UE-Mercosur: l’exécutif doit maintenant stopper les négociations à Bruxelles

L’Assemblée nationale était enfin appelée à débattre et à statuer au sujet de l’accord UE / Mercosur. Son verdict est sans appel : cet accord de libre-échange climaticide et nocif pour l’agriculture et les droits sociaux fait l’objet d’un rejet massif et unanime. Le collectif national Stop CETA-Mercosur, qui a symboliquement remis une pétition qui exige l’abandon du CETA et de l’accord UE-Mercosur, avec plus de 150 000 signatures, s’en félicite. Alors que débute à Brasilia un nouveau (et ultime ?) round de négociations en toute opacité dans le but d’annoncer l’adoption finale de l’accord lors du sommet du Mercosur à Montevideo (Uruguay) les 5-6 décembre prochains, la Commission européenne doit écouter la voix de la France et celles des autres Etats membres qui s’élèvent contre cet accord et l’abandonner. Ce vote enjoint Emmanuel Macron et son gouvernement à agir concrètement pour bloquer la finalisation et l’adoption de cet accord.

Notre collectif d’organisations de la société civile exige par ailleurs que le CETA soit également porté au vote de l’Assemblée nationale, suite au rejet par le Sénat en mars dernier. 90% du CETA, accord commercial qui présente les mêmes risques que l’accord Mercosur, est entré provisoirement en vigueur depuis cette date, sans que certains Etats membres, dont la France, ne l’aient ratifié. Un déni démocratique d’autant plus inacceptable que les enjeux sociaux, de santé public et environnementaux sont colossaux et vont bien au-delà de simples questions de « commerce ».

Les organisations du collectif Stop CETA-Mercosur se sont mobilisées ce midi devant l’Assemblée nationale pour appeler à voter contre ce traité. 📷 © Arnaud César Vilette

