Après l’urgence de soutenir les personnes sinistrées, vient le temps des réponses à apporter pour le futur. Les événements météorologiques extrêmes sont de plus en plus présents, des sécheresses aux inondations. Le nombre de décès liés à ceux-ci s’alourdit chaque année. Quand viendront les réponses ?
L’urgence climatique sous nos yeux
En ce mois de juillet, les dômes de chaleur au Canada (où un village entier a disparu dans les flammes), les inondations en Europe, au Nigéria et en Chine, ou encore les records absolus de température au Maroc, dominent l’actualité. Depuis son dernier rapport global sur les impacts du changement climatique en 2014, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a montré que l’augmentation de la température – actuellement de plus de 1,2°C au-delà de l’ère préindustrielle – a pour effet de multiplier les événements climatiques extrêmes. Ceux-ci se manifestent soit par une raréfaction des pluies (les sécheresses), soit par de fortes précipitations plus intenses ou plus fréquentes, soit par une hausse des températures. Les scientifiques prédisent que dans le pire des scénarios climatiques, les inondations seraient 14 fois plus fréquentes en 2100. En mars 2019, Beira, au Mozambique, a été la première ville détruite par des inondations liées au réchauffement climatique. A Madagascar, plus d’un million de personnes souffrent de la faim, une crise humanitaire directement liée au changement climatique selon l’ONU. Si nous ne faisons rien, le pire est devant nous.
Un nouveau rapport du GIEC pour sonner encore plus fort l’alarme
Le 9 août, les experts scientifiques du GIEC rendront public un nouveau rapport sur l’état des connaissances en matière de changement climatique. Ce rapport devrait appeler à renforcer significativement les mesures contre les changements climatiques, alors que les gouvernements doivent se réunir en novembre à Glasgow, en Ecosse, lors d’une nouvelle conférence pour le climat, la COP26. Ce rapport mettra à jour les prévisions concernant la hausse de la température mondiale, l’augmentation du niveau des océans et l’intensification des événements climatiques extrêmes. Selon nos analyses, limiter le réchauffement à +1,5°C comme le préconise l’Accord de Paris est encore techniquement et économiquement possible, mais pas pour longtemps si nos gouvernements continuent à faire semblant d’agir. Il est probable que ce rapport soit un nouveau coup de semonce pour alerter la communauté internationale des risques que notre inaction fait peser sur la planète et notre avenir.
Le cap : réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre
Les inondations ont montré que le dérèglement climatique doit être la priorité de l’agenda politique et qu’une réponse immédiate est nécessaire. Chaque fraction de degré d’augmentation de température entraîne la multiplication des événements météorologiques extrêmes, et donc des pertes humaines et matérielles immenses. Les Nations unies ont estimé que pour rester en deçà de +1,5 degré, les émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial doivent diminuer de 7,6 % par an. Ce qui signifie pour l’Europe, s’engager à une réduction absolue de 65 % d’ici 2030 afin de contribuer à cet objectif global en tant que pollueur historique.
Pour cela, les énergies fossiles doivent rester dans le sol, nous n’avons plus le loisir d’attendre. Les acteurs politiques et grandes multinationales des énergies fossiles, qui savaient depuis des décennies et qui ont entravé toute action climatique ambitieuse, ne peuvent plus échapper à leurs responsabilités. C’est encore loin d’être le cas quand on voit Total continuer à investir massivement dans les énergies fossiles ou encore Shell faire appel du jugement qui la condamne à réduire ses émissions. Ou quand l’argent public vient doper des secteurs polluants sans la moindre éco-conditionnalité, comme l’aérien.
Ce que nos pays viennent de traverser arrive depuis des années dans les pays du Sud, qui d’inondations en sécheresses, font face à un changement climatique dont ils sont à peine responsables. A l’approche de la COP26, les pays du Sud appellent les pays riches à prendre leurs responsabilités, en diminuant les émissions de gaz à effet de serre et en soutenant financièrement les victimes de la crise climatique.
Reconstruire à l’identique serait une erreur fatale
Afin de limiter les dégâts humains et matériels, nous devons dès à présent nous adapter et (re)construire les infrastructures et les logements en fonction de ces événements météorologiques extrêmes.
