Aujourd’hui, près d’un million de bouteilles en plastique sont vendues chaque minute dans le monde, polluant les océans et empoisonnant la faune marine. Un désastre que l’on peut tenter de compenser à l’aide d’une simple gourde… sous réserve de bien l’utiliser.
Pourquoi opter pour une gourde ?
La gourde contre la culture du jetable
La bouteille en plastique est le symbole par excellence de notre société du “tout jetable”, marquée par l’obsolescence programmée, le suremballage et la multiplication des objets à usage unique. Aussitôt achetée, aussitôt jetée : la bouteille en plastique a une durée de vie minime, générant des pollutions en amont (l’extraction du pétrole nécessaire à sa fabrication) et en aval (les montagnes de déchets plastiques). En France, on consomme plus de 140 bouteilles en plastique par an et par personne, ce qui fait de nous le 5e pays le plus consommateur de bouteilles d’eau en plastique, derrière le Mexique et la Thaïlande (qui n’ont pas accès à l’eau potable partout), et devant les Etats-Unis. Triste classement.
La culture du jetable, qui va de pair avec l’hyper-consumérisme, n’est pourtant pas une fatalité. Il faut déconstruire ces pratiques pour se tourner vers des systèmes de distribution plus circulaires, et vers une culture de la réparation et du réemploi. Les gourdes en sont un bon exemple. Pratiques et réutilisables à l’infini, elles permettent de limiter la pollution plastique… si elles sont bien utilisées quotidiennement.
L’impossible recyclage du plastique
Le recyclage est présenté depuis des années comme l’alpha et l’oméga du comportement éco-responsable. C’est pourtant un processus incomplet, qui consomme de l’énergie et engendre des pertes. C’est particulièrement vrai pour le “recyclage” du plastique. Nathalie Gontard, chercheuse à l’Inra, explique que “le tout-recyclage est un mirage”. Le plastique ne peut être recyclé que 2 à 3 fois maximum avant de devenir un déchet, contrairement au verre qui est recyclable à l’infini. Plutôt que parler de “recyclage”, Nathalie Gontard préfère employer le mot de “décyclage”.
Plus grave encore, le recyclage sert parfois d’alibi à la surproduction d’emballage et à la culture du jetable, comme le détaille Flore Berlingen, ancienne présidente de l’association Zéro Waste France, dans son ouvrage Recyclage, le grand enfumage. Acheter un produit dans un emballage recyclable, du type bouteille d’eau en plastique PET, aura tendance à moins nous faire culpabiliser lorsqu’on fait nos courses. L’effet greenwashing est optimal, puisque les industriels ont réussi à faire du recyclage un argument de vente pour des produits (ici l’eau) qui ne nécessitent même pas d’emballage à l’origine. Mieux vaut donc (largement) utiliser une gourde réutilisable qu’une bouteille en plastique jetable (même “recyclée”).
Les bouteilles en plastique aggravent la pollution marine
L’Europe est le plus gros producteur de bouteilles en plastique au monde. C’est ainsi le déchet le plus retrouvé dans les cours d’eau européens, contribuant fortement à la pollution plastique des océans. Ces déchets plastiques, une fois dégradés en petits morceaux, s’agglomèrent au gré des courants marins et constituent ce que l’on appelle “les soupes plastiques” pouvant aller jusqu’à plusieurs millions de km2. On parle même d’un “continent de plastique” qui dérive dans l’océan Pacifique au large des côtes d’Hawaï.
La faune marine est impactée de plein fouet par la pollution du plastique terrestre. Les animaux peuvent confondre le plastique avec des proies et en ingérer des quantités dangereuses pour leur organisme. C’est notamment le cas pour les tortues, puisqu’elles confondent les sacs plastiques avec des méduses, leur nourriture de prédilection. De plus, la décomposition du plastique dans les eaux génère des microplastiques, sur lesquels viennent s’agréger des polluants, qui passent ensuite dans l’organisme de la faune marine, pour finir leur course dans nos assiettes. Il est malheureusement quasi impossible de nettoyer ces déchets plastiques une fois en mer, d’où l’urgence d’en stopper la production sur terre… en adoptant par exemple une gourde réutilisable.
Boire dans une gourde pour préserver sa santé ?
Les industriels nous ont longtemps fait croire que l’eau en bouteille était meilleure pour la santé que l’eau du robinet. L’eau du robinet, lorsqu’elle respecte les normes sanitaires, convient pourtant tout à fait à notre organisme. Elle contient des minéraux et des oligo-éléments acquis au contact des sols et des roches, du magnésium, et son éventuelle teneur en calcaire ne présente pas de danger pour les humains. Il est donc tout à fait souhaitable de boire de l’eau du robinet, dans un récipient en verre ou en métal comme… une gourde réutilisable.
Par ailleurs, le plastique représente un risque sanitaire à l’échelle mondiale, notamment en raison des additifs chimiques qui peuvent se détacher des polymères et contaminer l’environnement et nos organismes.
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Comment choisir sa gourde ?
