Les États membres viennent à nouveau de rejeter la proposition de la Commission de renouveler l’autorisation du glyphosate dans l’Union européenne. Cet herbicide controversé fait l’objet d’une opposition politique et publique croissante dans l’Union européenne. Décryptage.

Agriculture

Glyphosate :
le vent tourne

Les États membres viennent à nouveau de rejeter la proposition de la Commission de renouveler l’autorisation du glyphosate dans l’Union européenne. Cet herbicide controversé fait l’objet d’une opposition politique et publique croissante dans l’Union européenne. Décryptage.

Mercredi 25 octobre, la Commission n’est pas parvenue, une fois de plus, à rallier le nombre nécessaire de gouvernements européens pour renouveler l’autorisation du glyphosate.

Aucun vote n’a donc pu être organisé aujourd’hui à l’issue de la réunion des experts des États membres, compte tenu des divisions encore trop importantes sur ce dossier.

C’est la cinquième fois que le vote sur le glyphosate est reporté.

Pour tout comprendre des enjeux et de la saga européenne du glyphosate, vous pouvez (re)lire notre article publié en début de semaine.

 La Commission seule et contre tous

Le renouvellement de l’autorisation du glyphosate se heurte à une opposition de plus en plus forte. Depuis le dernier vote en 2016, il semblerait que quatre États membres qui soutenaient la ré-autorisation y soient désormais opposés (Belgique, Croatie, Slovénie, Suède), tout comme quatre pays qui s’étaient abstenus (Autriche, Grèce, Italie, Luxembourg). Seule la Bulgarie, a décidé de soutenir la proposition alors qu’elle s’était auparavant abstenue.

D’après les informations données par les médias, dix États membres ont indiqué qu’ils voteraient contre une proposition de renouvellement de dix ans (Belgique, Grèce, Croatie, France, Italie, Luxembourg, Malte, Autriche, Slovénie et Suède), et deux États qu’ils s’abstiendraient (Allemagne et Portugal), tandis que 16 États ont dit qu’ils voteraient pour (Bulgarie, Danemark, République tchèque, Estonie, Irlande, Espagne, Chypre, Lettonie, Lituanie, Hongrie, Pays-Bas, Pologne, Roumanie, Slovaquie, Finlande, Royaume-Uni.)

Aucune majorité qualifiée ne s’est donc dégagée. Or les décisions dans ce comité d’experts doivent se prendre avec une majorité qualifiée, c’est-à-dire  avec au moins 55% des États membres (soit un minimum de 16 États) et 65% de la population. La Commission a donc préféré une nouvelle fois reporter le vote car si elle n’obtient pas de majorité qualifiée, elle devra prendre elle-même la décision de l’autoriser ou non, responsabilité qu’elle ne veut pas prendre.

La France s’est positionnée en faveur d’un renouvellement de l’autorisation qui n’excède pas quatre ans. Mais il faut surtout qu’elle se positionne pour une élimination progressive d’ici à quatre ans, car si la décision de l’interdire à terme n’est pas prise dès aujourd’hui, cela ne fera que reporter le problème. De même, quelle que soit la durée proposée par la Commission, il est indispensable qu’elle acte l’interdiction du glyphosate à l’issue de la durée du renouvellement.

Manifestation de Greenpeace devant la Commission pour demander l’interdiction du glyphosate.
Février 2017, © Eric De Mildt / Greenpeace

Le glyphosate, l’amiante de notre génération

Les dangers du glyphosate sont bien connus. Les dommages qu’il cause à l’environnement et à notre santé ont été mis au jour, et l’ingérence de Monsanto dans les études scientifiques a été démasquée. L’agence de l’ONU spécialisée dans la recherche sur le cancer a classé cette substance parmi les “cancérogènes probables”… Et pourtant, on trouve du glyphosate partout. Dans les urines,  dans les céréales, jusque dans vos crèmes glacées. C’est le premier herbicide vendu au monde.

Le Parlement européen s’est prononcé hier en faveur d’une interdiction totale du glyphosate d’ici à cinq ans, assortie d’une interdiction partielle immédiate. Rappelons qu’en 2016, le Parlement soutenait une ré-autorisation de sept ans.

De plus, une pétition d’initiative citoyenne, organisée par de nombreuses ONG dont Greenpeace, a réuni plus d’un 1,3 million de signatures en quelques mois, et la population est largement opposée à l’utilisation de cet herbicide.

La Commission doit comprendre que le vent a tourné et apporter son soutien à une interdiction de cette substance au plus vite, et prévoir des mesures de transition pour les agriculteurs.

Un nouveau vote devrait avoir lieu en novembre. Une décision doit intervenir avant le 15 décembre.