tous les exploitants qui le souhaitent de passer à l’agriculture bio. Dans certaines régions les aides « conversion » risquent de manquer dès la 2ème année de la programmation ! Par ailleurs, les aides dites de « maintien », qui rémunèrent le service environnemental rendu par les agriculteurs bio pour la dépollution des sols, de l’air et de l’eau, sont dans certains cas menacées de suppression !

La FNAB, soutenue par Greenpeace, demande au plus vite une réunion avec le Ministre de l’agriculture et l’ensemble des nouveaux vice-présidents des régions en charge de l’agriculture pour garantir le soutien financier aux très nombreux agriculteurs qui souhaitent se convertir à la bio. Des moyens doivent également être mis en œuvre pour garantir l’accompagnement technique de ces producteurs et pour favoriser le développement de solutions alternatives aux pesticides de synthèse, avec un plan Ecophyto 2 enfin efficace.

Greenpeace demande de son côté à E. Leclerc et aux autres enseignes de la grande distribution française d’éliminer en priorité les pesticides les plus dangereux dans la production de notre alimentation. Ces acteurs doivent aussi soutenir les agriculteurs qui s’engagent à produire sans pesticides et être transparents vis-à-vis des consommateurs sur ces engagements.

[1] Etudes & documents du Commissariat Général au Développement Durable, n°136, décembre 2015.

[2] Rapport de la FAO sur l’état des sols dans le monde publié le 4 décembre 2015.