Est-ce que planter des arbres sauvera le climat ?
Non, planter des arbres n’est pas la solution magique pour contrer les changements climatiques et l’érosion dramatique de la biodiversité. Les projets de reforestation sont souvent mal gérés par des entreprises plus soucieuses de leur image que de leur impact environnemental. La priorité n’est pas de replanter mais bien de mettre fin à la déforestation ! Explications.
La reforestation, un véritable phénomène de mode
Les projets de reforestation (planter des arbres sur d’anciennes terres boisées) et d’afforestation (planter des arbres sur des terres qui n’ont jamais été boisées) ont le vent en poupe ces dernières années. Ces projets peuvent émaner de pays ou d’entreprises qui souhaitent compenser leurs émissions de gaz à effet de serre. Dans certains cas, les organisateurs de tels projets peuvent même proposer à des particuliers d’y contribuer pour compenser leurs propres émissions de gaz à effet de serre, suite à un trajet en avion par exemple. A travers ces projets se construit l’idée selon laquelle il suffirait de planter des arbres pour sauver le climat. Mais la solution pour enrayer le changement climatique n’est pas aussi simple.
Mettre un terme à la déforestation, priorité absolue
Pour combattre le changement climatique, il faut en priorité mettre un terme à la déforestation et à la dégradation des forêts et protéger en particulier les forêts primaires et intactes. La reforestation ne doit en aucun cas masquer l’urgence de la protection des massifs forestiers existants. Il faut avant tout protéger les forêts existantes et mettre un terme à la déforestation, qui représente 12% des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
La compensation via la reforestation, parfaite diversion
La reforestation crée une diversion redoutable en nous faisant croire qu’on pourra continuer à émettre toujours plus de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. En effet, elle véhicule l’illusion qu’une solution qui ne passerait pas par des efforts de réduction d’émission de gaz à effet de serre serait possible. Or, les rapports du GIEC sont très clairs : pour atténuer le changement climatique, il faut réduire les émissions de gaz à effet de serre et en parallèle augmenter les capacités de séquestration de carbone, en particulier des écosystèmes forestiers (30% des émissions annuelles totales sont absorbées par les forêts). Les efforts sur l’augmentation de la séquestration de carbone, dont la reforestation fait partie, doivent compléter la réduction des émissions de gaz à effet de serre dues aux énergies fossiles. En aucun cas elles ne peuvent les remplacer.
La reforestation ne doit pas devenir un droit à polluer
Pourtant, cette logique destructrice est à l’œuvre au sein de nombreuses entreprises, au premier rang desquelles celles de l’industrie fossile et de l’industrie aéronautique. La politique de Total en la matière est particulièrement frappante. D’un côté, l’entreprise annonce vouloir atteindre la neutralité carbone via des projets de reforestation. De l’autre, elle porte des projets qui favorisent la déforestation. C’est le cas avec la bioraffinerie de la Mède dont elle a défendu l’ouverture coûte que coûte, mais aussi de ses projets d’extraction dans la plus grande tourbière du monde au Congo Brazzaville. Cette hypocrisie est destructrice. Le rapport du CCFD “Compensation carbone : tout sauf neutre” publié en octobre 2021 est éloquent à ce sujet.
Des projets publics de reforestation à l’impact climat discutable
Les exemples de reforestation mise en place par des gouvernements sont aussi légion et leur impact positif sur le climat est largement discutable. En Ethiopie, seuls 20 à 30% des arbres plantés dans le cadre du vaste programme de reforestation du gouvernement ont survécu. Autre exemple, le Portugal a planté dans les années 1950 une myriade de monocultures d’eucalyptus pour lutter contre l’érosion, mais ces plantations se sont avérées extrêmement inflammables et sont donc régulièrement dévorées par les flammes.
Forêt naturelle et forêt plantée ne sont pas équivalentes
La séquestration et le stockage de carbone ne sont pas équivalents entre une forêt naturelle ancienne et des plantations d’arbres à croissance rapide. La plupart des zones plantées pour la production de bois auront un stock de carbone beaucoup plus faible que les forêts primaires et des taux de séquestration inférieurs à ceux des forêts naturelles.
Par ailleurs, si les arbres sont exploités pour de la pâte à papier par exemple, l’effet sur le climat est largement contestable puisque le carbone sera relâché dans l’atmosphère en quelques années seulement.
Enfin, il est illusoire de penser qu’une tonne de carbone émise peut instantanément être compensée en plantant des arbres… qui ne capteront l’équivalent de cette tonne de carbone qu’au bout de plusieurs décennies, s’ils ne sont pas détruits avant.
De bons projets de reforestation sont toutefois possibles
La reforestation, si elle est mise en œuvre correctement, peut présenter de nombreux bénéfices environnementaux. Le projet de l’association portée par le botaniste Francis Hallé, qui vise à faire renaître une forêt primaire en Europe de l’Ouest, est un modèle du genre. Les projets de reforestation sont à évaluer à l’aune de nombreux critères, dont le tableau ci-dessous présente une liste non exhaustive.
Projet positif de reforestation | Projet contre-productif de reforestation |
N’a pas pour objectif d’éviter une réduction des émissions de gaz à effet de serre | Est utilisé comme une échappatoire à la protection des forêts ou pour éviter une réduction des émissions de gaz à effet de serre |
Vise la survie à long terme des nouvelles forêts | Vise des récoltes à courte rotation, sans viabilité à long terme des zones reboisées |
Crée des paysages hautement inflammables, sensibles aux épidémies de ravageurs et qui augmentent les risques d’inondation et d’érosion des sols | |
Vise à planter des arbres dans une zone aux terres et à la biodiversité dégradées | Cible une zone naturellement sans arbres |
Répond aux besoins des communautés locales | Ne répond pas aux besoins des communautés locales |
S’appuie autant que possible sur des processus naturels pour rétablir les forêts | Etablit des plantations d’arbres en monoculture ou s’appuie sur l’introduction d’espèces non indigènes envahissantes |
Se concentre sur la plantation d’un mélange d’espèces indigènes | |
Crée des paysages hautement inflammables, sensibles aux épidémies de ravageurs et qui augmentent les risques d’inondation et d’érosion des sols |