Les débats sur la loi climat et résilience se sont achevés aujourd’hui au Sénat avec le vote des sénateurs et sénatrices.
Si le texte reste encore bien trop faible face à l’urgence climatique et la nécessité absolue de mesures réellement structurantes, le Sénat aura au moins eu le mérite de réaffirmer le besoin de rehausser l’objectif de la France de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Contrairement à l’Assemblée nationale, le Sénat a réaffirmé la nécessité impérieuse de s’aligner sur l’objectif de l’Union européenne, à savoir une réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, alors que la France, et sa loi climat, visent toujours officiellement une baisse de 40 %.
Pour autant, malgré quelques avancées timides, par exemple sur le ferroviaire, le Sénat n’a pas saisi l’opportunité de consolider les mesures proposées sur des enjeux clés, à la hauteur de l’ambition déclarée :
- Transports : le Sénat n’a fait qu’entériner un projet de loi déjà très faible sur la question de l’aérien.
Une seule ligne aérienne serait concernée par l’interdiction des vols courts, Orly – Bordeaux, tandis qu’aucun des 10 projets d’extensions d’aéroports actuellement à l’étude n’est impacté.
Le projet de loi passe à côté de l’enjeu de l’accélération de la fin de vente des voitures carburant aux énergies fossiles ou du déploiement des zones à faibles émissions dans les agglomérations polluées, reporté aux calendes grecques.
- Eco-responsabilité des acteurs économiques : la part considérable des grandes entreprises dans les émissions de gaz à effet de serre aurait dû pousser le Sénat à en faire un axe majeur de la loi, mais aucun amendement significatif n’a été adopté.
- Publicité climaticide : un des rares sujets où le Sénat a pu progresser, notamment en votant l’interdiction de la publicité pour les véhicules les plus polluants d’ici à 2028, ainsi que l’interdiction de la publicité pour les biens et services ayant un impact environnemental négatif si des alternatives plus vertueuses existent, dans l’audiovisuel public uniquement, à partir de 2023. On reste loin néanmoins d’une véritable loi Evin climat et de la proposition de la Convention citoyenne.
- Menus végétariens dans les cantines : le Sénat n’a pas touché aux options dans les cantines sous la responsabilité de l’Etat, mais il a bien reculé sur les avancées obtenues lors du passage de la loi à l’Assemblée nationale. Cette dernière avait voté la pérennisation de l’expérimentation du menu végétarien hebdomadaire lancée dans les cantines scolaires lors des Etats généraux de l’alimentation. Le Sénat l’a transformée en une simple prolongation de l’expérimentation de deux ans.
- Nucléaire : le Sénat a versé dans l’idéologie pro-nucléaire radicale, en adoptant un amendement conditionnant la fermeture de réacteurs à la mise en service de capacités de production équivalentes. Les sénateurs sont dans le déni d’une réalité qui est que les réacteurs nucléaires sont vieillissants et dégradés, posant des problèmes de sûreté croissants, à la merci d’aléas climatiques (risques de sécheresse et d’inondation) ou d’actes de terrorisme. C’est aussi faire fi des nécessaires efforts de sobriété énergétique. La seule défense des intérêts de la filière industrielle du nucléaire ne saurait primer sur l’intérêt général : l’Assemblée nationale est en devoir d’effacer la faute grave du Sénat.
Ce vote survient la même semaine que la publication du nouveau rapport du Haut Conseil pour le Climat, qui a déjà jugé très sévèrement le projet de loi climat et résilience et engagé la France à revoir sa propre trajectoire dans des délais rapprochés.
Ce jeudi, le Conseil d’Etat rendra son délibéré dans le cadre du recours de Grande-Synthe contre l’Etat pour inaction climatique. Il y a deux semaines, le rapporteur public a recommandé aux juges du Conseil d’Etat d’ordonner à l’Etat de « prendre toutes mesures utiles » d’ici neuf mois pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et respecter ses engagements.