[ Edit du 7 novembre : lors de la COP27, E. Macron a annoncé l’opposition de la France à cette industrie. C’est une très bonne nouvelle qui doit se concrétiser par une opposition au code minier avant la fin de l’AIFM, le 11 novembre. Nous suivons de près la suite des négociations ! Plus d’infos ici ]
L’exploitation minière des fonds marins : c’est quoi ?
Créer des mines au fond de l’océan ? Une drôle d’idée qui anime pourtant l’industrie minière, bien décidée à extraire métaux et minéraux des abysses. Zinc, cuivre, manganèse, cobalt, nickel ou encore lithium sont quelques-unes des ressources convoitées, pour fabriquer des batteries de téléphone, d’ordinateurs ou de voitures électriques, ou encore des panneaux solaires et des éoliennes. Certains gouvernements et industriels se retranchent d’ailleurs derrière l’innovation et les énergies renouvelables pour justifier ce pillage des océans. Est-ce vraiment nécessaire ? Non : sobriété, économie circulaire et recyclage permettraient de réduire notre besoin en minerais. La preuve ? Des multinationales de l’automobile ou de l’électronique ont appelé à un moratoire contre le “deep sea mining” (l’exploitation minière des fonds marins).
Pourquoi l’exploitation minière des fonds marins est dangereuse
Si envoyer des bulldozers six kilomètres sous mer semble une bonne idée à certains industriels et gouvernements, la réalité est tout autre. Les grands fonds océaniques referment encore beaucoup de mystères…
Il y a peu encore, on pensait que l’obscurité des profondeurs y empêchait la vie. Pourtant, la science a montré qu’une biodiversité aussi foisonnante que fantastique évolue dans des conditions extrêmes de température et de pression. L’extraction minière détruirait ces écosystèmes exceptionnels. Elle consiste en effet à labourer le sol de l’océan pour récupérer des “nodules”, des sortes de concrétions rocheuses (des cailloux !), qui sont ensuite dissous pour récupérer quelques grammes de minéraux, avant que le reste ne soit rejeté à l’eau. Résultat :
- des milliers d’espèces fantastiques sont écrasées et broyées au fond de l’océan,
- la boue dégagée par cette activité au fond de l’eau crée des nuages qui asphyxient la biodiversité,
- la pollution sonore et lumineuse perturbe les espèces habituées au calme des abysses,
- des métaux lourds se diffusent et s’accumulent dans la chaîne alimentaire,
- et ce n’est pas tout : l’exploitation minière des eaux profondes menace le climat.
Le climat encore aggravé par l’exploitation minière des océans
L’océan est l’un de nos alliés les plus précieux face au dérèglement climatique. En effet, les animaux et les végétaux marins absorbent et stockent naturellement de grandes quantités de dioxyde de carbone, qui finit piégé dans des sédiments de matière organique pour des milliers d’années.
Piller l’océan et labourer son plancher, c’est risquer de perturber le cycle complexe qui s’y joue entre oxygène et carbone. Le dérèglement du climat atteint déjà des proportions dramatiques. L’Amazonie, “poumon vert” de la planète, subit une déforestation massive. Menacer l’océan et son rôle de régulateur du climat est tout simplement impensable.
L’exploitation minière des océans n’est pas autorisée pour l’instant… ou presque
C’est l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM), une instance qui dépend de l’ONU, qui est chargée d’encadrer l’exploitation minière en eaux profondes. Un “code minier” est actuellement en négociation entre les États, sous pression des industriels qui voudraient le voir adopté dans l’urgence dès juillet 2023. Pourquoi cette date ? Car à ce moment, l’entreprise minière canadienne The Metals Company (TMC) pourra faire valoir une faille législative qui lui permettrait de débuter l’exploitation commerciale des ressources des abysses même en l’absence de code minier. L’AIFM occupe donc une place centrale. Or le problème est qu’à ce jour, nous ne pouvons nous fier à cette autorité : elle présente de gros problèmes d’opacité, un système de décision obscur et de vote problématique, et des signes de collusion avec les industries minières. Pour preuve ? L’entreprise The Metals Company a commencé cet automne l’exploration des fonds marins, avec la complicité de l’AIFM, sans même qu’un vote ne soit proposé aux États membres.