La reconstruction des bâtiments publics, des immeubles et maisons résidentielles ne pourra faire fi du défi climatique et social. En effet, le secteur du bâtiment fait partie des principaux émetteurs de gaz à effet de serre en Europe. C’est le cas en Belgique, lourdement touchée par les inondations, où 18,7% des émissions de gaz à effet de serre proviennent du bâtiment, avec un taux de rénovation très bas qui ne permet pas d’arriver à un bâti neutre d’un point de vue climatique en 2050. C’est aussi le cas en France où logements et bâtiments sont responsables de près de 20 % des émissions de gaz à effet de serre, soit le 2e plus gros émetteur juste après les transports et à égalité avec l’agriculture. Les logements reconstruits devront permettre, d’une part, la réduction de nos émissions de CO2 et, d’autre part, une meilleure préparation pour faire face aux conséquences des sécheresses et des précipitations extrêmes.
L’aménagement du territoire devra être repensé, en ne construisant plus dans les zones inondables, en évitant les fonds de vallées. Car on a trop construit près des rivières dont on sait maintenant qu’en quelques jours, en cas de fortes précipitations, elles peuvent emporter sur leur passage des vies et des quartiers entiers. Les lits des rivières sont trop imperméables, les rives sont trop bétonnées, ce qui, en cas de fortes précipitations, entraîne un gonflement rapide des cours d’eau. Toutes nos infrastructures, des égouts aux ponts, vont devoir intégrer cette nouvelle donne,, alors qu’elles ont été souvent mises à mal par le manque d’investissements ces dernières années.
La France à la traîne
La France fait aujourd’hui pâle figure sur la scène internationale en matière d’action climatique. Elle n’a toujours pas révisé ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (aujourd’hui -40 % d’ici à 2030), alors que l’Union européenne a adopté l’objectif de -55 %. La justice vient de condamner l’Etat français à agir sous neuf mois constatant la faiblesse des actions mises en place.
Et ce n’est pas la loi Climat et Résilience, qui vient d’être adoptée, qui pourra remettre notre pays sur la bonne trajectoire. Le gouvernement en a écarté toute mesure structurante (encadrement contraignant des entreprises, interdiction des publicités pour les produits polluants, fiscalité dissuasive sur les investissements climaticides, obligation de rénovation énergétique, etc.) sous la pression des lobbys. Quant aux articles censés ralentir l’artificialisation des terres, les multiples dérogations prévues les rendent inopérants.
La nature comme alliée
A l’avenir, la nature peut devenir notre alliée dans les mesures d’adaptation au changement climatique pour lutter contre les étés caniculaires ou les pluies diluviennes. Nos villes comme nos campagnes vont devoir laisser plus de place à la nature, sortir de la logique du “tout béton” en remettant plus d’espaces naturels, plus à même d’offrir de l’ombre en cas de fortes chaleurs et d’absorber également les pluies.
De même, il sera primordial de soutenir nos agricultrices et agriculteurs, soumis aux aléas climatiques de plus en plus fréquents, de plus en plus sévères. Prévenir les futurs désastres nécessite de soutenir l’agroécologie qui, en respectant mieux la nature, est plus à même d’éviter les coulées de boue qui traversent des champs de monocultures.
Les événements climatiques extrêmes qui endeuillent nos pays voisins ou plus éloignés doivent servir de réveil. Limiter les pertes humaines à l’avenir doit guider la reconstruction. Limiter le dérèglement climatique aussi. La bonne nouvelle, c’est que ces deux objectifs sont complémentaires. Il ne tient qu’aux gouvernements, et notamment à celui de la France, 8e pays contributeur historique aux émissions de gaz à effet de serre, de montrer l’exemple et de prendre leurs responsabilités.
Cet article s’appuie notamment sur une publication de Greenpeace Belgique « Inondations : le temps des réponses doit venir »
Photo en haut de page : Vue aérienne de la ville de Bad Neuenahr, en Allemagne, durement frappée par les inondations de juillet 2021 © Dominik Ketz / Greenpeace