[sondage] Les Français·es largement favorables à un changement de modèle économique à contre-courant des annonces gouvernementales
Un sondage [1] réalisé par l’institut BVA pour Greenpeace France démontre qu’une large majorité de Français·es considèrent qu’il faut réformer en profondeur notre système économique pour lutter contre le changement climatique et sont favorables à un changement conséquent de modèle dans les domaines des transports, l’énergie, l’agriculture et l’alimentation.
Alors que le gouvernement tente d’émettre un nouveau chèque en blanc aux entreprises dans le cadre du troisième projet de loi de finances rectificative (PLFR) annoncé en conseil des ministres mercredi [2], les Français·es comptent au contraire sur l’État pour mettre en œuvre ces réformes, notamment en imposant plus de contraintes aux entreprises.
Pour Greenpeace, ce troisième PLFR doit fixer des objectifs contraignants de réduction d’émissions pour les grandes entreprises, assortis de sanctions dissuasives en cas de non-respect, comme l’interdiction de verser des dividendes [3] – une mesure soutenue par 86% des personnes interrogées.
Selon ce sondage, seuls 36% des personnes interrogées considèrent le système économique capitaliste compatible avec la lutte contre le changement climatique. Une majorité souhaite que les ménages les plus aisés contribuent davantage pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (54%), et la transition écologique est jugée pour 77% des Français·es comme une vraie opportunité pour l’emploi.
Une transition radicale est plébiscitée dans tous les secteurs :
– Agriculture : 91% souhaitent développer rapidement une agriculture locale et écologique, et 87% interdire l’entrée sur le territoire français de produits ayant potentiellement contribué à la déforestation dans d’autres pays du monde.
– Alimentation : 91% des Français·es souhaitent rendre l’alimentation bio accessible à tous et 80% veulent que l’argent public dédié à l’agriculture soit alloué en priorité aux agriculteurs bio et/ou déjà engagés dans la transition écologique.
– Énergies : 81% approuvent la réalisation d’investissements conséquents par le gouvernement pour promouvoir les énergies renouvelables quand, à l’opposé, une minorité (36%) considère qu’il faudra construire de nouvelles centrales nucléaires (EPR) ; par ailleurs, 67% pensent que l’argent public ne devrait pas être dépensé pour subventionner des énergies fossiles.
– Mobilité : plus de la moitié des personnes interrogées sont en faveur de la suppression des lignes aériennes intérieures lorsqu’il existe des alternatives en train de moins de six heures (58%), et 65% soutiennent la proposition d’un malus plus important sur les véhicules les plus polluants comme les SUV.
– Commerce : 82% estiment que la France devrait s’opposer à tout accord de libre-échange avec des pays qui ne réduisent pas suffisamment leurs émissions de gaz à effet de serre.
Pour mettre en œuvre ces réformes, les Français·es estiment majoritairement que c’est d’abord à l’État de prendre ses responsabilités (57%), et 76% pensent qu’il doit être contraint par la justice à agir pour respecter les objectifs de l’Accord de Paris.
Enfin, 88% souhaitent que les responsables politiques obligent les entreprises à émettre moins de gaz à effet de serre, et 81% pensent que l’État ne devrait pas accorder d’aides aux entreprises polluantes sans contreparties écologiques contraignantes.
C’est pourtant la direction inverse qu’a pris le gouvernement depuis la crise du COVID-19. En effet, 23 milliards d’euros ont été débloqués en soutien aux secteurs automobile et aéronautique, sans remettre en cause leur modèle de développement. Aucune réduction sérieuse du trafic aérien, aucune limitation du nombre de voitures sur les routes, ni aucune mesure pour soutenir le secteur ferroviaire, une des alternatives indispensables à développer, n’ont été annoncées.
« Cette étude montre que les Français·es sont largement favorables à des changements structurels radicaux pour faire face à l’urgence climatique, bien loin des mesures timorées annoncées depuis le début de la crise. Cette période si singulière est une opportunité incroyable pour les responsables politiques. La puissance publique n’a jamais été autant réclamée par la population. Des appels à des mesures fortes et des changements substantiels se font entendre de partout. C’est le moment de réguler et repositionner l’économie, notamment en imposant des mesures contraignantes aux grandes entreprises », souligne Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France.
Parmi les autres enseignements de ce sondage :
– 72% estiment que les compagnies pétrolières font partie des principaux responsables du changement climatique.
– 73% des Français·es vont maintenir ou accélérer leurs efforts en faveur d’un développement plus durable.
– 58% considèrent qu’il est légitime que les citoyens désobéissent ou enfreignent la loi pour lancer l’alerte sur les menaces pesant sur la planète.
– 61% sont favorables à l’introduction de deux repas végétariens dans les cantines scolaires.
Notes aux rédactions
[1] Le sondage a été effectué par Internet du 27 mai au 1er juin 2020 auprès d’un échantillon représentatif de la population française composé de 1003 répondant·es âgé·es de 18 ans et plus.
La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas appliquée aux variables suivantes : sexe, âge, profession, région, catégorie d’agglomération et nombre de personnes dans le foyer.
L’ensemble des réponses sont disponibles ici
[3] Dans un rapport publié début mai, Greenpeace France a calculé que les 10 entreprises les plus climaticides du CAC 40 sont responsables de l’émission de 3,1 milliards de tonnes d’équivalent CO2 , tout en ayant versé près de 20 milliards d’euros de dividendes à leurs actionnaires.
BNP Paribas, qui a le plus lourd bilan carbone du CAC 40 (du fait notamment d’investissements dans les énergies fossiles), a versé 3,7 milliards d’euros de dividendes à ses actionnaires, tandis que la major pétrolière Total, dont l’empreinte carbone est comparable à celle du territoire national, leur a versé 6,6 milliards d’euros de dividendes.