Dans un nouveau rapport rendu public, Greenpeace tire la sonnette d’alarme pour les forêts boréales russes. L’organisation révèle que des multinationales européennes et américaines sont liées à des entreprises d’exploitation forestière qui développent leurs activités dans l’une des plus vastes forêts primaires de l’oblast d’Arkhangelsk, une région au nord-ouest de la Russie.
Le rapport « Protégeons la Taïga – Comment l’exploitation forestière « durable » détruit les forêts du Grand Nord » démontre que les trois quarts de la future réserve de la forêt de Dvinsky sont occupés par les concessions de trois grandes sociétés d’exploitation forestière.
Greenpeace a également établi la liste des entreprises, parfois très connues, qui s’approvisionnent auprès de scieries liées à ces sociétés d’exploitation forestière, et dont les produits finissent en catalogues, papier toilette, emballages ou charpentes.
Parmi les entreprises citées dans le rapport, on retrouve le géant suédois du papier Arctic Paper, bien connu du monde de l’édition, le finlandais Stora Enso, qui possède notamment une filiale française, ainsi que l’irlandais Smurfit Kappa pour le secteur des emballages et le suédois SCA pour les produits d’hygiène [1].
En France, Greenpeace a déjà interpellé des entreprises du secteur du bois d’aménagement et de construction telles que Protac Ouest ou le Groupe ISB.
Des grands groupes comme Nestlé, PepsiCo ou McDonald’s, sont également mentionnés dans le rapport. Greenpeace leur demande d’exiger une stricte traçabilité des matières premières utilisées dans leurs produits et, le cas échéant, d’exclure de leur chaîne d’approvisionnement les fournisseurs liés à la destruction de la forêt Dvinsky. Cette demande s’adresse également à Auchan, impliqué à travers sa filiale ukrainienne.
Les paysages de forêt boréale qui entourent la région subarctique, également connue sous le nom de forêts du Grand Nord, représentent environ un tiers de la surface forestière qui persiste sur la planète. Pourtant, seulement 2,8 % des forêts du Grand Nord sont officiellement protégées, contre 27 % des forêts tropicales et 11 % des forêts tempérées.
Chaque année, entre 2000 et 2013, environ 2,5 millions d’hectares de paysages forestiers intacts des forêts du Grand Nord, qui vont du Canada à l’Alaska en passant par la Scandinavie et la Russie, ont disparu. Plus de la moitié de cette destruction a lieu en Russie.
Depuis 2013, les négociations politiques autour de la création de la réserve de la forêt de Dvinsky sont entravées notamment par les entreprises possédant des concessions dans la région. Cette zone protégée devrait couvrir près des deux tiers de l’un des plus grands paysages forestiers intacts qui persistent sur la planète, s’étendant sur 835 000 hectares et abritant des habitats essentiels à plusieurs espèces comme le lynx, l’ours brun ou le caribou.[2]
« Depuis 2000, la forêt de Dvinsky a perdu 300 000 hectares de forêts intactes, une surface deux fois plus grande que celle de New York. Les arbres de cette forêt terminent en papier toilette ou en emballages qui sont vendus dans les supermarchés du monde entier », déplore Clément Sénéchal, chargé de campagne pour Greenpeace France.
« L’année 2017 a été déclarée année des aires protégées en Russie. Cela fait déjà des années que les autorités d’Arkhangelsk parlent de créer une réserve dans la forêt de Dvinsky », précise un porte-parole de Greenpeace Russie. « Si le gouvernement veut vraiment mettre en place de nouvelles aires protégées cette année, il devrait sans plus attendre passer des paroles aux actes et protéger intégralement cette forêt ».
Le rapport complet en anglais est disponible ici
Le résumé en français est disponible ici
[1] Les trois principales entreprises impliquées dans le commerce du bois de la forêt de Dvinsky sont Pomor Timber, Arkhangelsk Pulp and Paper Mill et Titan.
[2] Un paysage de forêts intactes (Intact Forest Landscape ou IFL) correspond à un territoire d’écosystèmes naturels non fragmenté au sein d’une zone forestière, très peu perturbé par les activités économiques humaines et assez vaste pour permettre le maintien de toute la biodiversité endémique, notamment des populations viables d’espèces à large aire de répartition.