La gourde la plus écologique ? Celle que vous avez déjà
Pour savoir dans quelles mesures l’utilisation d’une gourde est plus écologique que celle d’une bouteille d’eau en plastique, il faut évaluer leur empreinte écologique respective. C’est que qu’a tenté de faire Lucas Scaltritti, dans le podcast de Ouest France, Y’a le feu au lac, en examinant d’abord leur impact sur le climat.
Résultat : la production d’une bouteille d‘eau en plastique PET (polyéthylène téréphtalate) de 30 g engendre 102 g de CO2. C’est peu comparé à la production d’une gourde, plus lourde et plus gourmande en matières premières, dont l’empreinte carbone aura tendance à être plus élevée. Cependant, si la gourde est utilisée quotidiennement, elle compensera son empreinte carbone au bout de quelques mois pour une gourde en plastique ou en verre, et quelques années pour une gourde en inox. Ainsi, l’empreinte écologique d’une gourde, plus élevée à la fabrication, sera compensée seulement si elle est utilisée fréquemment.
La gourde la plus écologique est donc, de loin, celle que vous possédez déjà.
Gourde en plastique, verre ou inox : cela dépend de votre usage
Si vous avez besoin de faire l’acquisition d’une gourde, certaines sont fabriquées dans des matières plus vertueuses que d’autres. Faisons un récapitulatif :
- La gourde en plastique : elle est légère et accessible à des prix très abordables. Attention à bien la laver après chaque usage car c’est un véritable nid à bactéries. À utiliser si l’on a besoin d’un contenant très léger (pour faire des longues distances à pied ou à vélo par exemple).
- La gourde en verre: bien que sa production ait un impact écologique plus élevé que celle d’une gourde en plastique, le verre est un excellent contenant pour les produits alimentaires, comme l’eau. Entièrement imperméable, il empêche les interactions avec l’extérieur (et donc la contamination de l’intérieur du contenant). La gourde en verre est donc un excellent choix pour les personnes qui souhaitent tester le gourde réutilisable. Son seul inconvénient est sa fragilité, prenez-en donc bien soin
- La gourde en inox : appréciée car elle garde l’eau bien fraîche, elle est généralement plus solide que les autres types de gourdes. De plus, l’inox est une matière qui ne présente pas de risque pour la santé humaine (en l’état des connaissances actuelles). Sa fabrication (extraction de minerais, sidérurgie, transport…) entraîne cependant un coût écologique très important. Encore plus que les bouteilles en verre, il faudra les utiliser dans la durée pour en tirer un bénéfice écologique. Un bon choix pour les personnes qui ont l’habitude d’utiliser régulièrement une gourde.
Les pièges du greenwashing à éviter
On peut vite être dépassé·e par la quantité de modèles de gourdes qui existent sur le marché. En effet, les gourdes sont elles aussi soumises au phénomène des tendances, à chaque saison son lot de nouvelles gourdes ornées du dernier motif à la mode. On incite les gens à en acheter de nouvelles, plus “tendance”, plus pratiques, alors qu’ils en possèdent déjà… Une incitation à la consommation qui rappelle celle de la fast-fashion.
De nombreux commerçants proposent des gourdes “éthiques” et fabriquées localement, souvent avec des coloris vert ou bleu, nous laissant penser que l’impact environnemental de leurs gourdes est faible. Ces techniques de greenwashing cachent souvent une réalité tout autre. Typiquement, l’outillage industriel nécessaire pour produire les gourdes en inox isothermes existe surtout en Chine, où une partie des usines sont toujours alimentées au charbon. Le coût environnemental de ce type de gourde grimpe donc assez vite, surtout si l’on y ajoute le transport.
Comment accélérer le déploiement des gourdes et bouteilles consignées ?
Aujourd’hui, près d’un million de bouteilles sont vendues chaque minute dans le monde, or un emballage plastique en pleine nature a une durée de vie minimale de 450 ans. Par conséquent, il est impératif de mettre en place des solutions ambitieuses pour tenter de limiter la pollution plastique, notamment des bouteilles en plastiques.
- Par exemple, l’interdiction pure et simple de la mise en vente sur le marché des objets à usage unique en plastique ou en polystyrène. La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire et l’économie circulaire prévoit une interdiction totale du plastique à usage unique en France d’ici 2040… Un délai qui semble aberrant quand on sait que si l’on n’agit pas au plus vite, ce seront environ 30 millions de tonnes de plastiques qui finiront dans les océans chaque année.
- Une autre solution pérenne serait de valoriser des systèmes de distribution basés sur la réutilisation, comme la vente en vrac ou le système de consigne. La consigne correspond à une somme d’argent (de quelques centimes à 1 ou 2 €), payée à l’achat d’un produit, et que l’on récupère une fois que l’on rapporte le contenant (souvent une bouteille en verre) au magasin. Celui-ci est lavé puis remis en circuit, ce qui diminue considérablement la production de bouteilles en verre et donc l’empreinte écologique. Une multitude d’astuces 0 déchet existent pour venir à bout de la culture de l’usage unique.
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