“À quelle fréquence pouvons-nous (encore) prendre l’avion pour respecter l’Accord de Paris ?” C’est la question à laquelle à voulu répondre Greenpeace France, qui vient de publier les résultats du calcul commandé au cabinet de conseil B&L Evolution.
Lire les résultats complets du calcul ici
La réponse est sans appel : les Françaises et Français pourraient effectuer en moyenne un aller-retour long courrier tous les 10 ans dans les 20 ans à venir afin de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C. En d’autres termes, cela équivaut environ à un voyage lointain dans les années 2020, puis un autre dans les années 2030.
Par la suite, plus nous nous rapprocherons de 2050 et plus notre “budget carbone” devra diminuer pour atteindre la neutralité. Seule une rupture technologique majeure permettrait alors aux personnes qui voyagent en avion de continuer à le faire à cette fréquence [1].
Pour Alexis Chailloux, chargé de campagne Voyage durable chez Greenpeace France :
“Si un voyage en avion tous les 10 ans peut paraître peu pour certaines personnes, il faut se souvenir que l’immense majorité de la population mondiale n’est jamais montée dans un avion, tout comme près de 40 % de la population française. L’explosion du trafic aérien vient donc avant tout d’une minorité privilégiée qui multiplie les vols de loisir à un rythme insoutenable pour le climat.”
Rendre l’avion exceptionnel
L’idée de cet ordre de grandeur est de faire prendre conscience de l’impact d’un vol sur le climat et de réserver l’avion pour des occasions exceptionnelles ou des usages inévitables, comme les retrouvailles familiales.
Pour cela, il est urgent et nécessaire de développer les moyens de transport bas-carbone, comme le train, afin de permettre au plus grand nombre de continuer à voyager et s’ouvrir au monde, tout en utilisant l’avion de manière très occasionnelle.
Répartir l’effort pour ne pas pénaliser les populations les moins aisées
Aujourd’hui, les Françaises et les Français effectuent environ un aller-retour long courrier tous les 5 ans. Cette fréquence moyenne masque de fortes inégalités entre une infime minorité qui prend l’avion très régulièrement, et une immense partie de la population qui ne le prend jamais, ou presque.
Par ailleurs, il semble indispensable de conserver les vols jugés les plus prioritaires. Les vols de loisir représentant deux voyages en avion sur trois, il faudrait faire peser la baisse du trafic aérien essentiellement sur les usagers les plus réguliers, indépendamment des vols prioritaires.
Ainsi la jeunesse française fait une nette distinction entre certains vols perçus comme nécessaires (vols familiaux, séjours longs…), et d’autres plus superflus (séjours courts, vols professionnels, vols courts, jets privés… ) [2].
“Les vols de loisir se sont complètement banalisés chez une partie de la population plutôt aisée. Pourtant, la France et l’Europe regorgent de magnifiques destinations variées et accessibles autrement. Cependant, la réduction du trafic aérien n’aura pas lieu sans une action politique ambitieuse pour rééquilibrer les tarifs entre le ferroviaire et l‘aérien”, poursuit Alexis Chailloux.
L’urgence d’une action politique efficace
En publiant ce chiffre, Greenpeace souhaite alerter sur l’urgence de mettre en place des mesures concrètes pour faire diminuer le trafic aérien :
. La fin des avantages fiscaux dont bénéficie le secteur aérien [3] (exemption de taxe sur le kérosène et de TVA sur les billets d’avion internationaux…) et le report de ces ressources dans les transports bas carbone, notamment le ferroviaire.
. Un moratoire sur les extensions d’aéroport, ainsi qu’un plafonnement à la baisse des mouvements dans les principaux aéroports français, comme cela a récemment été décidé à l’aéroport d’Amsterdam Schiphol [4].
. L’interdiction des publicités faisant la promotion de produits et services néfastes pour le climat, comme ceux du secteur aérien [5].
Notes aux rédactions
[1] Les hypothèses retenues : scénario SSP1-1.9 du GIEC (probabilité > à 50 % d’un réchauffement limité à 1, 5°C d’ici la fin du siècle), non prise en compte des effets hors CO2 (comme les traînées de condensation), maintien de la part des émissions du secteur aérien, convergence progressive entre les émissions aériennes d’un·e Français·e et du reste de la population mondiale, focus sur les vols long-courriers, progrès technique ambitieux avec 3 % de baisse annuelle des émissions par passager et par km, augmentation progressive de la part des long-courriers.
[2] Deuxième édition du baromètre des pratiques de voyages des jeunes (Greenpeace France, 2023).
[3] Rapport du Réseau Action Climat sur les aides injustes accordées au secteur aérien.
[4] En avril 2023, l’aéroport d’Amsterdam a présenté une série de décisions ayant pour objectif une « réduction structurelle du bruit et des émissions de CO2 » incluant notamment la réduction du nombre de vols, un couvre-feu nocturne, l’abandon du projet de nouvelle piste, l’interdiction des jets privés et l’amélioration des conditions de travail des employés.
[5] Publicité : pour une loi Evin climat (Greenpeace France, 2020).
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