Vivre, chaque jour : avoir un toit, à manger, aller au bureau, à l’école, se promener … ces choses tellement banales vues d’ici, et qui sont pourtant tellement compliquées à Fukushima, 6 mois après …
La vie la bas
80 000 personnes vivaient dans la zone de 20 km autour de la centrale de Fukushima Daiichi, zone évacuée et aujourd’hui morte. Cette semaine, environ 200 riverains ont été autorisés à faire une brève visite à leur ancien domicile pour récupérer le maximum d’effets personnels possible. Ce retour à la maison, fut, pour beaucoup, le dernier. Vêtus de combinaisons de protection, de masques et lunettes, il leur a été donné deux heures seulement pour évaluer les dégâts dans leurs habitations et collecter leurs affaires, leurs souvenirs.
Ils sont ressortis de leurs maisons en portant des sacs en plastique gonflés de vêtements, objets de valeur, jouets pour enfants et albums photo.
6 mois de fuites radioactives ont rendu les villes voisines d’Okuma et de Futaba inhabitables pendant des années, voire des décennies.
Toutes les traces de la vie ordinaire semblent suspendues : les routes sont envahies par les mauvaises herbes; commerces et restaurants sont fermés… pas âme qui vive en dehors du chant des cigales.
Selon un récent rapport du gouvernement, la dose d’irradiation annuelle cumulée dans un district d’Okuma est estimé à 508,1 millisieverts, c’est à dire plus de 500 fois le niveau acceptable par an.
Les ouvriers de la centrale : des inconnus dont on ne parle plus
A l’heure actuelle, 2500 à 3000 ouvriers sont sur site. Un grand nombre d’entre eux sont en train de nettoyer les débris radioactifs qui ont été projetés par les explosions. D’autres sont en train d’installer et de faire fonctionner des systèmes pour décontaminer l’eau radioactive.
Le journaliste japonais Kazuma Obara a souhaité visiter l’intérieur de la centrale de Fukushima Daiichi afin d’y rencontrer ceux qui y vivent tous les jours, qu’il considère comme des héros. Bravant sa propre peur de la radioactivité, il a réussi à s’introduire dans le site nucléaire. Cela n’a été possible que grâce à l’aide d’un contact qui y travaille et qui veut que le monde sache dans quelles conditions lui et les autres ouvriers travaillent. Il relate le quotidien, les heures longues, l’isolement … Kazuma Obara a recherché vainement au Japon un journal qui accepte de publier ses photos. Il s’est donc tourné vers l’Europe et a trouvé The Guardian.
Dans les cartables, des dosimètres
Quelques 14 000 enfants qui fréquentaient les écoles publiques élémentaires et secondaires dans la préfecture de Fukushima, avant le séisme et le tsunami du 11 mars et la crise nucléaire qui a suivi, ont changé depuis d’école.
Les élèves, qui ont repris l’école à Fukushima, ont reçu des dosimètres pour mesurer leur exposition aux radiations. Le dosimètre ne prévient de rien : c’est un instrument de mesure uniquement, qui permet de connaître le niveau d’exposition aux radiations. Les enfants s’en sont donc vu distribuer, pour leur premier jour d’école… De plus, les récréations à l’extérieur des bâtiments sont supprimées, en raison du risque de contamination. C’est donc à l’intérieur que les enfants doivent jouer. (voir sur ce sujet le reportage de TSR )
Greenpeace a demandé le report de la rentrée des classes : nous avons réalisé une série de mesures préoccupantes : dans des écoles à soixante kilomètres de la centrale, le niveau de radiations est jusqu’à 70 fois supérieur aux normes internationales. Les cours d’écoles avaient pourtant été nettoyées en grattant 20 centimètres de terre contaminée en surface. Aucun parent ne devrait se trouver devant le choix cornélien d’éviter à ses enfants d’être exposés à la radioactivité ou de leur assurer un accès aux études.
Au Japon, les associations de parents et les collectifs demandant l’évacuation des enfants sont de plus en plus nombreux. Les parents sont extrêmement inquiets de la situation. Cette vidéo est un témoignage de parents à Fukushima, qui racontent la vie des enfants en manches longues, masques et pantalon dans des salles de classes aux fenêtres fermées en plein été.
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Les agriculteurs désemparés
Cette catastrophe est aussi une catastrophe agricole
Le témoignage d’un éleveur près de la centrale de Fukushima. Après le séisme et le tsunami du 11 mars, Yoshizawa a continuer à soigner ses 300 vaches laitières sans eau ni électricité. Il pouvait entendre les explosions de l’usine de Fukushima Daiichi énergie nucléaire, à 14 km.
Aujourd’hui, 6 mois après l’accident du réacteur nucléaire, les agriculteurs de la région ont vu leur activité réduite à néant. Et pour cause, certains troupeaux de vaches de la région ont été contaminés et même si aujourd’hui, l’interdiction de vente du bétail a été levée, la suspicion des consommateurs demeure et la contamination aussi, sur nombre de produits agricoles …
Ainsi, la préfecture de Saitama a demandé aux producteurs de thé d’éviter les expéditions de thé fabriqué à partir de feuilles fraichement cueillies. Cette demande est intervenue mardi après que du césium radioactif au-delà des niveaux de sécurité du gouvernement a été détecté par le ministère de la Santé dans les produits de thé local.
Enfin, même si l’information reste à prendre au conditionnel, selon la chaîne de télévision qatarie Al-Jazeera, une quantité non négligeable des eaux usées évacuées de la centrale, des boues radioactives donc, serait transformées avant d’être revendues sous forme d’engrais à des agriculteurs japonais !!
Voilà le défi auquel Yoshihiko Noda, le nouveau chef du gouvernement doit faire face. Il doit protéger la santé des citoyens, leurs maisons et leurs emplois. Il doit leur rendre un quotidien acceptable.
Il lui incombera l’immense responsabilité de l’avenir énergétique de son pays. La Diète japonaise a fait le premier pas vers cette transition vendredi dernier en approuvant un projet de loi crucial et historique concernant les énergies renouvelables. La nouvelle loi donne au gouvernement japonais l’occasion de montrer à au monde ce qu’est une authentique révolution énergétique.
A voir, à lire, à écouter :
La chronique de Corinne Lepage De retour de Fukushima, où le silence et les mensonges tuent