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Le message renvoyé aujourd’hui par l’Assemblée nationale à la Commission européenne est sans appel : les député·es se sont opposé·es à l’accord de libre-échange UE / Mercosur. Le résultat de ce vote symbolique doit conduire l’exécutif à accentuer le rapport de force sur la Commission européenne pour la contraindre, avec d’autres Etats membres, à abandonner les négociations de cet accord désastreux pour la planète et l’agriculture européenne. Pour ce faire, la France peut :
    – pour faire toute la lumière sur le contenu des négociations : rendre public tous les documents en cours de négociations, y compris le document « instrument joint » négocié depuis deux ans désormais sans aucune transparence ;
    – pour éviter que les négociations entre la Commission et les pays du Mercosur n’aboutissent lors du nouveau (et ultime ?) round de négociation qui s’est ouvert à Brasilia : officiellement dénoncer le mandat de négociation octroyé au siècle dernier, en 1999, à la Commission européenne ;
    – pour éviter que l’accord soit ratifié si les négociations aboutissent à la signature de l’accord entre la Commission et le Mercosur : consolider dès à présent une minorité de blocage au sein du Conseil de l’UE afin qu’il rejette l’accord UE / Mercosur. Cette institution a le pouvoir de refuser la ratification de cet accord.
C’est seulement grâce à ces actions que la France pourrait exercer un pouvoir réel sur le processus politique. Le vote d’aujourd’hui, uniquement symbolique et sans incidence concrète sur le processus de négociations, lui donne plus de légitimité encore pour peser de tout son poids.
Par ailleurs, le résultat du vote oblige le gouvernement français à mettre un autre accord de libre échange au débat : le CETA, accord commercial avec le Canada, est également un accord commercial néfaste pour l’agriculture et l’alimentation, la lutte contre le changement climatique, mais aussi les droits sociaux. Le CETA et l’accord UE-Mercosur suivent une même logique mortifère, conjointement dénoncée par les plus de 150 000 signataires de la pétition que le collectif Stop CETA-Mercosur a symboliquement remis ce mardi 26 novembre. Contrairement à l’accord UE-Mercosur, le CETA a déjà été signé par la Commission européenne et approuvé par le Conseil européen, qui a validé son entrée en vigueur provisoire. Il appartient depuis 7 ans aux parlements nationaux de se prononcer sur sa ratification : un vote de l’Assemblée nationale dans les prochaines semaines aurait cette fois une conséquence directe sur la procédure de ratification, et si l’Assemblée venait à le rejeter, cet accord devrait en toute logique être abandonné.
Pour Maxime Combes, économiste à l’Aitec : « Ce vote illustre un peu plus le fait qu’il n’y a plus ni de majorité sociale ni de majorité politique en France pour approfondir la mondialisation des échanges ; le temps est venu d’une remise à plat intégrale de la politique commerciale européenne : veut-on commercer pour satisfaire l’appétit des entreprises multinationales ou bien les besoins des populations ? »
Pour Eric Moranval, chargé de campagne pour Greenpeace France : « Le rejet de l’accord UE-Mercosur par l’Assemblée nationale est à saluer. Les problématiques que cet accord pose montrent combien les enjeux environnementaux et agricoles peuvent être liés : l’accord UE / Mercosur doit être rejeté, tant pour des raisons environnementales que pour protéger les agriculteurs dans l’UE. « 
Pour Nicolas Roux, membre du Conseil d’administration d’Attac : « Si ce vote présente un aspect positif, il est toutefois un peu tardif. Depuis 2019, la France aurait pu consacrer plus d’énergie à constituer une coalition pour bloquer l’accord UE-Mercosur au niveau européen, plutôt que de se perdre dans des opérations de communication. Cet accord est un emblème d’un autre temps, symbole d’une mondialisation effrénée qui n’a fait que creuser les inégalités, et doit être abandonné. »
Pour Boris Plazzi, de la CGT : « La population n’a rien à gagner ni dans ces soubresauts, ni dans la poursuite d’une politique qui tourne le dos aux enjeux auxquels sont confrontés les secteurs agricoles et alimentaires dans notre pays. Les droits sociaux et salariaux, la souveraineté alimentaire, la santé publique, l’environnement et la sauvegarde des ressources naturelles, d’aménagement du territoire, de qualité des produits, de maintien de nos capacités productives sont au cœur des enjeux. La réponse aux besoins passera par la construction d’un autre modèle agricole aux antipodes des politiques menées jusqu’à ce jour.« 
Pour Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne : « Parce que cet accord est basé sur la déréglementation du commerce de produits agricoles et alimentaires, il méprise et détruit l’agriculture. Cette mise en concurrence tire les prix vers le bas et met en danger les filières d’élevage bovin, volaille, miel et sucre. Cette compétition est responsable de la disparition des paysannes et paysans et compromet la souveraineté alimentaire. Comme tous les accords de libre-échange, cet accord justifie l’industrialisation de l’agriculture, portée par l’utilisation de pesticides, d’OGM, la diminution des conditions de travail… Le commerce international de produits agricoles et alimentaires doit s’appuyer sur la rémunération de ses travailleuses et travailleurs et sur des outils de régulation.« 
Karine Jacquemart, directrice générale de Foodwatch, alerte :  » Enfin un vote public sur l’accord UE-Mercosur. Mais la tentative de passage en force continue, alors que les enjeux de cet accord, comme ceux du CETA avec le Canada, affectent l’agriculture, l’alimentation, les droits sociaux, l’environnement… Des impacts qui vont bien au-delà de la question du commerce. Et tout ça pour quoi, pour qui ? Pour pouvoir exporter plus de voitures et de pesticides interdits d’usage en Europe et qui reviennent en boomerang dans les produits alimentaires qu’on va importer. C’est totalement fou.« 

Pour Chloé Rousset, chargée de campagne pour ActionAid France : « Dans un contexte de remise en question des avancées européennes en termes de droits sociaux économiques et environnementaux au nom de la « compétitivité », la commission européenne veut nous forcer à croire que cet accord – et ces accords de libre-échange – sont une chance pour nos économies. Cela fait maintenant 25 ans que nous rappelons que ce n’est pas une chance pour les agriculteur.ices, ouvrier.es agricoles et travailleur.ses, ni en Europe et dans le Sud global, comme le montrent les manifestations actuelles. Il est temps de faire cesser ces mirages et de s’atteler à de véritables politiques commerciales internationales basées sur les droits des peuples et de l’environnement. »

 

 

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