Une question cruciale se pose : qui paie la facture de ces catastrophes ? Dans certains cas, l’État peut intervenir, mais les indemnisations font peser une charge excessive sur les finances publiques et les contribuables alors que les responsables du chaos climatique, à savoir les grandes entreprises des énergies fossiles, ne mettent pas la main à la poche. Ce n’est ni durable ni juste.
La crise climatique compromet la viabilité du système d’assurance
Les événements météorologiques extrêmes affectent les sociétés humaines depuis le début de l’Holocène, il y a environ 10 000 ans. L’ingéniosité humaine nous a permis de nous adapter économiquement aux catastrophes en transférant ou en répartissant les risques.
Des milliers d’années avant que les systèmes d’assurance modernes ne soient développés à Londres au 17e siècle, des mécanismes similaires étaient déjà utilisés par les commerçants chinois, babyloniens et égyptiens, ainsi que par les navigateurs qui n’étaient pas tenus de rembourser l’argent qu’ils avaient empruntés pour leur voyage si leurs navires étaient détruits par la tempête.
Aujourd’hui, les événements climatiques violents étant plus nombreux que jamais, les assureurs constatent que leur système n’est plus viable.
La France : en première ligne face au vacillement du système d’assurance
En France comme partout ailleurs, les coûts des dégâts augmentent (et vont continuer d’augmenter), mettant à rude épreuve le modèle assurantiel actuel de couverture des catastrophes climatiques – et donc le budget des ménages, qui voient entre autres conséquences leurs cotisations augmenter. Des milliers de foyers en détresse perdent leurs logements, leurs biens, leurs exploitations agricoles, et sont parfois condamnés à endosser les frais seuls.
Les événements climatiques extrêmes tels que les sécheresses provoquant des fissures impressionnantes sur les bâtiments ne sont pas toujours couverts par le régime d’assurance des catastrophes naturelles. Cela affecterait 54 % des maisons individuelles en France, soit 10,4 millions de logements.
De plus, il devient de plus en plus difficile d’obtenir une assurance, notamment dans les zones vulnérables. Dans un scénario pessimiste, les primes d’assurance pourraient augmenter de 158 % à 300 % d’ici 2050. Dans les outre-mer, la situation est déjà alarmante : seuls 50 % des ménages y sont assurés, contre 98 % en métropole.
Le plus révoltant dans tout ça ? Les principaux responsables continuent d’amasser des profits records au détriment de la planète et de ses habitants. Les entreprises productrices d’énergies fossiles (pétrole, charbon et gaz), qui ont bâti leurs richesses en alimentant la crise climatique, ne se sont jamais aussi bien portées et continuent leurs activités sans rendre de comptes.
Les autres pays du monde ne sont pas en reste
En Allemagne, seul un bâtiment résidentiel sur deux est correctement assuré. Dans des régions comme la Bavière, où la couverture n’est pas obligatoire, le nombre de logements non assurés est encore plus prononcé. Dans certaines parties de la Californie, de la Floride et de la Louisiane, les maisons et autres biens ne sont plus du tout assurables. Dans les pays du Sud, les plus durement touchés par le changement climatique, une grande partie de la population n’a aucun accès à une couverture assurantielle.
Le défaut d’assurance est une question cruciale que les législateurs du monde entier s’efforcent de résoudre. Pour reprendre les termes d’un représentant de Zurich Re, un assureur mondial, le changement climatique constitue une menace économique qui accroît les inégalités sociales.
La solution réside dans les racines les plus profondes du problème. Sans le changement climatique induit par les activités humaines, les phénomènes météorologiques extrêmes seraient beaucoup moins fréquents et moins intenses. Et sans l’industrie des combustibles fossiles, il n’y aurait pas de crise d’une telle ampleur.
La solution : faire payer les pollueurs
Des entreprises comme Chevron, Exxon, Shell, TotalEnergies, Equinor et Eni comptent non seulement parmi les plus grands pollueurs du monde, mais étaient également au courant du changement climatique depuis de nombreuses décennies. Elles ont choisi d’ignorer la science et de continuer à extraire des combustibles fossiles. Certaines d’entre elles se sont même engagées dans le déni de la science et ont fait obstruction à toute mesure visant à réduire les émissions de CO2, aggravant ainsi notre dépendance à l’égard du pétrole et du gaz. Aujourd’hui, les grandes compagnies pétrolières continuent de tirer d’énormes profits de la souffrance des populations : plus de 2,8 milliards de dollars en moyenne chaque jour depuis 50 ans.
À l’heure actuelle, nous sommes pris au piège d’un cercle vicieux : les primes d’assurance augmentent en raison du changement climatique, les gouvernements utilisent l’argent des contribuables pour payer la facture, tandis que les grandes compagnies pétrolières continuent d’engranger des milliards de bénéfices et d’étendre leurs projets de destruction du climat. Il en résulte des conditions météorologiques plus extrêmes, des coûts plus élevés et une nouvelle hausse des primes…
Mais ce cercle peut être brisé. Plutôt que d’augmenter leurs primes, les assureurs devraient tenir les compagnies pétrolières et gazières pour responsables des sinistres liés au changement climatique, comme ils l’ont fait à l’encontre de l’industrie du tabac pour pratiques commerciales trompeuses.
De leur côté, les gouvernements aussi doivent agir. Obliger les compagnies pétrolières et gazières à payer pour les pertes et les dommages liés au changement climatique permettrait de combler le défaut d’assurance d’une manière juste et pratique. Cela permettrait aux gouvernements et aux assureurs de proposer des assurances abordables pour tout le monde, tout en garantissant que ceux qui profitent le plus du chaos climatique supportent les coûts des impacts climatiques qui en résultent.
Enfin, l’imposition d’une taxe sur les superprofits accumulés par l’industrie pétrogazière permettrait d’aider les personnes les plus touchées par les événements climatiques extrêmes.