The Metals Company : le cauchemar des océans
Le 12 octobre dernier, en une heure, le bulldozer de l’entreprise The Metals Company a parcouru 147 mètres au fond de l’océan Pacifique pour collecter 14 tonnes de nodules polymétalliques (ces cailloux qui renferment les minéraux si recherchés). Comment un tel carnage est-il possible ? L’Autorité Internationale des Fonds Marins a délivré à cette entreprise un permis “test” pour commencer à miner, en envoyant son immense bateau, le “Hidden Gem”, au cœur de l’océan, dans la Zone Clarion Clipperton, entre Hawaï et le Mexique. En effet, si l’exploitation commerciale n’est pas autorisée, un industriel peut, au nom de l’exploration, faire des tests et collecter des nodules… en détruisant les milieux :
Le constat est sans appel : l’AIFM n’empêchera pas l’exploitation minière en haute mer de se produire. Cette responsabilité incombe aux gouvernements qui doivent s’opposer fermement à cette industrie.
La France est-elle pour ou contre l’exploitation minière en eaux profondes ?
Le président français est un homme plein d’ambiguïté lorsqu’il s’agit de tirer profit de l’océan. Emmanuel Macron a d’abord affirmé, en octobre 2021, être favorable à l’exploitation minière des fonds marins, considérée comme un enjeu stratégique.
Mais il a fait volte-face en juin 2022, lors du sommet des Nations unies sur les océans, où il a affirmé la nécessité d’un cadre légal pour stopper l’exploitation minière en haute mer. Si ce revirement est une très bonne nouvelle pour les océans, il doit être suivi d’actes et passer par un soutien actif à un moratoire contre l’extraction minière dans les grandes profondeurs.
Océans : exigeons un moratoire sur l’exploitation minière des océans
Imaginez qu’on puisse remonter le temps et arrêter le forage en mer à l’aube de l’ère pétrolière. D’innombrables déversements et fuites de pétrole auraient alors pu être évités. C’est exactement à ce moment critique de l’histoire que nous sommes avec l’exploitation minière des fonds marins. Il est encore temps d’empêcher ce désastre, mais il faut agir maintenant. La France doit soutenir le moratoire contre l’exploitation minière des fonds marins, comme l’ont déjà fait plusieurs pays. Faisons entendre notre refus de voir les océans, la biodiversité et le climat saccagés ! Signez notre pétition et partagez-la à vos proches :
L’avenir des fonds marins au cœur des négociations internationales en novembre
L’exploitation minière des abysses fera l’objet de négociations lors de la réunion de l’Autorité internationale des fonds marins, du 31 octobre au 11 novembre. Pour empêcher cette industrie dévastatrice de voir le jour, les États doivent convenir d’un moratoire afin que les menaces sur l’environnement soient étudiées de façon approfondies. La voix de la France est scrutée car Greenpeace, avec une coalition d’ONG, qui a expressément demandé au gouvernement français de se positionner en faveur d’un moratoire… et sans ambiguïté, cette fois. Côté parlementaire, la pression monte aussi sur le gouvernement, à qui des députés de la majorité et d’opposition de gauche ont adressé une demande de résolution pour un moratoire.
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La promesse d’E. Macron lors de la COP27 : La France soutient l’interdiction de toute exploitation de tous les grands fonds marins
C’est à l’ouverture de la COP27 en Egypte ce 7 novembre que Emmanuel Macron l’a annoncé : la France s’oppose à l’exploitation minière des fonds marins. Cette annonce était très attendue et nous la saluons ! La France reconnaît enfin la catastrophe environnementale que constituerait le développement de cette industrie et se positionne en leader pour mettre fin à cette menace grandissante pour les océans. Il s’agit désormais de passer des paroles aux actes : le gouvernement français doit relayer cette position auprès du Conseil de l’Autorité internationale des Fonds Marins (AIFM) dont la réunion se tient jusqu’au 11 novembre. Nous attendons notamment d’Olivier Guyonvarch, Ambassadeur de France en Jamaïque (où siège l’AIFM), une position claire contre l’adoption d’un code minier qui vise à réguler l’exploitation minière des fonds océaniques dès juillet 2023.
Pour agir avec nous, vous pouvez relayer sur vos réseaux notre réaction à cette annonce porteuse d’espoir, mais qui doit se concrétiser au plus vite :