Cette tribune collective a initialement été publiée dans le journal Le Monde le 3 novembre 2021, en pleine COP26 et la veille du procès d’activistes de Greenpeace France qui avaient, en mars 2021, repeint un avion en vert sur le tarmac de l’aéroport Charles de Gaulle à Roissy. A travers cette action, ils dénonçaient le greenwashing du gouvernement et le manque d’ambition du projet de loi Climat & Résilience sur le secteur aérien.
La construction du premier avion bas-carbone est “tout à fait faisable” à l’horizon 2030 : c’est ce qu’a décrété Emmanuel Macron lors de la présentation de son plan d’investissement France 2030. Il l’a lui-même reconnu juste après, cette déclaration va à l’encontre des dires “des meilleurs experts” qui ne voient pas cela possible avant 2035. Pas de quoi rassurer les militantes et militants du climat, bien au contraire.
Le Président et son gouvernement semblent prêts à tout pour présenter l’avion vert comme la solution miracle au problème climatique du secteur aérien. Mais la solution miracle n’existe pas. Car pendant que la recherche avance, le trafic aérien, lui, continue d’augmenter. Selon l’Association du transport aérien international (IATA), il devrait encore doubler d’ici 2037. L’avion vert, cet avion neutre en carbone qui fait tant rêver le gouvernement, ne pourra pas absorber le volume ni la croissance du trafic aérien qu’on connaissait avant la crise sanitaire, quelle que soit la technologie envisagée. Et il ne pourra pas être déployé à grande échelle dans un délai court.
Or l’urgence climatique n’attend pas ; c’est dès maintenant qu’il faut réduire les émissions de gaz à effet de serre du transport aérien. Le problème ne se règlera pas à coup de promesses bancales et sans fondement et, surtout, sans régulation contraignante et transformationnelle du secteur.
La réduction du trafic aérien est indispensable pour le climat et il faut l’organiser dès maintenant, en anticipant notamment les conséquences sociales de la transformation du secteur, avec les travailleuses et travailleurs concernés.
Déjà en mars 2021, des activistes de Greenpeace France tiraient la sonnette d’alarme face au greenwashing et à l’irresponsabilité climatique du gouvernement, en repeignant en vert un avion garé sur le tarmac de l’aéroport de Roissy. A quelques jours de l’examen du projet de loi Climat à l’Assemblée nationale, ils dénonçaient le refus du gouvernement de prendre de vraies mesures pour réduire le trafic aérien face à l’urgence climatique et son choix de tout miser sur la promesse d’un avion vert. Ces activistes seront en procès ce jeudi 4 novembre au tribunal de Bobigny, alors même que, de son côté, le gouvernement vient d’être condamné par le tribunal administratif de Paris pour son inaction climatique dans le cadre de l’Affaire du Siècle, recours soutenu par plus de deux millions de personnes.
Depuis cette action, la loi Climat a été votée et la faiblesse du texte final a donné raison aux activistes. Plusieurs propositions de la Convention citoyenne pour le climat ont été vidées de leur substance par le gouvernement, à l’instar de celle visant à interdire les projets d’extension d’aéroports, qui généreront inéluctablement de nouvelles augmentations de trafic. Concrètement, aucun des dix plus grands projets qui étaient à l’étude sur le territoire français au moment des discussions sur la loi Climat n’était ainsi remis en cause par cette dernière. Comble de l’ironie, si l’on cumule le nombre de passagers supplémentaires par an qu’ils devaient permettre d’accueillir, on peut estimer que les projets d’extension qui étaient alors prévus à Bâle-Mulhouse, Bordeaux, Caen, Lille, Nantes, Nice, Marseille, Montpellier et Rennes, représentaient l’équivalent d’au moins deux, voire de cinq aéroports Notre-Dame-des-Landes. Et c’est sans compter le nouveau projet d’extension de Roissy qui n’est pas encore dévoilé et qui prendra la suite du projet de Terminal 4, officiellement abandonné. Pour rappel, ce dernier devait permettre d’accueillir 40 millions de passagers supplémentaires par an, soit l’équivalent de quatre à dix aéroports Notre-Dame-des-Landes… En 2018, l’abandon de Notre-Dame-des-Landes a montré la force de la mobilisation citoyenne ; en revanche, il ne pourra jamais être utilisé comme trophée d’Emmanuel Macron pour le climat. Car le Président et son gouvernement n’ont en fait toujours pas tourné la page des projets inutiles, coûteux, nuisibles et climaticides. Notamment dans le secteur aérien.
