Journée internationale des peuples autochtones : témoignages de résistance

Du Canada au Honduras en passant par le Brésil et la Finlande, les peuples autochtones sont en butte à l’oppression, à l’avidité des multinationales et au comportement ambigu de certains gouvernements. Et les changements climatiques ne font que rendre leurs combats plus difficiles. Lorsque votre vie et votre culture sont menacées, il n’y a pas d’échappatoire possible : vous devez faire face à l’oppresseur pour survivre.


Les peuples autochtones sont les mieux placés pour parler de la résistance qu’ils mènent au quotidien. C’est pourquoi, en cette Journée internationale des peuples autochtones, nous avons décidé de leur laisser la parole en vous livrant les témoignages de leurs représentants à travers le monde.

Arnaldo Kabá Munduruku, cacique du peuple indigène Munduruku, Brésil

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La construction de barrages dans le bassin de la rivière Tapajós, en Amazonie, pourrait forcer les Mundurukus à quitter leurs foyers, provoquant la disparition de leur mode de vie, de leur culture et de leurs moyens de subsistance. Plus d’un million de personnes à travers le monde ont soutenu le combat des Mundurukus contre la construction de ces barrages destructeurs. La semaine dernière, la procédure d’autorisation du plus grand barrage, São Luiz do Tapajós, a été annulée. A présent, les Mundurukus se battent pour l’abandon des autres projets de barrage et, surtout, pour la démarcation officielle de leurs terres ancestrales par le gouvernement brésilien, car seul le respect de leurs droits mettra un terme définitif à tous les projets de barrage.

Arnaldo est si déterminé qu’il a décidé de se rendre, cette semaine, au Royaume-Uni pour porter ses revendications auprès de Siemens, une des compagnies qui pourraient participer à la construction de barrages en Amazonie. Arnaldo ne baissera pas les bras :

« Le fleuve et la forêt nous donnent tout ce dont nous avons besoin. Ils nous apportent notre nourriture, notre eau et nos médicaments. S’ils construisent ce barrage, ils tueront la rivière et avec elle mon peuple et ma culture. L’avenir de nos enfants est menacé par la cupidité des industriels et des gouvernements. La forêt est également importante pour les peuples du monde entier : elle appartient à tous. »

Jenni Laiti, artiste et militante, représentante du peuple sami, Laponie

Le mode de vie du peuple Sami fait face à de multiples menaces, comme nous l’explique Jenni :

« Notre avis n’est pas pris en compte, nous n’avons pas voix au chapitre, que ce soit en Suède, en Norvège, en Finlande ou en Russie. Ces pays nous dévastent et nous divisent. Nous exploitons nos terres de façon durable, conformément à nos traditions. Mais nous devons composer avec des pays coloniaux qui disposent de leur propre système et législation et ne reconnaissent pas notre droit coutumier. Ils considèrent la Laponie et ses terres sauvages d’un point de vue colonialiste : ils pensent qu’il s’agit d’un territoire vide dont ils peuvent piller les ressources. Notre héritage, notre langue et nos connaissances traditionnelles s’éteignent un peu plus chaque jour. Nous devons également lutter contre les changements climatiques, qui mettent en péril notre mode de vie. Ni le capitalisme, ni le colonialisme ne pourront nous sauver. Et le temps presse car nous sommes au bord du gouffre.»

 

Gaspar Sanchez, membre du COPINH (Conseil civique des organisations populaires et indigènes du Honduras), Honduras

Gaspar fait partie du peuple autochtone des Lencas et il est membre de l’association COPINH, une association de défense de l’environnement et des droits du peuple Lenca, co-fondée par Berta Cáceres. Dans la région, 51 barrages hydroélectriques sont en projet et la COPINH a reçu des plaintes pour 49 d’entre eux. Plusieurs personnes ont perdu la vie en se battant contre ces barrages et pour la sauvegarde de leurs de terres.

« Tous ces projets sont illégitimes et illégaux. Illégaux car ils ne respectent pas les conventions internationales, comme la Convention (n°169) de l’Organisation Internationale du Travail relative aux peuples indigènes et tribaux, qui établit le droit des peuples autochtones à un consentement libre, préalable et informé pour les projets les affectant directement. Ils sont illégitimes car toutes les décisions sont prises sans aucune forme de consultation.

Nos territoires sont largement occupés par les militaires. Lorsque nos compagnons se mobilisent pour dénoncer ces injustices, ils sont harcelés, traités comme des criminels, voire assassinés. Ainsi, cinq personnes ont été tuées pour avoir défendu les fleuves sacrés de Gualcarque et Blanco, six en comptant Berta Cáceres. Et ce n’était pas la première fois.

Il est clair qu’aucune institution dans ce pays n’est pas capable de répondre aux besoins des peuples autochtones. Pour le moment, nous sommes sans défense : l’État et les institutions publiques travaillent avec des politiciens et des industriels liés au trafic de drogue et au crime organisé. Il ne reste absolument plus personne pour protéger les peuples autochtones. »

Clayton Thomas-Müller, membre de la Première Nation des Cris de Mathias Colomb et chargé de campagne pour 350.org, Canada

Dans le nord de la province du Manitoba, Clayton est un militant du peuple Cri et défend le droit des communautés autochtones à l’autodétermination et à la justice environnementale.

« Chez les Premières Nations du Canada, cette idée fait consensus : pour atténuer les changements climatiques, développer des programmes d’adaptation et répondre à la crise mondiale, il faut commencer par s’attaquer aux problèmes du colonialisme et de la réconciliation. Pour garantir la pérennité de son modèle économique actuel, le Canada doit autoriser la dépossession des terres des peuples autochtones et l’extraction de leurs ressources naturelles, qui seront vendues aux plus offrants sur les marchés internationaux. Cela ne peut plus durer.

Ce néocolonialisme est pour nous à double tranchant : nous sommes particulièrement affectés, ici sur nos terres, par les impacts des industries extractives, mais aussi par les effets des changements climatiques qui résultent des activités de ces industries. Nos droits d’exploiter nos terres, pourtant protégés par la Constitution, sont bafoués. Les pays du G8 se servent de la crise climatique pour faire encore plus de profits.

Les accords de libre-échange et les institutions comme la Banque mondiale permettent au Canada de compenser ailleurs le carbone qu’il émet ici. Les forêts sont devenues une marchandise : le Canada peut planter des palmiers à huile dans les pays du sud pour “compenser” le développement des sables bitumineux ici. Il est de notre devoir de ne pas exploiter ces ressources fossiles : notre région est le deuxième plus important puits de carbone de la planète ! Si le développement des sables bitumineux se poursuit, c’est l’avenir de l’humanité qui est en péril.»

Comment soutenir les peuples autochtones ?

Comme l’affirme Clayton, “la solidarité est l’outil le plus efficaces des mouvements sociaux.” La solidarité se pratique de plusieurs façons : en cherchant à s’informer, en faisant passer le message autour de soi, en envoyant des messages de soutien, en faisant pression sur les industriels et les gouvernements ou encore participant à des actions de terrain.

C’est votre solidarité et qui nous a permis d’empêcher la construction du barrage de São Luiz do Tapajós. Nous comptons sur votre mobilisation pour remporter d’autres victoires pour la planète, aux côtés des peuples autochtones.