La fausse bonne idée des "biocarburants"
Les “biocarburants”, qu’est-ce que c’est ?
Les “biocarburants” sont des carburants produits à partir de matières organiques, à la différence des carburants fossiles (dérivés du pétrole par exemple). Le préfixe “bio” faisant référence à la biomasse, le terme “biocarburant” peut laisser croire que ces carburants seraient “bio” ou “écologiques”. Ce n’est malheureusement pas du tout le cas. C’est pourquoi Greenpeace refuse d’employer le terme “biocarburant” et préfère parler d’“agrocarburants”, pour souligner le fait qu’il s’agit de carburants issus de la production agricole. Et c’est d’ailleurs tout le problème….
Les agrocarburants sont donc des carburants produits grâce à la biomasse et sont la plupart du temps incorporés à des carburants fossiles pour fabriquer du biodiesel et du bioéthanol. Il existe une distinction entre les agrocarburants de première génération, qui sont ceux les plus consommés aujourd’hui, et ceux de seconde et de troisième générations qui sont encore en phase de recherche et développement.
La production des agrocarburants de première génération repose sur des matières premières agricoles consommables par les êtres humains, comme l’huile de colza, l’huile de palme ou la canne à sucre : elle entre donc directement en compétition avec la production de l’alimentation humaine. Les agrocarburants de deuxième génération sont fabriqués grâce à des matières végétales non alimentaires, comme des déchets ou des tiges de plantes. Un développement de la production d’agrocarburants de troisième génération à partir de micro-algues est également envisagé.
La production destructrice des agrocarburants de première génération
Remplacer les carburants fossiles, fortement émetteurs de gaz à effet de serre, par les agrocarburants de première génération, supposés renouvelables, peut sembler être une bonne idée pour lutter contre les changements climatiques et préserver notre environnement. Or il n’en est rien. Les agrocarburants de première génération sont en effet produits majoritairement grâce à des matières premières agricoles, comme l’huile de palme, le soja, le blé ou encore la betterave. Pour produire ces agrocarburants, il faut ainsi monopoliser davantage de terres agricoles… et donc détruire des écosystèmes naturels et déforester.
En conséquence, les émissions de gaz à effet de serre dues au secteur des transports peuvent bien baisser : celles liées à la déforestation et à la conversion des terres augmentent ! Il n’y a donc pas réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais transfert, et parfois hausse, de ces émissions. Ainsi le biodiesel, en tenant compte de l’impact de sa production, émet en moyenne 80% plus de gaz à effet de serre que le diesel qu’il remplace.
De plus, ce transfert se fait aux dépens des pays produisant les matières premières nécessaires à la production de ces biocarburants. Les émissions de gaz à effet de serre ne sont plus seulement liées aux véhicules dans les pays riches, mais aussi aux zones forestières transformées en terres arables dans les pays plus pauvres. Ce stratagème permet ainsi aux pays riches de se dédouaner des efforts qu’ils ont à fournir pour réduire leurs émissions – sur le dos des pays plus pauvres qui voient leurs émissions augmenter !
Pour contrer la crise climatique et environnementale, il faut à tout prix abandonner le développement des agrocarburants de première génération et supprimer tous les avantages fiscaux qui y sont attachés.
Le mythe des “biocarburants avancés”
Quant aux agrocarburants de deuxième et de troisième générations, ils ne devraient pouvoir être développés que s’ils répondent à un certain nombre de critères, comme la non-concurrence avec les cultures alimentaires, le respect des droits des communautés et la préservation des espaces naturels fragiles. Les agrocarburants avancés qui correspondent à ces critères ne doivent en aucun cas être promus comme la solution magique pour réduire les émissions de gaz à effet de serre des transports : le développement de certains “biocarburants avancés” reste hypothétique et les “biocarburants” issus de déchets ne pourront jamais être produits dans des volumes suffisants pour répondre à la demande actuelle en carburants.
Les agrocarburants produits à l’aide d’huile de cuisson usagée constituent notamment une piste de développement particulièrement valorisée par l’aéronautique. Or leur potentiel d’utilisation est considérablement limité par le faible volume d’huile alimentaire usagée à disposition en France. Le gisement en huiles usagées ne suffit pas à répondre à la demande actuelle en “biocarburants avancés”. Un accroissement de la demande pour ces agrocarburants se traduirait ainsi mécaniquement par une augmentation des importations françaises, dépouillant les pays exportateurs de leur capacité à décarboner leur propre économie.
Penser que le recours aux agrocarburants à base d’huile de cuisson règlera le problème climatique du secteur de l’aviation relève donc du fantasme. Sa valorisation par les industriels de l’aéronautique, comme Air France, et de l’énergie, comme Total, est un véritable exercice de greenwashing qui vise à poursuivre la croissance d’un secteur à l’impact environnemental toujours aussi destructeur.
La lutte contre le dérèglement climatique ne peut en aucun cas faire l’économie d’une remise en question de nos manières de produire, de consommer et de nous déplacer.