Aujourd’hui, certains de ces projets d’extension sont « repensés », “reportés”, ou « échelonnés », du fait notamment de l’impact de la crise sanitaire sur le trafic aérien. Mais ce qu’on attendait d’une loi climat, c’est qu’elle ferme définitivement la porte à ce type de projet. Le mur climatique l’impose, tout comme la santé des riverains de ces aéroports. Malheureusement, la réalité, c’est qu’on n’en a pas fini avec ces extensions d’aéroports climaticides. Actant le raté de la loi Climat, la lutte reprend donc sur le terrain, menée par des collectifs citoyens ou des associations locales. Trois exemples parmi tant d’autres : des collectifs locaux sont mobilisés à Bâle-Mulhouse, à Lille, ou encore à Beauvais où des consultations ou enquêtes publiques relatives à des projets visant une augmentation du trafic aérien sont ouvertes en ce moment ou ouvriront prochainement.
Ces luttes sont le résultat de l’irresponsabilité climatique du président Macron et de son gouvernement, comme l’action de Greenpeace sur le tarmac de l’aéroport de Roissy l’a souligné. Ces citoyen·nes, militant·es, activistes, qui passent à l’action, que ce soit au niveau national ou au niveau local, ne le font pas par plaisir. Mais parce que c’est, encore et toujours, nécessaire.
Les signataires de cette tribune sont : Clotilde Bato, présidente de Notre Affaire à Tous ; Chantal Beer-Demander, présidente de l’Union française contre les nuisances des aéronefs (UFCNA) ; Morgane Créach, directrice du Réseau Action Climat ; Rémi Donaint, porte-parole d’Alternatiba ; Cécile Duflot, Directrice Générale d’Oxfam France ; Khaled Gaïji, Président des Amis de la Terre France ; Jean-François Julliard, directeur de Greenpeace France ; Gilliane Le Gallic, présidente de Alofa Tuvalu ; Eric Lombard, coordinateur France de Stay Grounded (Rester sur Terre) ; Xavier Morin, président de Canopée Forêt Vivante ; Raphaël Pradeau, porte-parole d’Attac France ; Théo Rougier, président de Notre Choix ; Léa Vavasseur, porte-parole d’ANV-COP21 ; Michel Bonnassieux, représentant de Restons les pieds sur terre.
Ainsi que des collectifs de citoyennes et citoyens (étudiant·es, salarié·es et riverains) mobilisés pour la régulation du trafic aérien : Étudiants pour une Aéronautique Soutenable (EAS) ; Collectif PAD, Pensons l’Aéronautique pour Demain ; Collectif ICARE (Collectif de salariés de l’aéronautique) ; Collectif Non à l’aéroport du Saint-Emilionnais ; Collectif contre les nuisances aériennes de l’agglomération toulousaine (CCNAAT) ; Association de Défense des Riverains de l’Aéroport de Bâle-Mulhouse (ADRA) ; Association pour la protection de l’environnement des populations soumises aux pollutions de l’aéroport de Beauvais-Tillé (ADERA) ; Collectif Citoyen 06 (Alpes-Maritimes), engagé contre l’extension du T2 de l’aéroport Nice Côte d’Azur ; Collectif Non au T4, collectif citoyen contre l’extension de l’aéroport de Roissy ; Association de Défense Contre les Nuisances Aériennes de Roissy et le Bourget (ADVOCNAR) ; Collectif Non à L’Agrandissement de l’Aéroport de Lille (NADA LILLE) ; Alternatiba Paris ; Collectif “Stop extension aéroport Marseille-Provence”, engagé contre l’extension du T1 de l’aéroport Marseille-Provence ; Alternatiba Nantes ; Collectif “Non à l’extension de l’aéroport de Montpellier” ; Collectif contre l’extension de l’aéroport de Rennes ; XR Rennes.