Paris, le 24 février 2010 – Le président Nicolas Sarkozy se rend aujourd’hui au Gabon où il doit notamment visiter une usine du groupe forestier français Rougier. Cela fait suite à la décision du pouvoir gabonais d’interdire l’exportation de grumes (bois brut non transformé) du pays. Les groupes forestiers espèrent sans doute que le Président français obtiendra l’assouplissement de cette mesure. Mais on peut aussi y voir un geste politique et symbolique.
« Cette visite trahit la vision qu’a Nicolas Sarkozy des forêts tropicales et la manière dont il entend les protéger, affichant le soutien unilatéral de la France aux industriels du bois. Le Président français semble encore considérer les forêts comme une simple matière première » explique Grégoire Lejonc, chargé de campagne Forêts.
Les forêts tropicales : une matière première ou un patrimoine inestimable ?
En juillet 2007, au Gabon déjà, le Président français, avait qualifié les forêts tropicales du bassin du Congo de « matière première exceptionnelle ».
Dans les mois précédant le Sommet de Copenhague, le Président français s’est affiché en ardent protecteur des forêts tropicales. Pourtant, la France continue de promouvoir la destruction des forêts en soutenant financièrement les industriels du bois dans le bassin du Congo ou en contribuant à l’extension des plantations d’huiles de palmes en Indonésie, en subventionnant le développement des agrocarburants.
Quelques jours avant la clôture du sommet de Copenhague, Nicolas Sarkozy recevait à Paris plusieurs chefs d’Etat africains pour évoquer cette question. Il déclarait alors : « La façon la plus efficace et la plus économe de limiter les émissions de carbone, c’est de lutter contre la déforestation… Mais ces pays ne peuvent pas seuls entretenir une forêt qui est patrimoine de l’humanité. »
Exploiter ou protéger les forêts ? Le Président français semble vouloir faire le grand écart entre ces deux objectifs souvent inconciliables en promouvant le concept peu convaincant d’« exploitation industrielle et gestion durable des forêts » lié au modèle des concessions à grande échelle, qui est la norme dans le bassin du Congo.
A qui profite l’exploitation des concessions forestières du bassin du Congo ?
« Le modèle des concessions forestières que soutient la France ne profite ni à la biodiversité exceptionnelle de cette région, ni aux populations locales, ni au climat » explique Grégoire Lejonc.
Le bassin du Congo est le deuxième massif de forêts tropicales après l’Amazonie. Sur 150 millions d’hectares de forêts denses, 39 millions sont sous concessions forestières. Pourtant, les rentrées fiscales des cinq pays concernés ne s’élevaient qu’à… 119 millions d’euros, soit environ 3 euros par hectares en 2007.
« Pour chaque mètre cube de bois, qui vaut plusieurs centaines d’euros, quelle somme revient au développement rural local ? » s’interroge Grégoire Lejonc. « Le Président se pose t-il cette question avant de subventionner les industriels au nom du développement ? »
« La France doit changer de paradigme : plutôt que de subventionner – via l’Agence Française de Développement – les groupes forestiers privés, il faut soutenir l’émergence de sociétés civiles fortes qui pourront faire valoir leurs droits et défendre leurs intérêts, tout en respectant l’environnement » conclut Grégoire Lejonc.
Le 11 mars, plusieurs pays forestiers (bassin du Congo, Indonésie, Brésil, etc.) et des bailleurs de fonds se réuniront à Paris pour définir le cadre de mise en œuvre des financements précoces promis lors du Sommet de Copenhague. Il est essentiel que ce sommet garantisse que ces fonds œuvre réellement à la protection des forêts et de la biodiversité, tout en respectant et renforçant les droits et intérêts des communautés forestières.