Une analyse conduite par Greenpeace France et Greenpeace UE montre que le service scientifique de la Commission européenne, le Joint Research Center (JRC), dont l’avis sur l’impact environnemental et sanitaire du nucléaire a été dévoilé vendredi, est financé via Euratom et proche de l’industrie nucléaire. Dès lors, son positionnement en faveur de l’inclusion du nucléaire dans la taxonomie « verte » ne peut pas être considéré comme objectif. Greenpeace demande à la Commission européenne une nouvelle évaluation, réellement indépendante, conduite par un structure neutre.
En mars 2020, le groupe d’experts techniques sur la finance durable (TEG) mis sur pied par la Commission européenne avait recommandé l’exclusion du nucléaire de la taxonomie verte, la classification européenne des activités économiques bas-carbone ou de transition destinée à orienter les investissements. Après un intense lobbying d’acteurs pro-nucléaires, la Commission européenne a chargé le JRC d’évaluer l’absence d’impact environnemental significatif du nucléaire, ouvrant la voie à un retour du secteur dans la liste des activités jugées durables par l’Union européenne.
Or, les liens structurels du JRC avec le traité Euratom, ses relations avec l’industrie nucléaire et les opinions exprimées publiquement par les membres du JRC sur l’énergie nucléaire remettent en cause la capacité du JRC à mener une évaluation objective du caractère durable de l’énergie nucléaire. La Commission européenne aurait dû confier cette étude à une structure impartiale et inclure la société civile.
Pour Denis Voisin, responsable de la campagne Transition énergétique de Greenpeace France, « la Commission européenne ne doit pas permettre qu’une industrie obsolète et loin d’être verte engloutisse des financements qui devraient être mis au service de mesures climatiques efficaces, comme la rénovation énergétique des logements. L’industrie nucléaire est dans une quête éperdue de financements, alors que les investisseurs se risquent de moins en moins à miser sur une technologie chère, défectueuse, avec des délais de construction à rallonge. ».
Le rapport du JRC, qui a fuité vendredi 26 mars, témoigne d’une approche biaisée par ses positions ouvertement favorables à la construction de nouveaux réacteurs nucléaires. Au fil des 387 pages de son évaluation, le JRC fait reposer son analyse sur un certain nombre d’hypothèses en contradiction avec la réalité : sur les coûts et délais de construction de nouvelles centrales nucléaires, le soi-disant “recyclage” des déchets nucléaires [1], la faisabilité et l’impact du stockage des déchets hautement radioactifs en couche géologique profonde ou encore le niveau de risques associés à cette technologie compte tenu des graves problèmes de conformité de la filière.
Le JRC reste très discret sur la réalité d’un parc nucléaire français qui ne sera pas aux normes post Fukushima avant 2039 ou des graves problèmes du chantier de l’EPR Flamanville révélateurs d’une certaine faillite des autorités de contrôle ? « Le JRC contribue à diffuser une vision de l’énergie nucléaire déconnectée de la réalité du risque et de la réalité industrielle. Le changement climatique, ce n’est pas théorique, ce n’est pas un pari, il faut des résultats avant 2030 et le nouveau nucléaire est une impasse. », conclut Denis Voisin.
Note aux rédactions
[1] Aujourd’hui, moins de 1 % du combustible usé et moins 2 % des autres matières soi-disant valorisables sont réellement utilisés.