Paris, 3 février 2010 – La France a enfin arbitré pour le classement du thon rouge en annexe 1 à la Cites en mars prochain, en demandant un délai de mise en œuvre de 18 mois, ce qui sape toute la portée de sa position déclarée.
« Le gouvernement, et notamment Nicolas Sarkozy, qui devait arbitrer sur ce sujet, prétend jouer les sauveurs du thon rouge. On nous dit en substance : sauvons l’espèce, mais pas tout de suite ! », commente François Chartier, chargé de campagne Océans à Greenpeace. « Le délai demandé pour mettre en oeuvre l’interdiction du commerce international est absurde : cela revient à passer à l’action après la bataille pour la survie du thon rouge ! »
18 mois de mise en œuvre, c’est attendre la fin du thon pour agir
Reconnaître que le classement en annexe 1 est nécessaire, c’est admettre l’urgence de la situation et la gravité de la menace qui pèsent sur l’espèce. Rappelons que selon les dernières évaluations scientifiques, il reste moins de 15% de la population de thon rouge en Méditerranée, ce qui est un critère pertinent pour classer l’espèce, selon le comité scientifique de l’Iccat, organisation qui gère la pêche au thon. Dès lors, demander 18 mois pour la mise en œuvre de la mesure revient à attendre qu’il n’y ait plus de thons rouges pour agir. Cela permet encore deux saisons de pêche et autorise à ponctionner toujours plus l’espèce ! Pourquoi ce délai? Le gouvernement achète ainsi la paix sociale avec les pêcheurs, dans une période d’élections régionales.
Nicolas Sarkozy se défausse sur ses ministres
Suite à la cacophonie gouvernementale, l’arbitrage devait se faire au plus haut niveau politique. Ce sont pourtant les ministres qui ont fait l’annonce officielle aujourd’hui. Après une déclaration de Nicolas Sarkozy en clôture du Grenelle de la mer en juillet dernier au Havre pour l’interdiction du commerce international, le Président ne pouvait que laisser cette déclaration aux membres de son gouvernement. Le classement en annexe 1 entraîne l’arrêt de la pêche en haute mer, et touche donc les 28 thoniers senneurs que comptait encore la flotte française en 2009.
« Tout en appelant à l’ordre républicain, M. Sarkozy tremble devant une poignée de pêcheurs qui menacent de bloquer les ports. Suffit-il de menacer de bafouer l’ordre public pour faire plier la république ?», questionne Pascal Husting, directeur exécutif de Greenpeace France « Le manque de courage politique de la France est flagrant sur cette question ! »
Quelle position au niveau européen ?
La France est coupable d’avoir armé elle-même les bateaux industriels de pêche, les thoniers senneurs, à coups de subventions publiques (3 millions par bateau, sur un coût global de 5 à 6 millions d’Euros). Ces bateaux sont les principaux prédateurs des thons rouges adultes, responsables de l’effondrement de l’espèce sur les 20 dernières années. Aujourd’hui, la France doit admettre ses erreurs passées et s’investir pour que l’Union européenne porte un classement en annexe 1 à la Cites en mars prochain.
« Dans le sillage de l’Italie, qui s’est déjà positionnée pour le soutien à l’interdiction du commerce international, la France devra prendre ses responsabilités au niveau européen », conclut François Chartier. « Les négociations pourraient se conclure entre les 27 avant l’entrée en fonction de la nouvelle Commission, en début de semaine prochaine ».