Comme nous l’avons fait à de multiples reprises par le passé, Greenpeace, organisation pacifiste, condamne avec force cette guerre et appelle le président Poutine à retirer immédiatement ses forces armées et à cesser les opérations militaires. Greenpeace est solidaire de la population ukrainienne et de toutes celles et ceux qui font face à l’oppression et sont victimes de conflits armés dans le monde. Ce conflit est une tragédie en premier lieu pour les Ukrainien·nes mais aussi pour la population russe, qui va être affectée par ses conséquences. Cette guerre revêt par ailleurs une importance particulière du fait que la Russie est une puissance nucléaire et qu’elle a le potentiel d’influencer significativement les questions d’approvisionnement international en ce qui concerne le pétrole, le gaz et les céréales, ce qui pourrait affecter des centaines de millions de personnes dans le monde.
Cette guerre rappelle à quel point il est essentiel de rompre notre addiction aux énergies fossiles qui alimentent les changements climatiques et financent les conflits, ainsi qu’à l’énergie nucléaire qui fait peser des risques de contamination radioactive des populations et de l’environnement en cas d’attaque ou de défaillance des installations. Les responsables politiques n’ont d’autre choix que d’accélérer et de massifier le déploiement des économies d’énergie et des énergies renouvelables, seules solutions pour le climat et la paix.
Cette guerre rappelle aussi la nécessité de sortir d’un modèle agricole industriel et productiviste que la dépendance à certaines matières premières importées (gaz, pétrole, alimentation animale) rend très fragile. Il est également urgent de rendre accessible à tous·tes une alimentation de qualité et de lutter concrètement contre la précarité alimentaire, en évaluant la possibilité d’expérimenter rapidement des modèles comme la sécurité sociale de l’alimentation.
Cette guerre rappelle enfin la nécessité de transformer en profondeur notre système de transport dans une logique de réduction de nos consommations d’énergie et de ressources naturelles.
Nous avons décrypté les programmes de chaque candidat et candidate à l’élection présidentielle en matière d’écologie. Dans un contexte très mouvant et difficile à suivre en temps réel, nous avons fait le choix de ne pas inclure leurs réactions et positions sur la guerre en Ukraine et ses conséquences dans notre travail de décryptage. Cependant, nous tenons à rappeler ici que leur ambition (ou leur manque d’ambition) en matière de transition écologique et énergétique et de justice sociale prend une dimension supplémentaire dans ce contexte de guerre : les candidat·es à la traîne sur ces enjeux ne seront pas non plus à la hauteur des défis de la paix et de la résilience de nos sociétés dans un contexte géopolitique instable.
Les tenants de l’agriculture industrielle au taquet
Dès le début de la guerre en Ukraine, la FNSEA, le ministre de l’Agriculture du gouvernement Macron ainsi que la candidate à la présidentielle Valérie Pécresse ont appelé à la « libération du potentiel agricole » de l’Union européenne et de la France pour « nourrir le monde ». Pour cela, il faudrait lever toute contrainte environnementale, comme la mise en culture des jachères avec autorisation d’utiliser des pesticides sur ces surfaces – chose qu’ils obtiendront en l’espace de quelques jours seulement. E. Macron parle également de revoir la stratégie européenne « De la ferme à l’assiette », qui impose une réduction des engrais et des pesticides de synthèse de 20 et 50% respectivement d’ici 2030, à l’aune de ce « produire plus » : cette annonce inquiète particulièrement les organisations environnementales et paysannes.
Le gouvernement défend ainsi la ligne portée par la FNSEA : produire plus, avec moins de contraintes, pour toujours plus de profits. Or, soyons clairs : loin de permettre de « les nourrir », les accords de commerce et les exportations envers les pays aujourd’hui en difficulté ont avant tout servi à les maintenir dans une dépendance aux importations et à affaiblir les systèmes agricoles locaux. A titre d’exemple, sur les dix dernières années, seuls 13% des financements agricoles français alloués aux pays en développement ont réellement bénéficié à une transition agroécologique et à la mise en place de filières locales (autrement dit à une réelle souveraineté alimentaire de ces pays). Au contraire, 24% de ces financements ont bénéficié au développement d’une agro-industrie majoritairement exportatrice.
La réalité, c’est que la guerre en Ukraine a révélé la fragilité de notre agro-industrie, dépendante des importations : de gaz pour produire des engrais, de pétrole pour faire tourner les tracteurs, de céréales et d’oléagineux pour nourrir les animaux, de machinisme agricole, de robots et de logiciels. Une agro-industrie qui contribue au réchauffement climatique et à l’érosion de la biodiversité.
Ainsi, des mesures d’urgence doivent être prises pour répondre à l’augmentation des coûts de production que subissent les agriculteurs et surtout les éleveurs et pour anticiper l’augmentation du coût de certains produits alimentaires, pour les consommateurs. Des modèles tels que celui proposé par le collectif pour la sécurité sociale de l’alimentation mériteraient ainsi d’être discutés en priorité. Des mesures d’urgence doivent également être prises pour mettre un terme à la production de cultures destinées à alimenter les animaux ou les réservoirs des voitures plutôt qu’à nourrir les humains, comme un moratoire sur les cultures dédiées aux agrocarburants ou à la méthanisation.
Ces mesures de court terme doivent être accompagnées par la définition et la mise en œuvre d’un plan de transition de notre modèle agricole et alimentaire pour désintensifier l’élevage industriel, développer les élevages extensifs et les cultures de légumineuses, de fruits et de légumes, et réduire notre dépendance aux engrais de synthèse. En parallèle, les accords de commerce et les exportations vers les pays en développement doivent être pensés avec les pays concernés et être au service de leur propre souveraineté alimentaire. Le 30 mars 2022, 24 organisations environnementales, de solidarité internationale et paysannes ont convergé pour interpeller les candidats à la présidentielle sur ce sujet.
Le gouvernement Macron laisse faire TotalEnergies en Russie
La guerre en Ukraine rappelle l’absence de force et de volonté politique du gouvernement Macron face à la multinationale TotalEnergies qui a décidé, à la différence de nombreuses autres majors pétro-gazières, de ne pas se retirer de Russie. Si beaucoup de candidat·es dénoncent sur le principe l’attitude « profiteuse » de Total, certains ont assumé une position explicite sur le retrait de Total de Russie, comme Yannick Jadot ou Anne Hidalgo. Fabien Roussel en revanche s’est positionné contre le retrait de Total de Russie. Jean-Luc Mélenchon et Valérie Pécresse pour leur part n’ont pas de position claire sur le sujet, évoquant une suspension d’activités qui n’a que peu de sens puisque Total détient surtout des parts financières dans des entreprises et projets russes. Quant au candidat Macron, sa posture vis-à-vis de Total Energies en tant que Président en place parle d’elle-même.
Cette guerre a aussi mis en lumière l’interdépendance du secteur nucléaire français avec le régime de Poutine, via l’entreprise publique russe du nucléaire Rosatom, qui perdure malgré les recommandations européennes et qui vient casser le mythe de la souveraineté énergétique qu’offrirait l’atome selon ses partisans.
Des solutions (et des fausses solutions) face la hausse des prix des carburants
Dans le contexte actuel, tout en gardant le cap de la transition écologique sur le long terme, il est également essentiel de soutenir à court terme celles et ceux qui se retrouvent en difficulté face à la hausse des prix de l’énergie.
La première chose à faire serait de mettre en place un mécanisme de compensation de la hausse des prix de l’énergie pour les ménages modestes, financé par une taxe exceptionnelle sur les bénéfices records engrangés par les entreprises de l’énergie, et en particulier TotalEnergies. A noter qu’il y a déjà eu des prises de parole en ce sens de certain·es candidat·es ou de leurs équipes, comme chez Yannick Jadot ou Jean-Luc Mélenchon. D’autres candidat·es comme Fabien Roussel, Marine Le Pen ou Eric Zemmour ont aussi pu aborder cet enjeu mais ces prises de position conjoncturelles se heurtent à l’insuffisance voire, pour certain·es, à la grande faiblesse de leur socle programmatique pour réguler les grandes entreprises climaticides et/ou engager une transition énergétique solide. Valérie Pécresse, de son côté, semble a priori se satisfaire de la ristourne de dix centimes par litre consentie par Total dans ses stations services.
En revanche, attention aux fausses solutions : le Réseau Action Climat a rappelé qu’une mesure de baisse de la TVA sur le carburant, reprise par plusieurs candidat·es, ou la mesure annoncée par le gouvernement sur la remise de 15 centimes par litre de carburant ne sauraient répondre à l’enjeu. D’abord car elles n’auraient qu’un impact minime sur la limitation des prix à la pompe notamment dans un contexte de grande volatilité des prix. Mais aussi parce qu’elles s’appliqueraient de manière indifférenciée à tous les ménages alors même que le but est d’aider en priorité les ménages les plus modestes dépendants de la voiture. Ce dernier point est vrai aussi pour la proposition d’un blocage des prix. A noter que certain·es candidat·es comme Marine Le Pen proposaient déjà, avant la guerre en Ukraine, une mesure de baisse de la TVA sur les carburants dans leur programme, ce qui a encore moins de sens puisqu’elle était alors envisagée de manière pérenne !
Face à la flambée des prix à la pompe, le Réseau Action Climat met également en avant la nécessité de prendre rapidement des mesures de sobriété permettant de réduire notre consommation de produits pétroliers, comme la généralisation du “forfait mobilités durables”, et des mesures spécifiques visant à compenser effectivement le surcoût pour les ménages modestes dépendants à la voiture ou à soutenir leur utilisation d’autres modes de transport, à travers par exemple un chèque mobilité.
Il est évidemment essentiel, en parallèle de mesures sociales d’urgence, de prendre les mesures structurelles qui s’imposent pour lutter contre la précarité, comme la rehausse des salaires (et notamment du SMIC) et la revalorisation des minimas sociaux – mesures que nous portons notamment dans le cadre du collectif Plus Jamais Ça. De même, il est essentiel de prendre les mesures structurelles qui s’imposent pour sortir le secteur des transports des énergies fossiles, réguler les secteurs des transports polluants, comme l’automobile et l’aérien, et les obliger à répondre à l’enjeu de sobriété, et faire des modes de transports alternatifs (train, transports en commun, vélo, etc) et de leur accessibilité la priorité. Là encore, certain·es candidat·es à l’élection présidentielle se saisissent de ces enjeux. D’autres : non.
Dernière mise à jour : 01/04/2022